Capitulo 7 - Colcalpaga

Il est temps d'attaquer la montagne: le canyon del Rio Colca, lieu privilégié des condors et des amateurs de treks de toute durée. Avec encore trois semaines de voyage devant nous, nous décidons de nous cantonner à la version soft. Il s'agira donc de descendre un petit (petit, petit…) kilomètre de dénivelé depuis Cabanaconde jusqu'à l'oasis de Sangalle, pour remonter le lendemain. Écrit en une ligne, ça va vite. En vrai, c'est trois heures de marche assez tôt dans la matinée pour éviter des chaleurs insupportables une fois le soleil levé. Sans oublier qu'on part d'environ 3200 mètres d'altitude. Pour un cabri habitué à ses collines de bord de mer, c'est un paramètre non négligeable! Par contre, la chèvre andorrane retrouve plusieurs sensations de chez elle, entre paysage de montagne, petits sentiers en lacet, bourricots et vue sur les villages alentours. Auxquelles il faut tout de même ajouter des cactus, des colibris (les plus gros du monde d'après les locaux) et les fameux condors, que l'on n’a pu voir que brièvement malheureusement.

Une fois arrivés en bas, plusieurs auberges nous attendent, avec chacune leur piscine, de belles pelouses bien vertes et de grands arbres fruitiers. Oui, c'est une oasis, c'est normal que tout soit vert. Mais laissez-moi présenter ça autrement: “Nous sommes le 4 novembre, au milieu d'une oasis à plus de 2000 mètres d'altitude au fin fond d'un canyon, seuls, assis au bord d'une piscine en face de chèvres en train de manger des feuilles de bananiers”. L'après midi est consacrée à une balade le long du Rio Colca, où nous attendent une cascade et une myriade de couleurs de roches, allant du gris au violet. Contraste frappant avec la couleur de la terre, variant elle du rouge au jaune en passant par des veines de marron. Premier moment où nous nous retrouvons à être là seule preuve de l'existence humaine, même si l'on sait que les logements sont juste au-dessus. Plaisir de laisser exister la nature pour elle-même, sans rien lui demander. Petit plat de spaghetti et soupe bien chaude pour finir la journée et s'endormir la tête dans les étoiles.

Réveil matin, cinq heures, on se réveille comme des fleurs, pour remonter le flanc du canyon et retourner à la casa de Santiago, où nous avons laissé les mochillas la veille (pas fous les bêtes, on n'allait pas faire tout ça avec 12 kilos sur le dos!). Même topo que la veille, le but est d'éviter au mieux la chaleur et le soleil tant redouté dans ces moments-là. Petit énervement lors de la montée, lorsqu'on croise un troupeau de touristes fatigués de monter, juchés tant bien que mal sur les ânes locaux. Pour quelques soles, on a apparemment le droit de crever une bête parce qu'on n'avait pas prévu la difficulté de la montée. Alors voilà, que ce soit dit: la montée est vraiment difficile et si vous n'êtes pas préparé correctement, ne le tentez pas. Merci pour eux.

D'ailleurs, départ de cheval, arrivée d'âne en tous cas à temps pour la fin du petit déjeuner à la casa de Santiago. Le reste de la journée a été consacrée aux tâches ménagères et à quelques siestes dans les hamacs, bercées par les doux BÊÊÊH et autres MEEEEUUUUH des mammifères velus du coin. Au coucher du soleil, l'envie de marcher nous a repris et nous sommes partis au mirador de Achachiwa, dans la banlieue cabanacondéenne (boutade). Mention spéciale à la fête de quartier sur le chemin, où un couple littéralement enguirlandé fêtait ce qui semblait être la fin du chantier de leur maison avec les voisins, partageant bières et soupes entre les adobes, les briques et les tas de sable. Assis au milieu de la rue, les hommes faisant face aux femmes, nous sommes passés entre les deux camps sans nous arrêter, sentant toute la bienveillance de ces regards d'un autre monde, malgré tout habitué à voir passer des couples comme nous.