Aujourd’hui nous fuyons la côte et ses restaurants pour touristes, les plages avec matelas et parasols, pour aller à la rencontre de la Crète authentique, celle qui vit, celle qui meure aussi, parfois, souvent, mais qui reste pourtant debout et fière!
Réthymnon, 3eme ville de Crète, envahie encore et encore, et qui a su garder le meilleur de ces invasions, ou parfois le moins pire.......
Réthymnon, ville populaire, où au détour des ruelles on tombe fréquemment sur une porte ouverte sur l'intimité de ces crétois qui vivent et meurent ici, loin de l'ambre solaire et des terrasses bondées.
Des intérieurs simples, dépouillés, mais des extérieurs qui sentent la convivialité et les échanges. Comme ces hommes en terrasse, qui jouent et fument durant des heures devant un café si fort qu'il me tiendrait éveillé jusqu'à demain, ces femmes , assises sur des chaises le long des ruelles de la vieille ville, et qui devisent en regardant défiler les touristes.
Mais nous trouvons finalement une place pour notre vieux mais valeureux Jimny, et nous partons à l'assaut de la forteresse vénitienne, la Fortezza!
Construite au XVIeme siècle par l'envahisseur vénitien, sur le site d'une ancienne citadelle byzantine, elle servait à l'origine à surveiller et empêcher l'approche des pirates turcs.
Ce ne fut pas une réussite, puisque dans la 2eme moitié du XVIIeme siècle, ceux ci s’emparèrent de la forteresse après un siège durant lequel une grande partie des habitants de la ville se réfugièrent dans la fortezza.
Les Turcs rasèrent la grande église construite sur le sommet de la colline, et y bâtirent une mosquée, encore debout aujourd’hui .
De la forteresse il ne reste plus désormais que les remparts impressionnants, des fortins qui surveillent toujours la mer, et quelques bâtiments plus ou moins en ruine sur un plateau désertique et brûlé par le soleil.
Les seuls habitants de cette forteresse sont , comme partout sur l'île, des chats qui vivent de chasse et des aumônes alimentaires de quelques personnes.
Après cette visite qui nous a donné un aperçu très léger de l'histoire de cette ville, nous dévalons les escaliers et ruelles en pente de la colline et plongeons dans le ventre et le coeur palpitant de la cité.
Au fil des ruelles, des portes, des balcons, des façades en bois en saillie, typiques de l'architecture turque, nous rappellent continuellement que la ville a grandie et poussée au gré des influences étrangères.
Ces influences se retrouvent également dans la vie quotidienne des habitants, cuisine crétoise et turque se mélangent allègrement, puis on y rajoute une touche italienne avec la cuisine et les épices vénitiennes, et tout celà donne à la ville, à ces ruelles, des parfums venus de partout.
Des boulangeries aux vitrines minuscules proposent des pains pita, des gâteaux à l'anis ou des pains en forme d'animaux, de personnages de légende. Des ateliers où des artisans façonnent le cuir couvrent une rue toute entière, tandis qu'un peu plus loin on passe dans la rue des brodeuses qui empilent des napperons brodés et décorés de dentelle. D'autres artisans travaillent avec une machine à coudre bien plus vieille que moi et préparent rideaux , vestes ou robes selon les commandes.
Tout un petit peuple laborieux vit dans ces quartiers, loin des boutiques de souvenirs Made in China et des vendeurs de pacotilles.
Au détour d'une rue, l'église orthodoxe San Francesco côtoie la Mosquée Nerantzès. Celle ci est tout bêtement une église du XVeme siècle, à laquelle les Turcs ajoutèrent un minaret, le muezzin montait et descendait les quelques 200 marches 5 fois par jour pour l'appel à la prière. Cet homme devait avoir des abdos et des jambes en béton armé!!!!
Pour déjeuner nous nous posons aux tables d'une petite taverne familiale, celles ci ont investies une cour fleurie, et nous y continuons notre régime crétois, salade crétoise et beignets de fleurs de courgette!
