Ce matin , quand les cris des singes hurleurs me réveillent, je ressens une profonde nostalgie, je sais que après demain je n'entendrais plus ces cris au fond de la nuit, ces cris venus du fond des ages et de foret . Je sais que ces cris vont me manquer profondément!
Mais aujourd'hui nous sommes tout excités, nous allons partir au fin fond du pays, à la frontière entre le Panama et le Costa Rica, dans un village indien qu'on ne peut atteindre qu'en bateau, en remontant le fleuve Yorkin pendant 1h30 !!!!
Nous partons de l’hôtel des le petit dej expédié, nous avons 45mns de route jusqu’à Bambù , village où on doit retrouver notre guide indien.
Les 20 derniers kms se font sur une piste 4x4 obligatoire, parfois les trous sont si gros, la voiture tangue tellement que je dois serrer de toutes mes forces le volant pour ne pas perdre le contrôle, et pourtant je roule à moins de 30 !!!!!
Malgré la difficulté, le paysage sauvage est splendide, nous longeons le fleuve que nous allons bientôt remonter en pirogue, par moments nous apercevons une habitation entre les arbres, des gens vivent ici, loin de tout mais au milieu de la nature. Il y a des plantations de bananes par endroits, sans doute est ce que ce sont les maisons des paysans qui les cultivent.
Plus surprenant, des arrêts de bus sur la piste, et des gens, qui attendent, plus loin nous allons croiser le "bus", en fait une camionnette 4x4 , avec un plateau à l’arrière où grimpent les gens qui attendent aux arrêts.
Nous arrivons enfin au village de Babù, franchement si le GPS ne me le disait pas, je ne le devinerait pas! Il y a quatre maisons, un arrêt de "bus" , une sorte de magasin qui fait penser à un hangar, et ......... une maison de retraite!
C'est là que nous allons nous garer !
Une fois la voiture garée, nous allons voir une des soeurs qui gere la maison de retraite, et qui nous regarde arriver, pour lui demander la permission de stationner ici.
Elle est habtuée, et nous demande combien de jours nous laissons la voiture. Des personnes restent parfois deux jours où plus dans la communauté Bri Bri ( c'est le nom de ces indiens).
Nous lui disons que nous revenons ce soir, et lui donnons un billet , le stationnement est gratuit, mais il est d'usage de laisser un pourboire .
La bonne sœur nous remercie chaleureusement, et nous demande si nous voulons visiter la maison de retraite et dire bonjour aux pensionnaires! Nous acceptons avec plaisir, et nous voilà en train de faire la conversation avec les résidents de la maison de retraite.
Un vieux rasta, avec un bonnet Bob Marley et un grand sourire édenté me dit "Toi tu es a Puerto Viejo! " Comme je suis étonné il me dit " je t'ai vu hier soir avec ta femme la bas" Je suis de plus en plus étonné, il me dit je sais parce que tu es Français et que j'aime bien les Français!
Je lui tape dans la main qu'il lève, et on se quitte sur un "Pura Vida Mae "!!!!
La sœur nous raccompagne en papotant avec nous, on sent que notre visite lui a fait plaisir, les jours doivent être parfois bien longs ici......
Nous nous dirigeons maintenant vers le "village", nous avons rendez vous devant "l'épicerie" du village.
Une fois arrivés là, nous voyons des hommes, au type vraiment tres indien, qui parlent et boivent dans cette épicerie qui doit faire bar, un homme est installé à l'cart, presque allongé sur un qui de déchargement en bois, des bottes sont posées par terre et il est pieds nus en regardant dans le vague.
Personne ne se manifeste à notre approche, nous sentons tous les egards sur nous mais personne ne vient nous voir ou nous demander ce que nous pouvons bien faire dans ce désert du bout du monde!
Je me dirige vers l'homme allongé et lui demande qi il est notre guide pour Yorkin?
Il me dit qu'il ne sait pas, qui m'envoie et quel est mon nom?
Je lui montre le papier de la réservation de la journée, il me redemande mon nom et je lui dit Olivier. A ce moment il a un grand sourire et me dit s'appeler Umberto, et qu'il est notre guide mais que nous attendons un autre groupe de touristes pour partir.
Il se présente très gentiment à Lucie, et se met à nous expliquer ce que va etre la journée, nous allons partir en pirogue pour remonter le fleuve, puis nous passerons la journée dans son village où diverses découvertes nous attendent.
Il ajoute que les touristes que nous attendons sont suisses, je lui dit "alors ils sont venus acheter ton cacao!" il éclate de rire et cette fois ci la glace est belle et bien rompue!
