"It is possible that you may experience snow on the road at this period of the year"

La désillusion programmée

Hier nous avons étudié les conditions météo pour les 3 jours qu'il nous restait pour atteindre le Kapp. Le bilan est sombre, en contraste avec ce que nous voyons sur nos téléphones. De -7 a -10°C annoncés, les webcams montrent des routes blanches, et la route qui mène au Kapp est actuellement fermée. La webcam ne montre que du blanc... Il faut choisir. 

-continuer dans des conditions extrêmes au risque de se prendre une mauvaise chute, sans aucune certitude de pouvoir atteindre le Kapp

-continuer jusqu'à Narvik et faire les îles Lofoten, mais pareil la route qui y mène n'est pas belle.

-atteindre le cercle polaire puis demi tour pour entamer la descente vers le Sud, et profiter des jours gagnés pour explorer les Fjords.

Sagesse oblige, nous optons pour le 3e scénario. Nous sommes attendus à la maison en 1 seul morceau !

Réveil à 6h. Il neige fort, les motos sont blanches. Je me recouche. Ça sert à rien, il faut attendre que ça fonde un peu avec le passage des camions.

On arrive à sortir du camping, en se faisant une petite frayeur sur le pont (la veille heureusement j'avais prévenu Clément que les ponts sont traîtres en hiver, il y fait plus froid du fait de l'absence de sol). Il est 8h. Nous sommes un peu mais pas tant que ça, surpris de découvrir la route principale recouverte de 5cm de neige fraîche avec deux belles traces de pneu qui laissent apparaître le bitume par endroits. A droite, le Sud. A gauche, le Nord. On prend a gauche, et on se dirige tout tranquillement vers Mo i Rana. 20km de route enneigée. Les camions nous doublent mais restent à bonne distance en essayant de nous préserver. On ressent beaucoup de compassion de la part des locaux pour les 2 motardus débilus que nous sommes. Car oui, comme je le disais, le motard, quand il a le choix et qu'il n'est pas trop débilus, il évite autant que possible de rouler sur la neige... Ça chasse un peu, mais dans l'ensemble, tranquillement en 2 a 2000 tours, 35  km/h, ça passe. On reste focalisés sur la trace, prêts à réagir tout en restant le plus détendu possible. Drôle d'exercice, ça réchauffe quand même. Heureusement, nous atteignons rapidement la douceur du centre ville, synonyme de route dégagée.

On fait le plein et on entame la montée vers le cercle polaire, situé à encore 65km. La route est somptueuse. Tout est blanc grâce à la neige de cette nuit, c'est magnifique. Plus on grimpe, plus la température chute, et la neige revient rapidement nous retrouver. 

Le GPS annonce encore 8km lorsque la neige se transforme littéralement en glace. Là, ce n'est plus la même. On n'a aucune adhérence. On sors les pieds et on fait du ski. La moto va où elle veut, le vent de travers nous pousse vers le rebord, il fait -4°C. Je fais un gros travers et la moto rattrape toute seule, ouf. 15km/h, ça va être long.

Mais le point GPS n'était pas tout a fait juste et on atteint le cercle polaire après seulement 3km de cet enfer. C'est dingue ce qu'on vient de faire. Tout est glacé, la route, les motos, les pneus, les panneaux... On prends rapidement plein de photos, et on fait demi tour. On ne réalise qu'après en être sorti ce que l'on vient de faire. Si ça passait c'était beau, c'est passé et ce fut beau. On a les mains et les pieds glacés. -4°C c'est la limite de notre équipement...

On est fiers de nous, mais on a une pointe de regret de ne pas pouvoir continuer. Ce regret, je vais le trainer toute la journée. Clément, philosophe, me dit :"il vaut mieux vivre avec des regrets qu'avec des remords". Les remords, c'est quand n'a pas essayé. Là on a essayé et clairement ce n'était pas possible de faire plus avec notre matos. 

On reprend la descente. La neige a complètement fondu a Mo i Rana, en 2h que nous a pris l'aller-retour. Aujourd'hui c'est une grosse journée au programme. Il est presque 11h et nous voulons dormir à Selbu, au même endroit que la nuit précédente. On a 550 km a faire, 8h de route. C'est parti ! On prend exactement la même route que la veille, pourtant tout nous paraît différent ! Et ça nous permet de prendre en photo les spots qu'on a raté ou pour lesquels on s'est dit "zut, trop tard". Un truc qu'on n'arrive pas à retranscrire en photo, et qui ne ressort pas forcément bien en vidéo, c'est la profondeur des paysages lorsque l'on se déplace. Ce que je trouve dingue en moto, et qui me fait faire ce genre de périple, c'est de voir les paysages en mouvement. Il y a une profondeur et une immersion inégalée. Rien ne bloque la vue, on ouvre grand les yeux et on grave. C'est génial. Quelle chance on a de pouvoir faire ça !

Sur la route, quelques routiers nous saluent. Certaines personnes nous regardent avec de grands yeux. On est un peu des ovnis au milieux des pneus cloutés. On descend à un bon rythme. Pause repas, il fait beau mais il y a du vent. On mange chaud, on fait le plein et c'est parti pour 400km ! Normalement c'est notre autonomie max. Comme on n'a pas eu assez d'émotions on va tenter la roulette de la panne sèche ! Le chemin est ponctué d'arrêts photo, d'averses de neige et de lacs gelés. Pause goûter dans une sorte de village rigolo avec les maisons en toit végétal : y'a des sapins qui y poussent !! On voit que le climat se réchauffe, on retrouve de l'herbe verte, et les lacs commencent à fondre. Et surtout on se remet a croiser des motos !

J'ai mal au c*l, au dos et aux poignets. La fatigue s'accumule depuis notre départ. En 5 jours nous avons parcouru plus de 3500km, c'est autant que notre road trip de l'an dernier que nous avions fait en 10j, et au mois de juin en France...

On fini par atteindre Selbu, où nous attendaient 2 Élans !! Majestueux. On ne les dérange pas trop et on repars, pour mieux croiser une bichette qui passe dans le champs en face à toute allure ! Il est 20h, les animaux sortent. On reste prudents dans les derniers km pour arriver à destination. On lave les motos, on fait le plein (même pas en panne, record de conso aujourd'hui) et on décharge nos affaires devant notre cabine. On s'occupe des motos, on les bâche. 

Fin de journée, on va pouvoir manger. Ah bah non, il n'y a pas de courant dans la cabine. Retour à la station service qui gère le truc. Pas d'autre cabine dispo.... Mais il en reste une, haut de gamme. Normalement c'est 3x le prix de ce qu'on a payé. Le gars nous file la clé sans rien dire. Bon on s'est tapé a déplacer toutes les affaires sur 50m mais nous sommes dans le luxe ! Canapé, Sdb privative et chacun sa chambre !

Repas, blog et dodo. Demain grasse matinée et petite journée : on a tout un itinéraire à revoir pour les prochains jour....

Photos de Clément

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