Comme toujours, le patron nous offre de la pastèque en dessert, les crétois ont un véritable sens de l'Hospitalité!
Nous continuons notre voyage au cœur de la Crète, et nous nous dirigeons à seulement quelques petits kilomètres de Réthymnon pour découvrir la nécropole d'Armeni.
Cette nécropole compte environ 250 tombes, de la plus simple au monumental tombeau avec plusieurs chambres funéraires taillées dans le roc. Elles datent toutes d'une période d'environ 3500 ans.
Le plus mystérieux est qu'aucune trace d'habitation, de temple ou de bâtiment de pouvoir n'a été retrouvé à moins de 10 kms.
Malheureusement pour nous, le site est fermé. Pas d'explication ni de raison officielle, il est fermé!! Bon tant pis, nous reprenons la route pour un des lieux les plus sacrés pour le peuple de Crète, le monastère d'Arkadi.
Nous parcourons une vingtaine de kms au milieu des oliveraies et des vignes, traversons des villages endormis, croisons bien plus de pick ups d'agriculteurs que de voitures de location.
Nous voilà encore une fois dans la Crète réelle, celle maintenant qui vit de la terre, qui cultive et élève, ici et là des troupeaux de brebis , encore et toujours des oliviers, des vignes, des citronniers, des arbres fruitiers et des cultures maraîchères, surgies au beau milieu de cette terre aride et souvent désertique.
On imagine le temps, les efforts et les souffrances de générations de paysans pour arriver à ce résultat.
La route maintenant sinue et se glisse dans des gorges à la sauvagerie saisissante, personne ne vit ici, c'est évident, c'est le royaume des animaux du maquis, d'ailleurs des odeurs entêtantes de thym et des herbes de la garrigue nous entourent, c'est presque enivrant sous cette chaleur écrasante, oui 35° quand même!
A la sortie des gorges, une fois arrivés sur le plateau, un virage sec et nous voici devant le monastère.
Construit au XIe siècle, il se cache derrière de hauts murs, a 500 m d'altitude. Il fallait alors pour le rejoindre traverser ces gorges escarpées par des sentiers qui se glissaient le long des pentes vertigineuses, se frayer un chemin dans le maquis dense, venir au monastère à cette époque se méritait!
Mais en 1866, les Turcs envahissent l'arrière pays crétois, qui résiste et dont la population est principalement composée de rebelles à l'autorité Ottomane.
Quelques 600 personnes, dont principalement des femmes et des enfants, familles des maquisards d'alors, trouvent refuge au monastère.
L'amée turque aligne alors 15 000 hommes, pas moins, pour mater les rebelles, et met le siège devant le monastère. Après un combat sans merci, les assiégés choisissent de se faire sauter avec la poudrière, plutôt que de se rendre, et ainsi les 600 femmes et enfants, les popes, et les derniers maquisards périssent dans l'explosion.
Devant le monastère, un ossuaire leur rend hommage, où sont exposés quelques uns des cranes des victimes.
La visite est poignante, partout on retrouve la trace des assiégés, dans les couloirs desservant les cellules, où étaient couchés et soignés les blessés, dans le réfectoire où ils mangeaient avec les moines, où dans les celliers où s'entassaient ceux qui n'avaient pas besoin de soins.
Un cyprès décharné, morceau de bois mort, tend ses branches blanches comme des os vers le ciel et vers l'église, il était là lors de l'assaut, et dans son tronc on retrouve fichés des éclats d'obus et des balles turques.
Là aussi, des chats encore et encore!
Toujours pas trouvé la piste du Minotaure, mais la Crète est assurément l'île aux chats
Conduire en Crète est moins stressant qu'en Sicile, pour autant il y a une ou deux choses à savoir, particulièrement en ce qui concerne les dépassements.
Lla bande d'arrêt d'urgence, sert aux véhicules plus lents à se rabattre lorsqu'un plus rapide veut les dépasser, ainsi lorsqu'un véhicule plus rapide que vous arrive, n'oubliez pas de vous serrer à droite pour le laisser passer, même si une looooooongue ligne continue sépare la route!