On n'a pas vraiment enchaîné directement nos deux randonnées: on s'est autorisé une journée de repos (vendredi 23) dans la ville de Shaxi. Mais au final, on n'a pas uniquement lézardé au soleil avec un thé dans la main...
On a revu notre itinéraire en prenant en compte les avions, les visas, la météo, le coût de la vie, l'intérêt pour le pays et l'envie personnelle de le visiter. On a flâné dans la ville, et à travers le marché où on trouve de tout fait avec n'importe quoi (ici, les pneus sont réutilisés comme des bacs ou des seaux, après avoir été retourné. Les poêles a bois sont faits avec des tôles, pour quelques dizaines d'euros). Et on a fait connaissance dans l'auberge de jeunesse de nos voisins, 3 soixantenaires actifs de Malaysie. Tous les 3 maitrisent, en plus du malaysien, l'anglais et le chinois (les rois du monde donc?). Ils nous parlent de leur pays, de la mentalité qui y règne; ils nous le "vendent", autant avec ses bons et moins bons aspects. Après 2 semaines en Chine, ça fait plaisir de pouvoir à nouveau communiquer (et dire autre chose que "on voudrait manger/dormir ici!")!
On les retrouve le soir, dans un petit boui-boui qui ne paie pas de mine. Ils nous en apprennent un peu plus sur les restos en Chine: les couverts sont désinfectés à la vapeur, moyennant un supplément monétaire; il faut demander la cuisson dans telle huile, parce que de meilleure qualité; des affiches sur le niveau d'hygiène du lieu sont accrochées a l'entrée (A = impeccable, B = moyen, C = négligé; on a vu une fois un A)...
Bref, une journée riche en informations, en rencontre, et en bonne nourriture!
Samedi 24 au matin, une adresse en Malaysie en poche, des petits pains à la farine de riz dans le sac, on quitte la douce petite ville de Shaxi, direction Dali, 150 km plus loin. Notre trek est de 120km sur 5 jours (les 30 derniers en bus), le long d'une vallée desservie par une "petite" route, qui pourrait faire penser à une départementale chez nous.
Pour passer le temps, on énumère les petites différences, les trucs "made in China":
Les scooters 125cm2 avec 3 personnes dessus, parfois 4, toujours sans casque,
Les camions au moteur apparant, de la fumée noire qui sort des pots d'échappement (beaucoup trop souvent...),
Les klaxons à longueur de journée (en Asie, le conducteur klaxonne avant de vous doubler, et pendant, et après... on a failli randonner avec des boules Quies...),
Les gamins qui jouent sur la route avec du bambou
Les travaux dans les champs avec les boeufs et la charrue
On s'amuse aussi à compter les "sourires" et les "grimaces" des gens qu'on croise. On a eu droit à 18 sourires (la moitié par des enfants), mais 39 "grimaces" (en gros, c'est les gens à qui on dit bonjour ou à qui on fait un sourire, mais qui ne nous répondent pas ou font la grimace). Moralité : les enfants sont cools, les personnes âgées c'est tout l'un ou tout l'autre.
Sur nos 30 kms de randonnée du jour, on aura croisé une vingtaine de bergers avec leurs bêtes (vaches, chevres...), sauvé un moineau pris dans une toile d'araignée, été pris en photo à l'entrée d'un village, le tout en arpentant villages, campagnes, rizières. Arrêt dodo dans une ville avec fête foraine. Avec nos têtes de blancs (les seuls du village, inutile de le préciser), on a aussi fait l'animation...
Le 2eme jour du trek, on sait qu'on fait une "petite" journée, 18km. Les 9 premiers kms sont assez sympa, similaires au paysage de la veille. Les 9 suivants le sont nettement moins: la route s'est élargie, la petite départementale sympa est devenue une nationale qui roule, le décor n'est plus fait de rizières et de verdure, mais de pinède, tel un paysage aride de Mediterranee. Ciao fermiers, ciao bergers. C'est voiture, bus, scooter. Un vrai boucan... on peste et on pense même à écourter la randonnée si c'est comme ça tout le long...
On croise toujours des vaches. L'une d'entre elles prend paisiblement un bain au soleil et nous redonne le sourire. L'arrivée au village se fait tôt; on a un mal fou à se faire comprendre. On nous écrit et dit des trucs en mandarin. Quesako? On utilise la tablette pour traduire qu'on ne comprend pas mais rien n'y fait, ils continuent... c'est plus fatiguant que marcher! On obtient quand même notre chambre, à 50 yuan, avec terrasse (commune). Une douche chaude, un bon repas dans un resto noté C et au lit!
