L'Annapurna base camp north.

Publiée le 31/12/2015
Le chemin qui mène au pied de la face nord l'Annapurna 1, celle de la neige et des avalanches, est trop tentant. Clément et Yahn se lancent, Laure n'est pas emballée.

Un chemin peu fréquenté.

Difficile d'avoir des informations sur ce chemin. Voilà la seule description que l'on ait trouvée sur le net, toutes langues confondues:

'le camp de base nord nécessite une autonomie complete de minimum cinq jours, aucun hebergement ni ravitaillement possible depuis Lete. ce parcours ne doit pas etre pris à la legere, pour plusieurs points, principalement son isolement des le depart au dessus de Lete. peu voire aucune chance de croiser ame qui vive apres le col thulobugin pass, voire meme avant, le chemin qui monte dans la jungle en dessous du col est terriblement difficile à trouver et souvent scabreux si humide. premier bivouac au col tholubugin à 4200m, apres 2200 de montée punitive. le plus dur est à venir. le chemin redevient visible du col en direction de l'eperon qui descend du nilgiri sud, la seule et unique clé pour eviter les gorges de la miristi, infranchissable. s'en suit une longue traversée à 4500m sous le flanc sud du nilgiri sur un chemin peu marqué, et aucun droit à la chute, sinon c'est tout droit au fond des gorges 2000m plus bas, et aucun bivouac possible, et partie exposée aux avalanches. nombreuses ravines à traverer, plutot galere... il faut rejoindre au autre eperon du nilgiri pour acceder une combe qui s'enfonce encore plus, qu'il faut redescendre dans des gradins herbeux vraiment raide, jusqu'à la riviere 1000 m plus bas ou le deuxieme bivouac est prevu. isolement extreme... ensuite les difficultés continuent, il faut traversée la riviere à plusieurs reprises. pas besoin de preciser que tu ne trouvera pas de ponts, tout au mieux un tronc d'arbre laissée par une expé. le debit du torrent est impressionnant et ne pardonne pas la baignade improvisée. le camp de base se trouve à quelques heures et devient plus facile jusqu'au cirque au pied de l'annapurna. 2 à 3 jours pour revenir par le meme chemin, les meme galeres, donc renseigne toi bien avant de t'embarquer dans ce periple, le camp de base sud est bien plus accessible. je pense qu'il n'y a pas plus de 2 groupes par an qui emprunte ce chemin...'

  Nous voulons emprunter le même chemin que Maurice Herzog, premier homme à avoir atteint le sommet de l'annapurna 1 en 1950.  Sur YouTube,  'victoire sur l'annapurna, reportage de Marcel ichac-1950' donne une bonne impression.

  Pourtant Yahn et moi restons motivés.  Nous passerons 2 jours à Khalopani, pour se reposer d'abord (premiers jours de pause depuis le début), et pour trouver l'équipement nécessaire. Yahn à tout ce qu'il faut, je n'ai qu'un duvet d'été.

  Le premier jour est consacré à la recherche d'une tente. A première vue, mission facile au Népal, mais qui s'avérera prendre la journée entière. Un jeune nepalais, Ram, gerant du plus grand hotel du village, nous emmène à droite à gauche, passe des coups de fil. On rentre dans l'école national technique de montagne et escalade, lieu à priori idéal pour trouver une tente. Mais après un long échange entre le directeur et Ram, toujours rien. En fait, le gouvernement a mis sous scellé les tentes individuelles, pour privilégier les guest houses en dur qui rapporte plus d'argent. Nouvelle idée: faire venir une tente par bus depuis Jomsom, grande ville du coin. Ram s'occupe de l'affaire.

  Entre temps, Yahn et moi nous décidons à prendre un guide. Le chemin semble difficile à trouver, on se moque de nous lorsque l'on parle de notre projet, sans réchaud, sans porteurs. Alors Ram passe à nouveau des coups de téléphones. On attend, on boit du thé. Puis, la tente arrive. Mais c'est une bâche avec 2 piquets, sans tapis de sol, sans fermeture eclaire. Sachant que je n'ai pas de matelas, je refuse de partir pour un des treks apparemment les plus durs de ma vie avec un hébergement de fortune. Je commence à me résigner, à moitié déçu et en même temps rassuré. 

