« Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie; tout passe. Dieu ne change pas; la patience obtient tout; celui qui possède Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit ! »
Réveillé par les voitures passant sur la route proche de la grange où je dormais, je partis tôt, les matinées commençant à être froides. Je gravis une haute colline boisée et traversai plusieurs villages au joli clocher offrant une vue sur les montagnes apuanes. Puis je suivis un sentier dans une forêt de châtaigniers qui menait à San Macario in Piano où je pris mon déjeuner. Arrivant dans la plaine de Lucca, je passai au-dessus de la rivière Serchio que je longeai ensuite jusqu’à atteindre cette ville splendide. J’y rentrai en constatant les fortifications de l’époque moderne qui entouraient la ville, avant de découvrir les impressionnantes églises blanches qui la parsèment ainsi que plusieurs hautes tours de brique. La ville avait beaucoup de charme mais était très touristique en ce samedi de début novembre. Le comble fut pour moi l’accès payant à la cathédrale et à une basilique ainsi qu’une exposition sur des dessins animés dans une église. Je quittai finalement la ville par une des grandes portes et continuai jusqu’à Capannori. Le curé ne put m’y recevoir et je partis donc à Porcari à plus d’une heure de marche alors que le soleil se couchait. En y arrivant, je vis que la belle église était ouverte et y entrai alors qu’une messe avait déjà commencé. A la sortie, je rencontrai Don Americo et un séminariste qui l’aidait, Emmanuel. Ceux-ci purent me recevoir et m’invitèrent même à dîner! Ayant un repas de pâtes avec un ragoût et des frites accompagnées de fruits de mer frits, nous passâmes un bon moment, discutant de l’Eglise, de l’appel qu’ils avaient eu ou encore de gastronomie locale.
Allant à la messe de Don Americo, lui et Emmanuel me saluèrent chaleureusement avant que je parte en direction de San Miniato. Heureux de l’échange que j’avais pu avoir avec le clergé de Porcari, la matinée passa vite. J’arrivai ainsi jusqu’au petit village de Villa Campanile après midi et une femme assise à la terrasse d’un bar m’invita à la rejoindre et m’offrît de l’eau. Anna-Lisa venait d’un village près de Lucca et s’intéressa à mon parcours. Nous fûmes rejoints par un écossais et une suédoise, Dick et Paulina, deux marcheurs en vacances qui allaient à Sienne. Un marocain travaillant dans le village nous rejoignit enfin, et toutes ces personnes entraînèrent un joyeux tumulte dans toutes les langues! Finalement, je repartis et fus accompagné sur une partie de mon chemin par les marcheurs, ce qui me permis de discuter longuement avec eux. Laissé seul pour la pause déjeuner, je traversai une grande forêt de feuillus, me protégeant de la chaleur du soleil, et j’arrivai en fin de journée en vue de Fucecchio. Longeant une rivière, j’atteignis la ville d’où j’avais un beau panorama sur le soleil couchant. Demandant à plusieurs prêtres et à un couvent, personne ne pouvait m’accueillir et je décidai de continuer ma route malgré la nuit. Je tentai ma chance dans le village suivant auprès du curé mais sans succès et me décidai à rejoindre San Miniato, surplombant la vallée, en passant par une route fréquentée, ce qui était assez dangereux de nuit. Trouvant toutes les églises fermées, je me résolus à passer la fin de la soirée dans une ancienne église, ayant appartenu à un monastère, qui était restée ouverte et me protégeais du froid. Un homme chargé de venir la fermer, Gianluigi, s’enquit de mon problème et me permit de rester dormir dans ce bâtiment, m’apportant gentiment un peu de nourriture. Malgré l’originalité de mon logement, je passai le reste de la soirée tranquillement, me couchant au milieu des stalles, harassé de fatigue.
Réveillé par le bruit des écoles qui entouraient l’ex-église, j’en sortis et en profitai pour admirer les nombreux monuments de San Miniato de jour. Entre la tour de Frédéric II, la cathédrale et le couvent franciscain, le village pouvait se targuer de posséder un des plus beaux centres historiques de la région. Je marchai ensuite à travers les collines qui se formaient au sud de San Miniato, me révélant la Toscane que j’avais pu voir en images, des cultures agraires aux rangées de cyprès. Je déjeunai à proximité de Gambassi Terme, célèbre pour ses eaux chaudes, mais la dépassai ensuite pour aller en direction de San Gimignano. Le soir approchant, je m’arrêtai au sanctuaire de Pancola, mais si le frère qui m’y reçut ne put m’accueillir, il me donna tout de même de quoi manger. Je continuai donc et arrivant en vue de la ville aux 14 tours, je sonnai dans un monastère par lequel mon chemin passait. Les frères du monastère di Cellole me firent bon accueil, et je pus assister aux vêpres dans leur belle église romane, de même que prendre un dîner en leur compagnie et celles de prêtres visiteurs. Après un repas ponctué d’histoires drôles que je tentai de comprendre tant bien que mal, j’aidai à la vaisselle puis me couchai après avoir salué les frères.