Le petit déjeuner du trekker en Chine? Nous, on aime bien les petits pains vapeur à la farine de riz, avec une soupe épaisse de mais, et encore plus quand c'est au pied de l'hôtel: rapide et pas cher! On quitte notre village-etape, mais coup dur pour la motivation, la route serpente de telle sorte qu'on le voit encore 2 heures après l'avoir laissé... point positif, la route est plus étroite, moins fréquentée et on retrouve nos compagnons de route préférés : bergers et bétail.
On coupe à travers une petite montagne, à travers les champs de mais. C'est 19kms d'effectués et pas 22, une fois arrivés. Malgré avec "Maps.me" en main, on ne trouve pas l'hôtel indiqué. Une commerçante, de notre âge, nous écrit des choses, on traduit sur la tablette qu'on ne comprend pas le mandarin, alors elle écrit autre chose... on abandonne. Dormir en sauvage alors? On revient finalement sur nos pas, et dans un restaurant, on nous passe au téléphone quelqu'un qui parle anglais. Hallelujah! On se retrouve vite dans le seul grand bâtiment de la ville, un hôtel nickel avec tout le confort. On passe la soirée dans le restaurant, d'abord à lire puis à manger à la même table que la famille: on ne parle pas la même langue mais on passe un bon moment, à user des gestes et des mimiques.
On croise de nombreux barrages ici. La rivière n'est pas tranquille, elle est détournée par l'homme, et ses besoins grandissants en énergie. On voit de très nombreux cours d'eau (tous?) remplis de déchets. La route n'est pas en reste: en ce moment, des équipes de peintres repeignent les blocs de bétons sur les bas côtés (de la route) en jaune et noir et ne s'embêtent pas à ramasser les pots vides et les pinceaux. Ajoutez à ça l'odeur 100% chimique...
Notre pause repas se fait sur un petit chemin, au dessus de la route: champ de maïs à notre gauche, une bâtisse en face, des cochons sur notre droite, et la route dans le dos. Bucolique ! Une petite vieille vient à notre rencontre: elle habite là, et on est sur son terrain. Elle n'a plus beaucoup de dents, des mains et un visage marqués par la vie, le soleil, le labeur du champ. Elle nous invite chez elle, à y boire du thé. On rencontre son mari. Ils n'ont pas grand chose: leur maison donne sur le champ qu'ils exploitent. Leur pièce à vivre est vide de superflu: une vieille télé, un vieux canapé, deux tabourets, quelques cadres avec leur fils en photo, et bien sûr, un poster de Mao Tse Tsung. La barrière de la langue est bien là, mais les sourires sont sincères et bienveillants. On repart avec une photo de nos hôtes et deux kilos de noix de leur jardin. Petite bulle à part.
On arrive à la fin de notre étape du jour, dans un village typiquement chinois: avec ses soudeurs, ses épiciers, ses vendeurs de scooters, ses tailleurs de pierre, ses vendeurs de vêtements, pas de futile ici. On est les seuls clients de l'hôtel mais on nous refuse les chambres doubles (on est étrangers, donc on n'a pas le droit à n'importe quelle chambre); nous, on a droit au dortoir.
Dernière journée de randonnée: on a une vingtaine de kms avant Yangbi, puis un bus jusqu'à la vieille ville de Dali. On marche vite et on s'arrête peu. Résultat, c'est bâclé en 3h30. On chope un bus dans la foulée pour Xiaguan/Dali à 26 yuan pour deux.
On est à peine descendus du bus, que les conducteurs de taxi jouent des coudes entre eux pour nous emmener. C'est qu'ils adorent le touriste blanc...
L'hôtel qu'on avait réservé nous est refusé : interdit aux étrangers? Non, pas cette fois: chambre en reconstruction... c'est la gérante du guesthouse d'en face, Maison Suzanne, qui fait la traduction et nous explique. Elle nous offre un thé et nous file des adresses pour d'autres guesthouses, mais, finalement, nous propose une de ses chambres (toutes vides) pour un prix discount. On accepte, d'autant que le couple de propriétaire est chino-francais et qu'ils sont classés 5eme meilleur guest house de Dali sur TripAdvisor. 4 nuits au chaud douillet pour un prix raisonnable, dans une ville normalement très sympa: de quoi bien finir ce second trek :)
On passe donc 3 jours à Dali, ville recommandée par tous les guides touristiques, connue pour ses canaux et ses cafés. Personnellement, on n'a pas trouvé ça immémorable. L'ambiance n'est pas la, on croise beaucoup de touristes chinois, et surtout, on galère à bien manger.
On ne se sent pas très à l'aise dans cette ville à l'européenne qui est déconnectée du reste du pays.
On réfléchit longtemps avant de se lancer : on rapatrie par colis notre tente, nos matelas, notre popote, bref le matériel qui nous permettait d'être libres et autonomes! Meme en voyage, il faut savoir casser la routine. Et c'est aussi 5kg en moins à porter.
