Sur la route cependant, nous traversons certains villages intéressants par leur architecture : de belles villas sont implantées aléatoirement au bord de la route, le long des chemins boueux, construites sur le modèle classique américain : un portail qui ouvre sur une allée centrale, un porche sous lequel garer la voiture, des balcons en saillies à l'étage et des piliers à l'entrée. Perdues au milieu de la forêt indienne, il y a donc de riches familles qui survivent sous la pluie.
Il est bien agréable ce moment où pieds nus sur le pont, loin de tout, isolés de l'atmosphère grouillante des ruelles de la ville, des odeurs de nourriture ou de pisse selon l'endroit où l'on se trouve, isolés enfin de ce remue-ménage incessant et bruyant qui nous éclabousse en roulant dans les flaques boueuses, on n'entend rien d'autre que la musique d'une embarcation au loin où des jeunes font la fête et les éclats discrets et sourds de l'eau contre la coque de bois. Les lumières lointaines d'autres embarcations dans la tiédeur du soir sont autant de veilleuses rassurantes, dans ce paysage d'ombres chinoises.