La nuit a été plutôt compliquée dans cette Hacienda devenue hôtel, et c'est bien là que l'on mesure à quel point notre attachement à un certain confort, pour ne pas dire un confort certain, est si ancré en nous que nous avons du mal à en être conscients! C'est quand ce confort vient à manquer que nous en devenons conscients.
La chambre que nous avions, ancienne chapelle de l'Hacienda vieille de plusieurs siècle, est à première vue tout à fait normale et d'un confort simple mais efficace. En y vivant, ne serait ce qu'une nuit, on comprend vite que ce n'est pas tout à fait ça.
Les fenêtres ne sont pas vitrées, nous avons eu cela plusieurs fois, c'est courant au Costa Rica , principalement dans certaines régions où la température ne descend jamais en dessous de 25° comme ici!
Mais en général ces fenêtres comportent des moustiquaires, ici pas de moustiquaires, mais une sorte de grillage, assez fins pour areter les plus gros insectes, mais surement pas les terribles mosquitos de la foret pluviale.
Donc la nuit commence par une cérémonie bizarre, nous nous enduisons tout le corps de répulsif, heureusement nous avons fabriqué du naturel à base de plantes, très efficace mais qui sent diablement fort! Ensuite la chasse aux intrus est ouverte! Il y en a une qui ne dormira jamais avec les colocs que nous apercevons, deux énoooormes scarabées qui volent avec un bruit d’hélicoptère à travers la chambre, et poussent l'incivilité jusqu'à s'inviter dans notre lit!
OK les gars la guerre est déclarée, après une guérilla épuisante et qui me laisse en sueur par une température d'environ 25 et 80% d'humidité, le combat se termine par la mort des deux bestioles . J'évacue les traces du combat à l'extérieur, les fourmis vont s'en charger.
Mais ce n'est qu'un début, assez vite on voit passer d'autres petites bestioles, je tairais la présence de la plupart pour les épargner d'une part, ais surtout pour m'épargner une chasse stérile et épuisante.
Par contre on comprend vite que l'humidité de la foret pluviale est une réalité! Le lit est humide, le papier toilette également, la chambre entière dégage une odeur d'humidité, comme une pièce jamais aérée!
Il est difficile de dormir avec le drap sur nous, il nous colle comme s'il pesait des kilos.
La nuit sera agitée entre les cris des animaux nocturnes , que nous entendons aussi bien que s'ils étaient dans la pièce, l'humidité étouffante, et la chaleur poisseuse. Et pourtant je mesure la chance que nous avons d’être là, de vivre cette expérience incroyable, nous sommes au beau milieu de l'Amérique Centrale, au cœur d'une foret pluviale, dans des bâtiments construits par les colons espagnols , et demain matin nous allons rencontrer un descendant des premiers habitants de ce lieu, qui viendra nous raconter sa foret, et comment ses ancêtres y cultivaient le cacao!
Mais pour le moment il va falloir dormir, ou plutôt essayer.
Apres une courte nuit , nous sommes réveillés alors que le jour n'est pas encore tout à fait levé! Des rugissements déchirent la nuit! Je me réveille en sursaut, deux mâles des singes hurleurs se défient, les deux lascars ont décidé que l'arbre qui est juste au dessus de notre chambre était leur terrain de jeu! Ces cris sont effrayants, on dirait que King Kong et son frère sont sur le point de se battre.
Ca va durer près d'une heure, jusqu'au lever du jour. on entend un des deux mâles s’éloigner, ses cris se font plus lointains, celui qui reste pousse un dernier cri , genre "qui c'est le patron?", et tout redevient calme.
Allons, il est l'heure de se lever, la découverte du cacao n'attends pas.
Apres un petit déjeuner extremement agréable, instalés à une table au bord de la riviere, nous voilà partis pour le Tour Chocolat, une découverte du chocolat à l'époque pré colombienne.
Notre guide Luis, est un indien , il nous emmene dans la foret et nous montre quelques arbustes couverts de cabosses qui vont du vert au rouge et au jaune. Ces arbustes sont plantés, une douzaine environ, dans une petite clairiere aménagée au coeur de la foret. D'autres plantations les entourent, avocadier, ananas, papaye, poivre, piments, vanille etc...
Luis nous explique que c'est ainsi que les indiens cultivaient autrefois, avant l'arrivée des blancs, des clairières aménagées au coeur de la foret, juste assez de plants et d'arbres pour nourrir la tribu, s'y ajoutait des pieds de mais et haricots, patate douce, manioc, et c'était complété par la pêche et la chasse.
Puis après la colonisation, les paysans du Costa Rica ont continué dans cette voie, cette culture d'autosuffisance s'appelle le Milpas, elle est restée en vigueur jusqu'au 20eme siècle et l’arrivée des multinationales agroalimentaires américaines, qui ont mis en place la monoculture, banane et ananas.
Depuis le départ de ces entreprises, United Fruits entre autre, le Milpas redevient partie intégrante de la culture Ticos, du moins dans beaucoup de petites exploitations.
Luis nous montre ensuite comment pousse le cacao, les fleurs minuscules poussent sur le tronc et les branches principales, et non sur les pousses comme nos cerises par exemple! Les fleurs sont fécondées par des fourmis qui transportent le pollen. Seulement 5% des fleurs donneront un fruit. Un arbre donne environ 40 cabosses, qui contiennent chacune un centaine de fèves au maximum.
