"Nous voilà dans un mètre cinquante d'eau, à proximité du motu Mahaea, lagon bleu-vert pâle, émeraude et turquoise, cocotiers penchés sur une petite plage de sable blanc. Dans un silence éclatant de lumière, une pirogue à balancier, avec son täne et sa vahine, s'éloigne comme dans un rêve...
L'eau est merveilleusement transparente et le soleil miroite en myriades de reflets chatoyants sur un fond immaculé. Le sable blanc entoure le bateau. Il s'étend jusqu'au motu. En approchant, je découvre une configuration de fonds que je n'avais jamais vue dans les lagons. La profondeur est parfois si faible que tout en nageant en surface je peux effleurer le sable du bout des doigts. [...] Je dois tenir compte de la puissance des courants en me promenant dans ces vallées de sable blanc pour ne pas me blesser en longeant les coraux multicolores. Bleus électriques, roses insolents ou mauves violets. Les poissons foisonnent: poissons-papillons évoluant souvent en couple, turbulents poissons-perroquets, poissons-picassos en forme de losange dont le museau prend la moitié du corps, singuliers poissons-chirurgiens aux nageoires bordées d'or ou d'argent. Ici, la vie est riche.
Je nage dans moins d'un mètre d'eau, presque sous les palmes des cocotiers, dont certaines, penchées au-dessus du lagon, semblent vouloir me caresser au passage. Le contact de l'eau tiède est un vrai bonheur. Plus rien ne bouge. Le silence est total mais il n'est pas pesant. Il est une évidence dans ce lieu préservé où il est si facile de se laisser prendre au charme de l'utopie insulaire.
Huahine se découpe sur notre arrière à tribord. On distingue aussi la masse imposante de Raiatea, située dans le même lagon que Tahaa, dont la passe Toahotu est à dix-huit milles. Derrière Huahine, le ciel se colore de jaune et d'orange. Quelques petits nuages roses au-dessus de nous se dessinent sur un ciel bleu-vert. Ici, plus qu'ailleurs, les couchers et levers de soleil sont magnifiques."
Jean-Pierre Bonnefoy, Polynesia