La blague vient du fait que au Costa Rica, qui fait le meilleur cacao du monde, il n'y a pas de fabrication de chocolat, les Ticos disent en riant que eux font pousser du cacao, et les suisses font pousser de l'argent avec le chocolat!
Une fois les suisses arrivés, ils sont une quinzaine avec un guide qui les accompagne, nous nous dirigeons vers les bateaux, là je sens que la journée ne va pas être facile, les suisses sont à la fois agés, meme si plusieurs ne sont pas beaucoup plus vieux que moi, mais surtout tres "coincés", ils ont peur de tout, et principalement des autres, et tout est compliqué pour eux.
Les guides indiens nous demandent de mettre nos sacs a dos dans de grands sacs poubelles qu'ils posent à l'arriere de la pirogue, ceci a pour but qu'en cas de chute d'un passager dans le fleuve il ne soit pas encombré par son sac, et qu'une fois sorti de l'eau ses objets de valeur soient secs!
Les suisses sont longs à se décider à mettre leurs sacs à dos dans les sacs poubelles! Pourtant ils sont avec eux dans la pirogue, et si les guides voulaient nous détrousser ils n'auraient pas besoin de s’embêter avec tout ça!
On finit par monter dans les pirogues, nouveau sketch, ils veulent choisir leurs places, les guides commencent à s’énerver, ils leur attribuent d'office des places et ion comprendra plus loin pourquoi!
Enfin nous partons, nous sommes assis dans la pirogue, un guide à l’arrière qui manœuvre le moteur hors bord, un autre à l'avant muni d'une longue perche de bois , tous les deux sont debout dans la pirogue étroite et instable.
Nous remontons une première partie facile, le fleuve est large et profond, mais très vite les choses se compliquent, nous remontons des rapides, il y a quelques centimètres d'eau sous la pirogue, et parfois celle ci frotte le fond, l'homme à l’arrière arrête son moteur , et les deux guides franchissent les rapides à la force des bras grâce aux perches!
On comprend mieux l'importance de la répartition des poids par les guides lors de notre placement.
Les rapides se succèdent les uns après les autres, parfois l'homme de la barre garde le moteur à peine immergé tandis que le guide de l'avant, un jeune homme de 20 ans maximum à la musculation des bras et des épaules impressionnante, évite les bancs de pierre en manœuvrant à la perche.
L'une des pirogues heurte violemment un banc de pierres, et l'hélice se brise nette sur une pierre, le pignon du moteur est lui aussi brisé net.
Le guide qui accompagne les suisses reste avec eux dans la pirogue, un des indiens monte avec nous, il redescendra les chercher quand nous serons arrivés
Quelques minutes plus tard, les pirogues nous déposent sur une berge de la rivière, et deux indiens repartent avec l'une des pirogues chercher les naufragés.
Les suisses sont perdus, je les sens orphelins sans leur guide qui les materne et les rassure continuellement, ils sont en pleine jungle, à plus d'une heure de bateau de la "civilisation" comme ils disent, et ça ne va pas s'arranger, Umberto comprenant que je suis le seul à pouvoir l'aider puisque seul à comprendre et parler espagnol, vient me dire qu'a son tour il doit partir, ils doivent aller déposer les pirogues plus haut sur le fleuve, mais les rapides ne peuvent pas être franchis avec des passagers, ils reviendront nous chercher pour nous accompagner à pieds jusqu’à la communauté de Yorkin, a 25 mns de marche.
Je traduis ça à nos suisses, ce qui ne va pas arranger leurs craintes et leurs peurs !!!
Quand ils voient s'éloigner le bateau et Umberto je vois vraiment qu'ils sont inquiets, ils me pressent de questions pour savoir exactement ce que m'a dit Umberto, je ne peux que leur répéter qu'il va revenir nous chercher à pieds!
Comme j'ai une envie pressante, je dis à Lucie que je dois aller faire pipi et que je vais me chercher un petit coin tranquille, surtout c'est pas la peine qu'ils me suivent !!!!
Quand je reviens Lucie me dit en riant que des que je me suis éloigné, ils regardaient tous dans la direction que j'avais prise, et qu'ils avaient l'air hésitant! Merci je n'avais pas besoin d'eux!
Umberto reviens bientôt, de son pas tranquille! La pirogue qui a récupéré les naufragés arrive aussi, les Suisses récupèrent leur guide, on les sent soulagés!
Nous prenons le chemin de la communauté!