Ces fèves, quand on ouvre la cabosse mure, sont entourée d'une pulpe banche, un peu comme un lychee, cette pulpe est très sucrée, on peut la sucer comme un lychee, et rejeter la fève. Celle ci est mise à fermenter sous des feuilles, palmier à l'époque des indiens, bananier aujourd'hui, pendant une quinzaine de jours. Puis elle est séchée au soleil pendant encore deux semaines, elle ensuite torréfiée, à l'époque à la main dans un récipient en terre cuite sur un feu de bois. Elle ensuite pilée pour en ôter la peau. Puis écrasée entre deux pierres volcaniques, pour être moulue très finement.
On peut ensuite mélanger cette à 100%à de l'eau froide, y ajouter du piment, du poivre, et du mais en poudre.
On obtient alors le "chocoatl" des aztèques, les mayas l’appelaient Kakaua.
Ce sont ces derniers qui rencontrèrent les premiers espagnols, pour ces populations indigènes cette boisson était sacrée, 'était la boisson des dieux, et seuls les élites, les rois et les prêtres, ou bien ceux que l'on sacrifiait aux dieux pouvaient en boire. Lorsque les premiers espagnols virent cette boisson que les indiens leur offrait religieusement, ils virent une boisson marron et un peu épaisse,
Le nom même de la boisson dut faire sursauter les espagnols, Kakaua sonnait un peu comme caca agua, eau de caca, et ça en avait la couleur!
Au gout cette boisson est très amère, les amérindiens ne connaissaient pas le sucre, la canne à sucre fut importée plus tard pendant la colonisation, cette boisson amère et forte était une boisson sacrée, qui donnait des forces aux combattants. La fève de cacao contient des excitants plus puissants que la taurine, utilisée dans certaines boissons énergisantes!
Le chocolat aurait pu disparaître avec les civilisations pré colombiennes, si certains colons espagnols, n'avaient eu l'idée de mélanger à cette boisson des épices et du miel, puis du sucre de canne, afin d'en faire le chocolat que l'on connait aujourd'hui.
Les plants de cacao ont failli disparaître d'Amérique Centrale après l'arrivée d'un champignon venu d'Asie avec les bananes et qui ravagea les plantations.
Depuis le début des années 80 la production à repris, mais elle reste marginale, à ce jour près de 80% de la production mondiale se fait en Afrique pour des raisons de coût de main d'oeuvre.
Le chocolat est ensuite acheminé dans des usines où la graisse de cacao, bonne pour la santé est enlevée, en plus ou moins grande partie, pour être remplacée par de l'huile de palme, beaucoup moins bonne pour la santé et la foret tropicale, mais surtout beaucoup moins chère.
La graisse de cacao est ensuite revendue très cher à l'industrie cosmétique qui en consomme énormément !
Nous avons pu participer à l'élaboration des deux types de boisson, indienne et espagnole, quand j'ai dit à Luis que j'allais bientôt rencontrer la tribu des Bribri, il m'a dit que je serais accueilli avec cette boisson qu'on offre aux visiteurs de marque.
Encore une fois, c'était un moment merveilleux, et une rencontre intense en émotions et en partage, cet homme nous a emmené dans un autre monde, un monde où des tribus vivaient en harmonie avec leur environnement et en prenaient soin, car en retour celui ci les nourrissait et les protégeait
Au moment de repartir, spectacle trop drôle, deux oiseaux sont perchés sur la fenêtre fermée d'une voiture, et regardent à l'intérieur et tentent même d'y entrer! On vient de prendre sur le fait le gang des voleurs de voiture du Costa Rica!Des oiseaux!! Trop drôle!
Nous voilà donc partis pour notre dernière étape, comment? Déjà ?
Nous partons pour la zone Caraïbe Sud, chaude et humide, mais généralement ensoleillée!
Nous traversons de nouveau ces villes qui me surprennent et me font rever en meme temps, toujours ces magasins qui vendent tout et n'importe quoi dans un joyeux désordre, les sonos sont sur les trottoirs et cest un vacarme incessant.
La route est la meme, entre camions et motos , et toujours ces étalages de fruits à chaque fois qu'il y a une raison de ralentir!
Nous longeons bientôt l’océan Atlantique, des kilomètres de front de mer, où la plage et la mangrove, la jungle et le sable se mêlent et s’entremêlent.
Cette zone est la dernière à avoir développé le tourisme, il y a 30 ans encore c'était un désert inhospitalier de jungle et de mangroves allant jusque dans l'eau.
Ici la température la plus froide est de 28 degrés, le taux d'humidité le plus bas est de 80 % , et il pleut environ 6 mètres de pluie par an! Dans le nord des Caraïbes il pleut plus de 10 mètres par an !!!!
Ici les villages ont développé une rue principale longeant des plages à peine aménagées, ou du moins bien aménagées sur une courte distance, le reste est resté à l'état sauvage, et on peut apercevoir parfois des singes venant sur le sable à quelques centaines de mètres des baigneurs!
Les rues secondaires, ou plutôt les pistes, sont en terre ou en sable, on y voit des vautours se promener comme chez eux à la recherche de nourriture abandonnée.
La population locale n'est plus la même, sur la cote les afros et jamaïcains se sont mélangés aux descendants de colons, et la peau est plus sombre qu'ailleurs au Costa Rica.
Plus loin à l'intérieur des terres, en allant vers le Panama on entre dans les territoires indigènes, c'est là que vivent deux des dernières grandes ethnies indiennes du Costa Rica, les Bribri et les Kabecars.
Ces derniers sont plus fermés et plus méfiants envers les étrangers, et il est très difficile, même pour des guides Ticos, de les approcher.
Les Bribri sont plus ouverts et plus sciables, nous irons les voir mercredi.
Pour demain c'est découverte du arc national Cahuita et un peu de plage quand meme !!!
A demain