Le dernier jour, on part grimper la montagne qu'on voit depuis notre fenêtre, le Cangshan Peak, à 4000m d'altitude. C'est un parcours connu, donc touristique, et donc payant. Nous, on voulait "zapper" le ticket d'entrée. Mais malheureusement pour nous, aujourd'hui c'est l'ultra Trail de Dali (100 kms de course ou 50 de marche): les agents chargés de surveiller et verifier sont partout, on ne pourra pas frauder.
On joue le jeu, on paie, et on entame notre randonnée qui est donc le même chemin que les participants du Trail.
Ça commence avec un peu plus de 2600 marches (oui, on les a comptées...), puis des vires, des chemins de marbre, et après des montées bien raides a travers les bambous et autres pinèdes. Au début, on s'arrêtait pour laisser passer les coureurs, on s'interdisait même de les doubler: après tout, nous on marche sur une vingtaine de kms et eux, 100... mais finalement, boostés par l'émulation, on marche à notre rythme et on finit par doubler pas mal de monde. Pas revenchards, beaucoup de coureurs nous ont félicités (en anglais!), amusés par nos tenues de randonneurs et étonnés de voir ici nos têtes d'européens.
Ça monte toujours fort, et tout le monde marche a ce stade. On fait la connaissance d'une jeune femme qui vient de loin, de Shenzen, près de Hong Kong. Elle espère terminer son ultra le lendemain matin. "No sleep!" Qu'elle dit plusieurs fois. Elle nous trouve rapide, on la trouve bien courageuse de faire une nuit blanche à courir....
L'ambiance est détendue, les coureurs veulent prendre des photos et profiter du paysage, et il y a de quoi: on est au dessus des nuages qui encerclent la montagne, et on voit au loin Dali et le lac Erhai. Bref, c'est magique. Grâce à Lamarck et ses copains randonneurs, on profite, en haut, du ravitaillemement réservé pour les traileurs: nouilles chinoises chaudes, soupe de mais, fruits, petits pains à la coco et eau. C'est bon de manger chaud (et à l'oeil :p). On savoure tout ca à 3900m d'altitude, après 4h de montée abrupte. Ça caille bien, il est 14h30, il faut maintenant amorcer la descente. On quitte nos copains de galère et on reprend le chemin en sens inverse. Il y avait bien le téléphérique mais trop cher pour nous! On croise les derniers participants, certains déjà exténués.
Si l'aller est physiquement éprouvant, le retour s'avère technique: ça dérape systématiquement.
On recroise plus tard des coureurs, qui, cette fois, courent. Le peloton de tête? Sûrement!
On arrive dans la ville à la tombée de la nuit, rincés.
Le dimanche 1er, on quitte Dali pour rejoindre Kunming, en train une fois de plus, direction l'aéroport et le Népal.
Si on a aimé? C'est half/half. Lamark, le chinois traileur chef d'entreprise au Canada dans les énergies renouvelables, avec qui on a bien parlé, était d'accord avec cet opinion.
Pour lui, la Chine est un bon pays, avec pleins d'atouts, mais les choses vont trop vite. Le gouvernement d'abord, qui s'améliore mais est encore trop corrompu. Ensuite, l'écart entre riches et pauvres, qui s'accentue toujours plus, et qu'il faut d'urgence créer un dialogue entre les différences classes.
Pour nous, ça se traduit par un restaurant qui peut coûter du simple au quadruple, pour la même nourriture., des hôtels hors de prix ou à 8e pour 2 avec tout le confort.
Les voitures à vitres teintées sont communes ici, et ceux à l'interieur sont prioritaires sur tous. Ils ont l'argent, ne se mélangent pas à la foule. L'écart se creuse d'avantage, culturel et social cet fois.
Il n'y a aucune réglementation du travail. Les quelques blancs qu'on a croisés la bas en profitent bien. On peut exercer n'importe quel métier, guide de montagne par exemple, sans rien d'autre qu'un peu d'argent. La main d'oeuvre très bon marché mais talentueuse permet bien des choses. Un appartement de haut standing neuf à Shangri-la, une des villes les plus chics du Yunnan, coûtent 20000e. Si exploiter des gens pour un salaire ridicule ne vous dérange pas, installez vous de suite en Chine.
Et puis, c'est la loi du marche ou crève. A la dur quoi.
On tient quand même à saluer leur courages, leurs qualités de bosseur et leur persévérance. Les chinois semblent ne jamais baisser les bras.
Petite info: le 'made in China' n'est pas forcément synonyme de pacotille. Les matériaux qu'ils utilisent, dans la construction par exemple, sont de haute qualité. Ils nous envoient la camelote.