Nous arrivons dans la communauté de Yorkin, cette communauté compte environ 400 habitants, le peuple Bri Bri, occupe un espace géographique qui traverse tout le sud du Costa Rica, en allant de la cote Caraïbe jusqu'a la cote Pacifique. Cette tribu compte environ 15000 membres, répartis en 26 clans ou communautés. Autrefois c'était une des plus grandes et des plus puissantes tribus du Costa Rica, leur territoire était beaucoup plus grand et eux plus nombreux. Ils ont failli disparaître, puis ont faillis être "intégrés" dans la société Costaricaine, heureusement plusieurs chefs de clans ont réussi à faire renaître l’âme de ce peuple, aujourd'hui ils forment la tribu la lus ouverte sur le reste du monde tout en gardant ses traditions et son âme!
Umberto nos raconte sa communauté, il nous montre l'école primaire du village, les enfants y apprennent l'espagnol et le Bri Bri, des salles de classe traditionnelles sont réservées à l'enseignement classique, pour les cours de Bri Bri et pour l’apprentissage de la culture Bri Bri, des salles rondes, au toit de chaume, totalement ouvertes sur la foret sont réservées à cet usage. L’apprentissage de la culture ne peut pas se faire dans un lieu qui ne soit pas lui même Bri Bri, logique!
Nous voyons aussi le poste sanitaire, pour la plupart des petits problèmes de santé, les Bri Bri se soignent avec des remèdes traditionnels qu'ils trouvent en foret, ou dans la nature autour de chez eux. Pour de soucis plus importants, le médecin passe tous les 15 jours au poste de santé. Pour les cas graves, il faut transporter la personne en pirogue jusqu’à Bambù, prendre al piste jusqu’à l'Hopital, s'il n'est pas mort avant c'est qu'il guérira!
Umberto nous explique que les enfants viennent à pieds jusqu'a l'école, certains ont de la chance et habitent près de l'école, et mttent 5 mns a venir, d'autres habitent à l'autre bout du territoire de la communauté et marchent une heure dans la foret pour arriver à l'école.
Pourquoi? Parce que l'habitat des Bri Bri est traditionnel, autour de chaque maison il y a des plantations, elles mêmes disséminées au cœur même de la foret, pour que les plantes se profitent les unes aux autres, c'est ce qu'on appelle ici le Milpas, la culture non intensive, dont une partie sert a faire vivre la famille, et dont le reste peut être vendu. dans ces parcelles on trouve ainsi mélangés cacao, haricots et mais, tomates, bananes etc etc
Les maisons se trouvent ainsi distantes les unes des autres de plusieurs centaines de mètres, c'est la culture Bri Bri, on forme une communauté, mais chacun à son intimité chez lui!
Umberto, accompagné dAndrei, son fils de 2 ans, nous montre au passage des plantes médicinales, ou culinaires, qui poussent au milieu des chemins, dans un jardin qui n'en est pas vraiment un, on sent qu'ici la nature est respectée comme une entité, presque une puissance divine!
Les Bri Bri sont catholiques, la preuve on verra construire une église dans le village, mais ils sont gardé certains rites, et parfois certaines pensées magiques, qui disent que la terre est une divinité nourricière , et qu'il faut la traiter avec respect et ne pas la blesser.
Encore une fois nous entendrons parler du cacao, et des rites et croyances qui s'y rattachent, Umberto nous confirme que cela a toujours été la boisson des dieux, et que le cacao a un pouvoir divin.
Chez les Bri Bri, une femme quand elle accouche doit accoucher seule, ou bien seulement accompagnée d'une sage femme. A la naissance du bébé, la communauté fabrique la boisson sacrée du cacao, et par un système de bambous la fait parvenir à la nouvelle maman.
Celle ci donnera un bain de cacao au nouveau né, et seulement alors il fera partie de la communauté!
Apres une séance de tir à 'arc, nous allons déjeuner, heureusement que le tir à l'arc était avant, j'aurais pu avoir des pulsions de tir sur suisse!!! Ils sont insupportables, ils ont faim, ce qu'on leur sert ne leur lait pas, la sauce est trop ceci, la cuisson pas assez cela, c'est juste insupportable, en plus ils bloquent les plats devant leurs assiettes, ce qui fait que certains dont le guide n'ont rien à manger!
Apres déjeuner j'aurais l'occasion d'échanger avec Umberto, ce sont ses parents qui ont fondé l'association pour accueillir les touristes, cette activité permet aujourd'hui à la communauté de financer un collège en plus de l'école primaire, ainsi que l'achat de produits divers, affaires scolaires, vêtements pour l’école, etc etc
La descente des rapides sera spectaculaire!
