Au début de notre voyage, alors que la température à Oulan Bator avoisinait les 25°C, Yeruult nous prévenait de cette particularité météorologique. « HAHAHA« , avions nous répondu, dans notre élan de candeur. Et bien figure-toi que… En Mongolie, on peut passer du soleil à la neige en quelques heures, les quatre saisons peuvent REELEMENT se succéder dans une même journée : c’était pas un vieux dicton de shaman mongol.
C’est donc sous un soleil de plomb que nous nous réveill… non j’déconne. Ce matin plusieurs centimètres de neige peignent l’immensité des steppes mongoles en sortant de notre yourte. Une bonne nouvelle, donc, puisqu’aujourd’hui il est question de faire 50 kilomètres (à cheval, n’est-ce pas?) pour rejoindre le monastère de Tovkhon. Chacun d’entre nous aura pris la juste décision de bien s’équiper chaudement pour cette glaciale et neigeuse journée de randonnée qui nous attend. Par respect pour ma famille et pour sauvegarder un peu d’amour propre, je ne publierai pas de photo de nous accoutrés de la sorte.
En avant, allons retrouver nos fidèles montures qui sont…. qui sont partis pendant la nuit. Ouep, cassos les chevaux ! Partis durant la nuit. J’sais pas, une envie de liberté peut être… Toujours est-il qu’ils se sont fait la malle avant le petit matin, et qu’il faut désormais se préparer à en chopper d’autres pour notre randonnée… Tout va bien donc.
Boldo et ses amis nous donnent un coup de main pour attraper, grâce à leurs habiles lancés de lasso, une dizaine de chevaux. Une fois équipés, nous sommes enfin prêts pour partir à l’heure (à 2h30 prêt). A peine avions nous fait connaissance avec nos nouvelles montures… que revenaient nos amis chevaux des jours précédents… Après avoir encore perdu 20 minutes à dessellés nos montures éphémères, nous pouvions enfin prendre la route.
Pas une heure après notre départ, voilà que la neige avait entièrement fondue en emportant les basses températures avec elle. C’était maintenantle cagnard qui pointait le bout de son nez. La pause repas sur les rives de l’Orkhon nous a permis de nous restaurer un peu, et heureusement de quitter une petite dizaine de couches de vêtements chacun (afin de pouvoir de nouveau tourner la tête sans avoir à se déboîter la clavicule).
Au programme après la pause, traversée à cheval de L’Orkhon, puis ascension de plusieurs kilomètres. Les immenses faux plats nous permettent de profiter de galops de plusieurs kilomètres ! La Mongolie est une des rares destinations où il est possible de faire d’aussi grands et longs galops sans réels risques, nous en profitons autant que possible ! Les montures « de printemps » (et donc en théorie faibles), tiennent le choc et arrivent à grimper de partout. Les bêtes ont le pas très sûr : c’est une véritable assurance pour moi.
Après de nombreux kilomètres, nous montons des pans assez raides, au pas. Avec l’altitude que nous prenons, la neige au sol refait son apparition, Mais les chevaux ne s’en soucient pas et conservent leur allure robuste et puissante. Nous ne croisons que très rarement de traces humaines : parfois un enclos à bêtes pour l’été (encore vide à notre passage), parfois des évidentes marques de yourtes anciennement installées sur notre passage, et malheureusement les inévitables cadavres de bouteilles de vodka qui même à des dizaines de kilomètres de vie humaine demeurent encore là… pour des dizaines d’années encore…
Arrivé au sommet, c’est comme nous l’espérions : immense, profond, jusqu’à l’horizon. Le soleil, les différentes couleurs et la présence de neige par endroit nous offrent des paysages que je n’avais encore jamais pu contempler de ma vie. Évidemment, aucun arbre n’est visible d’ici. Seuls des vallons aux teintes jaunes s’étendent jusqu’à perte de vue… Et encore, à perte de vue car la terre est ronde, mais les steppes mongoles sont si immenses que si la planète était plate, nous en verrions assurément encore. Afin d’entrer en communion avec la nature et dans le but de former une synergie avec les esprits, je décide de faire pipi du haut de cette vue. C’était le pipi le plus libre de ma vie… J’en suis encore tout émoustillé. C’était l’anecdote poétique du jour.
Après la pause sur ce sommet, il faut redescendre de l’autre coté du vallon à pied. Le sol est gras, les blocs de neige encore présents, et les chevaux ont bien mérité un peu de répit ! Nous en profitons pour faire quelques batailles de boules de neige sur le chemin, la bonne humeur est au rendez-vous !
