LE MUSÉE NATIONAL
Monumental, grave et silencieux. Le personnel désœuvré et tatillon. Covid oblige. Le gardien-médecin prend la température. Le Sas d'entrée franchi, champ libre. J'ai beaucoup matraque Renoir dans mes cours avec les étudiants. Il a fallu que je vienne au Musée de Belgrade et découvre ce minuscule tableau pour convenir que c'est un bon peintre. Il y a un temps pour tout.
Une peinture solidement bâtie.les peintres comme les sculpteurs ont le geste ample et sûr. Ils réussissent cette prouesse même dans les petits formats comme ci dessous.
La seule salle fréquentée ? La salle des icônes. Dans une atmosphère recueillie et glaciale les spectateurs scrutent attentivement dans la pénombre le moindre détail. J'ai un peu de mal avec les icônes. Elles sont lisses et glacées et il y a trop de copies de copies de copies. C'est vraiment une affaire de spécialistes et je ne suis pas spécialiste. Et puis, je les préfère dans leur contexte, dans les églises encrassées par la suie des bougies. Je les aimes aussi pas restaurées et marquées par le temps, un peu en souffrance, comme ce Saint Georges terrassant le dragon. Le Musée ne leur va pas.
Un petit café sur la place en face l'opéra (il y a des concerts tous les soirs), permet de passer de l'ombre à la lumière,de l'atmosphère feutrée au vacarme de la rue. C'est la loi du contraste propre aux capitales. Un point de vue unique partagé par tous (celui de la carte postale !) me permet d'embrasser l'ensemble de la place et en particulier la statut équestre qui mérite un petit commentaire : en s'approchant le spectateur ne voit rien du valeureux cavalier, mais seulement les couilles du cheval. A vous d'interpréter, je ne fais que décrire.
"Sur mon chemin j'ai rencontré ... ANA"
Heureusement que je suis distraite !
Le chemin du retour je le connais maintenant par cœur, bus 31, tram 9 ou 14, 1ère à gauche, encore à gauche... Sauf que ce soir là, la tête dans les icône, la rue de gauche s'est décalée vers la droite. 🤔
J'ai alors ressorti la phrase magique* à l'adresse d'une grande jeune fille qui croisait mon chemin. C'était Ana.
Ana habite la rue d'à côté. Je n'ai pas bien compris si elle était d'origine Croate, bosniaque ou Serbe, ce qui mériterait d'être éclairci ( comme pour la plupart des jeunes que j'ai rencontrés) Elle est basketteuse et a joué pendant 4 ans dans l' équipe nationale à Grenoble.
Comme moi, elle se cherche et nous nous sommes trouvées.
*"Do you speak English?"
Une journée délicieuse malgré la pluie battante. Nous avons beaucoup piaille'. Évidemment j'essaye de comprendre la grande histoire de ce pays à travers la "petite" histoire de chacun et plus j'écoute, moins je comprends les événements terribles que les Balkans ont vécus. Je suis peut être trop impatiente j'arrive juste.
Le constat d'Ana sur la France où elle a vécu 7 ans : "vous avez tout, et vous vous plaignez beaucoup" ! Un salaire moyen en Serbie est de 500 euros. Un loyer (sans les charges) 300 euros :" Comment fait-on pour vivre à Belgrade ?" "On se débrouille....". J'ai eu quelques éléments de réponse aujourd'hui dans le bus avec Ognjen. Mais ce sera pour plus tard.
Grosse déception en arrivant :La collection permanente était inaccessible. Seulement une expo photo, mais quelle expo ! Golanka Macich artiste plasticienne, reporter, journaliste m'a embarquée vers la Serbie des années 80 à 2000. Des centaines de photos sur plusieurs niveaux du Musée. Jamais ce miserabilisme qui produit une esthétique convenue dans le photo- reportage. Toujours de la l'empathie et de la tendresse pour ses sujets devant lesquels elle s'efface pour les laisser rayonner.
A l'arrêt du tram, une joyeuse bande de lycéens. Ognjen me fait remarquer que mon sac à dos est ouvert, j'en profite pour lui demander comment rejoindre le bus 32. Il va dans la même direction et propose de m'accompagner. Entre attente aux arrêts et transport nous avons eu le temps de bavarder pendant une heure. Pourquoi les jeunes parlent ils si bien anglais ? Grâce aux vidéo games et aux films américains. L'avenir est incertain, il rêve d'habiter comme moi à la campagne et d'entendre le chant des oiseaux (sic). Il a 18 ans et son propre appartement. " Comment on se débrouille?" : bien qu'ayant 4 enfants ses parents l'aident (classe moyenne) il est occasionnellement serveur dans un café et les week end, à la campagne, sa grand mère remplit son panier (elle a un jardin, des poules et sans doute de la (ou du ?) rakia aussi !)
Je l'ai découverte avec la maman d'Ognjen. Ognjen travaille à Paris avec mon frère. Dragana m'attendait pour me faire partager un coup de cœur de Belgrade. Encore une après midi délicieuse qui s'est achevée devant un café turc et un Blakava en terrasse. Merci Dragana.
Pour tout citoyen serbe c'est un incontournable, comme la cathédrale St Sava. Sa dimension est plus modeste.: le rez de chaussée d'un hôtel particulier. C'est le seul musée payant (l'équivalent de 5 euros ce qui est très cher pour le pays) et celui où le public se bouscule. Un musée très pédagogique avec vidéo et experimentation en direct de l'électromagnétisme.
Nikola Tesla est l'inventeur du courant alternatif., qui permet la distribution du courant en réseau. Il a déposé au moins 300 brevets. La nationalité serbe de Nikola Tesla est à l'image de la complexité des origines de tous ceux que j'ai rencontrés. Il est né et a grandi en Croatie, fait ses études en Autriche puis il a vécu et est mort aux Etats-Unis (où il a travaillé aux côtés d'Edison).
L'été est arrivé, il commence à faire trop chaud pour moi en ville (entre 25 et 30 degrés). Je pars pour les montagnes. Je me dépêche de clore cette page, fermer mon sac et attraper un bus... pour qu'elle destination ? 🤔
EN RÉSUMÉ POUR LES VOYAGEURS