Cette journée à passé trop vite, j ai rencontré des gens authentiques et honnêtes et purs. Un tout jeune homme qui me demandais si je trouvais leur environnement à mon gout m'a remercié quand je lui ai dit que c’était très beau, comme si je lui faisais un compliment personnel! Et en ait il a raison, si ce paysage est magnifique, c'est parce que les communautés comme celle là œuvrent au quotidien pour qu'elle reste belle!
A ce jeune homme j'ai expliqué que je vivais dans une ville, loin des rivières, des poissons et des oiseaux sauvages, loin de la foret! Il avait du mal à me croire, mais quand je lui ai dit que Paris, ma ville ( avec sa banlieue) comptait 10 millions d'habitants il est resté bloqué! "Dans ta ville il y a deux fois le Costa Rica tout entier !!!" Pour lui 'était inconcevable!
Nous nous sommes séparés sur le bord du fleuve, de retour à Bambù, avec une tristesse mêlée de joie, tristesse de les quitter et de quitter un endroit où l'homme et la nature vivent en harmonie, joie de les avoir connu et d'avoir eu le privilège de vivre ces instants!
J'ai dit a Umberto que je li ferais parvenir les photos que j'ai prises de lui et son fils, il m'a remercié en me serrant la main, ensuite je l'ai remercié de nous avoir accueillis chez lui, cette fois ci il m'a serré contre lui, et j'ai vu la fierté dans ses yeux.
Trop de visiteurs, comme ces suisses malpolis qui râlent et s'en vont sans rien laisser même un merci, pensent que ces femmes et ces hommes sont des employés d'une attraction touristique, ils oublient juste que ces gens nous reçoivent chez eux, qu'ils nous ouvrent leur porte, et qu'ils partagent avec nous leur culture et leurs pensées.
Une des suisses demandait " a quoi ça sert qu'il nous montre ça?" en parlant de la façon ancestrale de préparer le cacao.
J'ai failli lui répondre " Mais a rien! Parce que partager son savoir, l'amour de sa terre et sa culture ça ne sert à rien, même si ça apporte beaucoup!" Mais après je me suis rappelé ce que disait Michel Audiard "je parle pas aux cons, ça les instruit!"
Ce soir je vais aller dormir en pensant à mes amis que j'ai laissé là haut dans la foret, eux s'endorment en entendant les bruits de la foret et de la rivière!
Dormez en paix amigos!
Merci pour cette évasion qui fait tant de bien
votre voyage touche à sa fin snifff...
Une page se tourne et Le mot fin va s ‘inscrire
Mais les souvenirs sont gravés à jamais dans votre mémoire
Et pour le bruit des singes et bien je pense que tu les as enregistrés
tu les écouteras un peu , oui ok avec de la nostalgie sans doute....
Gros bisous à vous deux
Et encore merci de nous avoir fait partager ce beau voyage
Oui c'est un voyage extraordinaire ! Et ce qui le rend encore plus beau ce sont toutes les rencontres que nous avons faites. Nous avons appris beaucoup des personnes croisées, rit beaucoup aussi. C est sur sur ce dernier matin au Costa Rica à un petit goût de tristesse. Mais nous sommes tous les deux heureux de cette richesse que nous avons découvert. Ce matin ce sera plage et farniente pour finir en beauté, mais la route continue ! A midi nous déjeunerons dans un soda, et nous traverserons le pays pour retourner à San José ! Allons l aventure continue
Merci Olivier de rappeler quel est la force de ces voyages. Pas ceux des grands complexes hôteliers mais bien de la rencontre.
«Voyager sans rencontrer l’autre, ce n’est pas voyager, c’est se déplacer»
Je comprends tellement ces émotions vécues. Comme Lyne, et les autres je ne peux que vous remercier de nous avoir fait vivre qu'une infime partie de ce que vous avez fait, vécu.
Profitez de ces dernières heures, vous n'êtes pas encore à Roissy
Merci! Oui ce voyage à été et restera une expérience marquante, on ne revient pas indemne d'un tel voyage, on en revient changé, transformé, meilleur j’espère, grandi assurément! Je grade des émotions et des images fortes au fond de moi, parfois, quand je ferme les yeux comme en ce moment dans cette salle d’embarquement, je revois, je ressens , ce que nous avons vécu! Des rencontres, avec des femmes et des hommes, avec des animaux et avec cette nature omniprésente, tout ceci me remonte en grosses boules d'émotions, comme les vagues du Pacifique, je n'oublierai jamais ce voyage! Jamais!