Après une petite heure de marche, nous pouvons remonter sur nos chevaux : l’ultime ascension jusqu’au monastère de Tovkhon pouvait débuter. Kilomètres après kilomètres, la neige recouvrait de plus en plus notre chemin : plus une parcelle d’herbe n’était désormais visible. Les mélèzes boisent les versants. Malgré la neige, les chevaux ont toujours le pied sûr, et il est très agréable de les voir grimper avec autant de facilité quand on voit la galère qu’ils nous évitent. Sous la neige, 10 centimètres de boue… Et dire qu’il avait été mentionné que nous aurions du monter à pied…
Après plus d’une heure de grimpette dans les bois enneigés, nous devinons l’arrivée imminente au monastère : des foulards sont flottants sur de nombreuses branches. Les chemins sont très étroits à travers les branches, il faut aussi slalomer entre les troncs couchés. Tuvanna nous fait remarquer des traces dans la neige : ils nous fait comprendre qu’il s’agit d’empruntes de loups, animaux parmi d’autres qui vivent dans ces bois. Nous arrivons enfin au monastère !
Nous sommes en contrebas d’un pic rocailleux, des moulins à prières sont disposées pour les arrivants, ainsi qu’un panneau informatif sur l’histoire de ce monastère plusieurs fois centenaire. Une yourte est présente au pied de ce contrefort : il s’agit du lieu de vie des 4 moines vivants ici à l’année. Après avoir été accueillis par un sympathique sourire d’un des courageux moines, nous prenons le petit sentier qui nous mènera jusqu’au cœur du monastère.
Il s’agit de petites constructions encastrées dans la rocaille, peintes de rouge et de vert, entourées d’une petite palissade de bois. L’enceinte est emplie de moulins à prières, encore, que nous nous empressons de faire tourner : nous jouons le jeu de la visite. Nous sommes invités dans une première bâtisse où est présent un autel à l’effigie du Dalaï Lama, encens et bougies sont consommées en masse dans ces petites pièces de vieux bois. Après être ressortis, Yeruult nous indique les chemins à prendre pour grimper jusqu’au sommet du monastère, où une cérémonie singulière nous attend.
Après une vingtaine de mètres d’escalade aventureuse à travers les brèches de la montagne, nous arrivons sur un léger plat, devant une cavité, prêts à entamer la fameuse cérémonie. Yeruult nous explique que la cérémonie qui nous attend représente une expérience de renaissance : il nous traduit la procédure à suivre.
La cavité qui se trouve devant nous représente le chemin à suivre avant l’artificielle naissance. Il est nécessaire de se faufiler dans une (très) étroite caverne, jusqu’à y trouver une excavation un peu plus large, et d’y faire demi tour. Une fois le demi-tour achevé, nous pouvons en ressortir.
Après s’être extirpé de la trouée, il est d’usage d’aller dans une deuxième cavité, proche, afin d’y pleurer de vive voix, comme le ferait un nouveau né. La dernière phase de renaissance consiste à apprendre à marcher. Une troisième et dernière brèche taillée dans la montagne est à cet effet : il faut s’y faufiler jusqu’à l’extrémité pour compléter la phase d’apprentissage.
Personnellement, j’suis un peu claustro’, alors aller me dandiner (moi et mon envergure) dans une minuscule grotte, c’était pas gagné… T’imagines bien que j’étais autant à l’aise que Depardieu à une conférence sur les bien faits de l’eau plate. Malgré mon courage et ma bravoure, j’ai laissé aller Yohanna faire la cérémonie de renaissance pour moi.
Après avoir grimpé jusqu’au véritable sommet du monastère, à 2400m, pour contempler une vue panoramique sur des dizaines de kilomètres (et où les femmes n’ont malheureusement pas eu le droit de se rendre), nous pouvions commencer la descente jusqu’à nos chevaux : l’heure avait tourné, le soleil commençait à se cacher, il fallait rentrer pour ne pas être surpris par la pénombre.
Presque une heure plus tard, nous arrivions, fatigués mais ravis, à un point de rendez-vous où notre camionnette chérie nous attendait. Savoir que nous allions rentrer au chaud dans une camionnette jusqu’au camp, compte tenu de notre état avancé de fatigue après presque 58 kilomètres de cheval, faisait passer le matin de Noël pour un banal jour de purée à la cantine.
Pour parfaire l’image de héros que nous avaient transmis nos hôtes depuis le début de notre séjour, Boldo et ses compagnons commençaient à bichonner nos valeureux chevaux pour… les raccompagner jusqu’au camp… et ainsi renouveler le trajet de 50 kilomètres de l’aller… mais cette fois dans l’obscurité. Notre gratitude était à son comble. L’héroïsme de ces hommes n’avait d’égal que leur hospitalité. Nous rentrâmes en camionnette, ils n’arrivèrent que 3 heures plus tard, avec le sourire, malgré l’obscurité complète qui avait inondé les steppes mongoles.
Boldo, Tuvanna, Dembe, ces héros.