  C'est à ce moment qu'un autre jeune Népalais, nommé  Ram lui aussi, se pointe. Il dit être porteur pour les expéditions vers l'ABC nord, connaît bien le chemin, et il est disponible. Il parle peu anglais mais suffisamment pour se faire comprendre. Il a une tente 4 places et un plaid en guise de matelas. Il fera les courses pour 6 jours, et prendra même un wok et de quoi faire du feu la première nuit, avec le bois alentour. J'utiliserai mon duvet et celui de Laure pour ne pas avoir froid. Voilà qui est réglé.

  Au retour à notre guest house, la gérante m'informe que les nouveaux voisins ont une tente à louer. Elle avait oublié, ou plutôt ne voulait pas m'en parler avant de savoir qu'on partirait avec un guide. C'est une tente classique, 3kg, avec double paroi. Tente basique mais mieux que celle de Ram, 8kg et simple paroi. 30€ pour 6 jours de tente, 20€ par jour pour le guide (à 2), 40€ de nourriture à base de pain, fromage, viande séché, muesli, oeufs et biscuits.

 Le surlendemain 8h, heure du départ prévu, je ne suis toujours pas debout. Et pour cause, j'ai été malade toute la nuit, intoxication alimentaire par légumes. Moins violent que par la viande, je suis quand même très affaiblie. Heureusement, je me suis fais vomir avant d'avoir les intestins brulés. J'essaie de manger du riz, qui semble passer, je décide de partir quand même. 

La première journée, difficile, passe douloureusement. Je marche comme un zombie, m'efforcant a mettre un pied devant l'autre, rien de plus.. Je porte mes affaires, et la tente. Ram porte la nourriture. Yahn porte ses affaires. Il n'y aura pas d'eau avant l'arrivée. Je tiens bon, je sais que le moral joue beaucoup sur le physique. 


Première camp, avec au fond un bac d'eau, presque vide.

Du forest camp au thorunghiri pass

La nuit est tombée tôt,à 17h30. Le froid à aussitôt suivi. Durant la soirée autour du feu, Ram nous explique qu'une seule expédition est venue cette année, 20 porteurs, 1 cuisinier et 4 himalayistes coréens.  C'était il y a 20 jours. Les 4 ont atteint le sommet, mais à la descente, l'un d'eux est mort. Tous le monde a été rapatrié par hélicoptère, lui y compris. Nous ne voulons pas aller si loin, juste au base camp. Mais ça reste de belles histoires autour du feu. L'ambiance de montagne est bien là.  Elle est dangereuse, froide, dure physiquement. Ram nous propose ne pas aller au ABC camp, de monter demain jusqu'au tholubugin, et redescendre dans la même journée. Il a apparemment peur, et il répète 'too much problem'.  On rejète l'idée. 

  J'ai dormi 11h, de 20h à 7h, comme un bébé, malgré le sol dur comme de la roche, l'avantage d'être malade. Le soleil arrive à 9h, avec ses rayons pleins de vie. Je m'efforce de manger du pain grillé et comme la veille, je mets du charbon de bois dans mon thé, très  efficace. 

  On part à 9h30. Ça monte raide, de 3500 à 4300m. Seulement 800m de dénivelé positif, mais enclavé dans les montagnes, sans vent pour apporter de l'oxygène, et raide, l'effet de l'altitude se fait bien plus sentir.

Aujourd'hui, un seul point d'eau croupie, quasi vide. Heureusement qu'on a un guide, on aurait jamais bu cette eau, pensant trouver d'autres point de ravitaillement.

La bas, le tholobugin pass

L'arrivée au point culminant.

Après le pass, on marche dans la neige. Mes pieds sont mouillés en quelques mètres,  les nepali-shoes à 25e ne peuvent pas rivaliser avec des chaussures de marque à 200.

  La haut, Ram, qui reçoit plusieurs coups de fil depuis notre départ (ça captait partout au nepal), nous dit qu'il fait demi tour. Sa femme est enceinte, elle a des problèmes et serait à l'hôpital.  Il semblerait qu'ici, c'est l'homme qui choisit d'un traitement ou non. Le médecin exige sa présence. Et c'est vrai qu'il semble tracassé. 

  Sans guide, on préfère faire demi-tour. Tant pis pour l'aventure, il faut savoir être raisonnable. On aura fait le plus dur, pas le plus dangereux.  Et on aura quand même eu une belle vue.

Annapurna 1 face nord, encore à 15km au moins.
Même chemin aller et retour.

Redescendre à Khalopani.

 On dormira à nouveau au jungle camp, et on aura droit à nouveau au feu réconfortant.  Il n'y a plus assez d'eau dans la cuve. 2litres maximum. Juste de quoi boire un thé, et manger un délicieux repas fait de noodles et viande séchée de chèvre, produite par Ram lui même.