N’ayant pas eu le courage de me lever à 6h pour accompagner les frères aux laudes, je pus néanmoins saluer et remercier chaleureusement frère Emiliano qui me pria de revenir si je passai en Toscane. Puis je descendis à San Gimignano, une ville médiévale magique, tant par son architecture générale que par ses tours imposantes. Je pris le temps de visiter toute la ville, découvrant notamment une superbe vue depuis les murailles et la place principale, entourée par l’église, la mairie et les tours les plus ouvragées. Je croisai également une française qui avait fait le chemin de Compostelle et qui me souhaita bon courage. Ayant profité de San Gimignano par une heure matinale, je partis au moment où des cars remplis de touristes chinois arrivaient, et compris la chance que j’avais de ne pas être venu en plein été. Poursuivant ma route en suivant un sentier vallonné à travers champs et forêts, je tombai rapidement sur un jeune randonneur allemand bien chargé avec qui je commençai à parler en marchant. Valentin avait le même âge que moi, était parti de Milan pour rejoindre Sienne à pied et en stop pour ses vacances. Nous passâmes la matinée à discuter et décidâmes de continuer la route ensemble, passant à Colle di Val d’Elsa pour le déjeuner, fourni de grandes fortifications. Par la suite, nous longeâmes un cours d’eau à la clarté troublante, passant à gué grâce à des cordes et atteignant pour finir une haute chute d’eau. A la fin de cette journée, nous arrivâmes au village-forteresse de Monterrigioni où nous fûmes accueillis par le curé dans l’hospitalité pour les pèlerins où il me fallut néanmoins donner un donativo. Profitant du confort que nous avions, je pus faire une lessive et me reposer en discutant avec mon compagnon allemand, puis nous nous couchâmes tôt.
Souhaitant avoir du temps pour visiter Sienne, nous ne nous attardâmes pas à Monteriggioni, mais pûmes admirer ses remparts surmontés de tours qui englobent le village en le quittant. Les collines continuaient les unes après les autres jusqu’à Sienne et nous trouvâmes, en nous y rendant, plusieurs châteaux médiévaux qui dressaient leurs créneaux le long de notre route. Arrivés dans cette grande ville de Toscane, nous déjeunâmes au pied de la basilique St Dominique puis nous visitâmes les monuments principaux. La ville elle-même est agréable, dotée de nombreuses ruelles qui traversent des quartiers de maisons pour la plupart anciennes. Les basiliques de St François et de St Dominique sont impressionnantes par leur largeur et la charpente conséquente, tandis que de nombreuses petites places accueillent des églises ou des palais médiévaux. Mais ce qui fait la splendeur de Sienne est surtout sa piazza del campo, où trône majestueusement le palais et sa tour, la Torre di Mangia devant un large espace. Le duomo, cathédrale de la ville est aussi pourvu d’un porche qui oblige à s’arrêter longtemps pour l’admirer tant il recèle de détails. Malheureusement l’entrée du Duomo était payante… Après avoir visité une bonne partie de la ville, nous allâmes dans un couvent où on accueillait les pèlerins. Mais ce couvent n’en avait que le nom, et bien que cela ne fusse pas cher, nous eûmes à payer pour y dormir, ce qu’il ne me plût guère, vu le principe de mendicité que je m’étais donné. Cela nous permis néanmoins de rencontrer une israélienne, Yaël, avec qui nous discutâmes de nos parcours, avant de sortir contempler les monuments de Sienne de nuit. Finalement, nous fîmes à dîner et je passai une soirée conviviale avec Valentin avant de me coucher.
Levé tôt, je saluai Valentin qui partait dans une autre direction que la mienne, et repris la route de nouveau seul après cette parenthèse germanique. J’avais dans le dos Sienne, dont je pus encore contempler les tours et clochers longtemps durant, et je me dirigeai vers le sud et ma destination finale, Rome, qui n’était plus si loin! Passant par Isola et Ponte D’Arbia, la route ne m’offris pas de monument particulier, les villes traversées ressemblant plus à des cités ouvrières que des anciennes forteresses. Malgré tout, la vue sur la Toscane ensoleillée était superbe, offrant un paysage de collines et de villages derrière lesquels on apercevait quelques montagnes. J’arrivai en fin de journée à Buenconvento, et voyant en arrivant dans l’église, qu’une messe allait être dite, j’y assistai et demandai à la sortie au prêtre s’il connaissait un lieu où dormir. Celui-ci pressé me dit qu’il n’y en avait pas et une paroissienne me donna des adresses d’auberges. Cherchant dans le village, je tombai sur un adjoint de la mairie qui essaya gentiment de m’aider mais sans succès. Après avoir acheté un peu de nourriture, je trouvai en désespoir de cause une petite cabane au sortir de la ville, où je me couchai un peu abrité du froid et de l’humidité.
Quittant les abords de Buonconvento, je partis par un matin frais et brumeux qui ne me permis pas d’admirer quelque panorama que ce fut avant midi alors que je grimpai peu à peu vers une montagne peu élevée. Je passai ainsi la matinée dans la campagne de Toscane, traversant le village de Torrenieri et m’arrêtant un peu avant San Quirico d’Orcia pour déjeuner. J’arrivai dans la bourgade, y contemplant l’église, mêlant styles romans et gothiques. Mais je repartis rapidement, passant par Vignoni Alto avant de remonter jusqu’à Castiglione d’Orcia en fin de journée où siégeait un imposant château rond. Y parvenant, je rejoignis l’église et demandai à un monsieur qui passait un coup de balai où trouver le curé. C’était lui! Don Giacinto voulut bien m’accueillir dans une salle paroissiale mais me laissa seul, ce qui me permis au moins de passer une soirée paisible suite à ma dernière nuit.