Quand nous pénétrons dans Syracuse, nous avons un moment de doutes! Les faubourg de la ville sont envahis de zones commerciales et industrielles quasiment lépreuses, tout y est d'une laideur et d'une saleté repoussante. Les zones d'habitations qui suivent ne sont guère mieux, immeubles vétustes, tombant en ruines parfois, trottoirs inexistants ou jonchés de détritus, cette ville semble abandonnée de tous.
Puis nous passons le pont et entrons dans l'île d'Ortigia, la Syracuse historique. Le parking, immense, blindé de voitures est lui aussi sale et comme abandonné, mais juste derrière il y a la mer, avec des couleurs qui virevoltent, passant en quelques mètres du bleu turquoise au vert émeraude, l'air sent l'iode et la marée, et les bâtiments qui nous entourent sont certes en mauvais état pour la plupart, mais ils portent le poids de siècles et de siècles d'existence.
Fondée 900 ans avant notre ère, il y a donc presque 3000 ans, Syracuse à vu passer Archimède ou Damoclès, et à laissé son empreinte dans l'histoire de l'humanité.
Pour aller à sa rencontre il faut fuir en courant tous ces pseudos guides qui vous accostent et vous promettent de vous montrer tout et rien. Pour rencontrer la ville il faut se perdre dans ses ruelles, celles qui dévalent les pentes pour aller se jeter dans la mer qui vous attend à chaque coin de rue, découvrir les piazzettas et des églises totalement improbables, des palazzi comme s'il en poussait de terre, écouter ces femmes et ces hommes qui s'interpellent, chantent, crient et rient, Leur langue chantante et un peu traînante n'est plus tout à fait de l'italien, et ne l'a certainement jamais été vraiment. Ils sont siciliens, fiers de l’être et c'est à Syracuse que j'ai senti battre le cœur de cette île!
De ruelle en impasse, de piazzetta en palazzo, nous voici devant les ruines du temple d’Apollon, le plus ancien temple de Sicile, quelques colones, un pan de mur , et un espace envahi par les herbes folles. D'entretien ou de mise en valeur point! C'est la Sicile, mais il se dégage de cet endroit une certaine majesté tout de même, et en fermant les yeux, en laissant le soleil me brûler le visage, en oubliant le bruit des voitures , je peux imaginer un instant des hommes et femmes en toge venant prier leur dieu....
Juste à coté il y a l'Antico Mercato, comme son nom l'indique, ce marché remonte loin dans le temps, il est malheureusement fermé, et aujourd'hui les commerçants se sont installés dans les rues qui l'entorent.
Nous pénétrons alors dans un endroit incroyable, des montagnes de fruits et de légumes, tous plus beaux et plus exotiques les uns que les autres. Citrons énormes de Sicile, des Gelsi, sorte de mûres plus grosses et plus longues, d'un gout particulier, des courgettes longues et fines, des aubergines aussi grosses que des ballons, des fromages en forme de bourse, des épices qui remplissent l'atmosphère de senteurs qui en se mêlant vous emportent loin sur les mers du Sud.
Et les poissons, les poissons sont ici dans des bassines, posés sur des étalages tout simples, voire sur de simples planches de bois. Les poissonniers crient, interpellent les passants, ceux ci leur répondent de la même façon, et tous ces cris et ces rires font une chanson inédite, la chanson de la rue sicilienne.
Nous nous échappons de la cohue du marché en dégringolant une suite de ruelles, les balcons se touchent au dessus de nos têtes, comme dans les vieux films le linge sèche sur des cordes tandis que des mamas échangent on ne sait quelle histoire dans une langue inconnue.
Nous débouchons tout d'un coup sur la Piazza Archimède. Le plus grand scientifique que vit naître Syracuse a donné son nom à cette petite place charmante, malheureusement envahie de voitures garées de façon anarchique, les cars de touristes se glissent entre les voitures et bien entendu finissent par tout bloquer. C'est alors un concert de klaxon et de cris furieux! Nous nous échappons, non sans avoir admiré la fontaine qui trône sur la place, tandis que le palazzo Lanza, un des plus anciens de la ville, continue lentement de se délabrer dans l'indifférence totale.
Nous continuons notre fuite dans les ruelles où aucune voiture ne peut nous retrouver, et nous débouchons sur la superbe Piazza Duomo. Ici se dresse la cathédrale la plus inédite que j'aie vue! Elle fut construite à l'intérieur d'un temple grec dédié à Athena, et à l'intérieur de la cathédrale on peut encore voir les colones du temple intégrées à l'architecture. Cette cathédrale de style normand, fut dévastée par un séisme en 1693, et sa façade qui s'était écroulée fut rebâtie en style baroque, ce qui lui confère un charme particulier en mélangeant les styles. Mais ces mélanges ne s'arrentent pas là, la cathédrale ayant été mosquée lors de la conquête de la Sicile par les Arabes, certains détails à l'intérieur rappellent cette période. Des reliquaires contenant des ossements vénérés ici se retrouvent dans les niches latérales, un peu lugubre....
La place, toute blanche, est entourée de palazzi somptueux, et tout au bout, l'eglise Santa Lucia, patronne de la ville de Syracuse, malheureusement fermée.
Nous descendons encore un peu plus loin, là une source sort du sol à quelques mètre de la mer, au milieu d'un sublime bosquet de papyrus, l'ambiance fait penser au Nil pas si lointain.....
Mais nous fuyons rapidement car des hordes de touristes se jettent sur les barrières pour admirer la source.
Continuant notre chemin en longeant la mer, nous arrivons au Castelo Maniace . Ce fort qui surveille l'entrée de la baie de Syracuse fut construit en 1232, malheureusement fermé ce jour là.
Nous profiterons de l'endroit, magnifique et ensoleillé, et déserté par les cars de touristes, ce qui nous permettra d'admirer en paix la mer si belle à cet endroit loin du monde. En face de nous l'autre coté de la baie, celui où nous avons dormi et mangé ces derniers jours.
Nous irons déjeuner dans un petit restaurant sympathique près du marché, des gnocchis pesto trapanese, et une salade fenouil orange délicieuse. En dessert une panacotta basilic à tomber!
Après une dernière flânerie dans la ville, il sera temps de repartir pour l'aéroport, déposer la voiture, enregistrer nos bagages, et prendre un avion qui sera bloqué au sol plus d'une heure à cause d'une hirondelle croisée sur le chemin de Catane.
Nous avions des nids d'hirondelles juste au dessus de notre fenêtre de chambre, je penserais à elles en espérant que ce n'était pas l'une d'elles, elles ont enchanté nos réveils de leurs chants tous les matins.