 Ram a 28 ans. Il a grandi dans le petit village au départ du chemin. Les habitants vivent de l'agriculture, et parfois d'expéditions pour l'annapurna, 1 à 2 par ans. Son père à été porteur 4 fois. 

  Une autre expédition est attendue, Ram nous explique qu'il sera sûrement le chef des porteurs cette fois, sous les ordes d'un sherpa, obligatoire pour les sommets. Il sait par exemple qu'il faudra porter de l'eau depuis la vallée.

  Mais avant ca, il a travaillé 5 ans à Dubai, housekeeper à l'hôtel Atlantic the palm, comme beaucoup de Népalais, pour des salaires de misère. 1 journée de repos par semaine, 2 semaines de vacances tous les 2 ans. Il préfère rester ici, à la ferme, mais à besoin d'argent. Il repartira la bas 5 ans, après que son enfant soit né et assez grand pour aller à l'internat à Katmandou, vers 6 ans. 

  Je vais beaucoup mieux ce 3eme jour, et la descente est un plaisir.

  A Khalopani, reste à retrouver Laure, qui a continué l'Annapurna tour. Pas facile, je dois emprunter le smartphone de Yahn, et donc rester avec lui. Lui veut prendre son temps. Sans compter les coupures de courant qui ne permettent d'utiliser internet que 5 minutes par ci par là.  Il faut être réactif,  écrire à Laure et attendre une réponse. Pas de reponses, je dors donc avec Yahn.




La cour de la maison familiale de Ram. Sa mère fabrique du vin de riz et mais.

A la recherche de Laure

Le lendemain, Yahn est moi marchons direction Tatopani. J'attend des nouvelles de Laure. Mais aujourd'hui, Yahn retourne à ses amours. Plus de marche difficile, il fume bedo sur bedo, et marche doucement. A ce rythme, jamais je n'atteindrai Tatopani, et de la bas prendre un bus pour une destination approximative, compte tenu de la vitesse de marche de Laure. 

  Tant pis, je quitte Yahn, me retrouvant sans moyen de communication. On se serre la main, se souhaitons bon voyage. Je perds un bon ami, mais je préfère retrouver ma chérie. 

     7h de marche d'un rythme soutenu dans les montées, a courir sur le plat et dans les descentes. J'aurais pu prendre la route et gagner du temps, mais le trek est bien plus beau. Et puis, je suis seul dans un super décor. Arrivé à Tatopani, j'emprunte un smartphone, message à laure et réponse immédiate.  Ça y est, on sait où se retrouver!

  Je me fais un bain nocturne dans les hotsprings de la ville, je mange les restes de nourriture du trek d'ABC. La nuit dans une guesthouse miteuse aura été un calvaire. D'abord, la télé à fond jusqu'a tard, juste de l'autre côté du mur. Puis, une bagarre entre homme, femme et enfant. Plutôt un homme qui bat sa femme et son fils. Des pleurs, des cris, des casseroles qui tombent. Des nepalais qui sortent de leur chambre et regarde la scène, sans agir.

  Trois fois déjà que j'assiste à l'indifférence nepalaise. Un homme qui fait un malaise, qui s'effondre sur un étalage de fruit. Aucune réaction de l'entourage, à part celle de ramasser les fruits.

   Autre fois, un homme gisant sur le sol, bien vêtu , apparemment sans vie. C'est presque si la foule marchait dessus.

  Cette fois, un homme qui bat sa femme.

L'homme nepalais mange seul à table, avant la femme, est servi mais ne dit pas merci ou ne montre aucune marque de respect. Il tend son gobelet pour l'eau, sans un regard. Et il adore boire. L'alcool est omniprésent. Bien sûr,  tous les nepalais ne sont pas ainsi, mais j'ai beaucoup d'individus en tête. Une autre culture sans doute...


 Lendemain matin, je prend un bus, 2h à rouler au bord du précipice dans un bus miteux. Un morceau de ce qui semblait être une lamelle d'amortisseur qui tombe.  On continue quand même. Je prend un deuxième bus, cette fois sur une route goudronnée, mais je suis coincé entre le mur et une femme qui est malade. J'ai les pieds dans le vomi, il fait très chaud, l'odeur est forte!

  Je descend à Birethenti, Laure est là. On est de nouveau ensemble après 5 jours l'un sans l'autre.

5 commentaires

mariedias

Wow O.o !! Ce récit était fou, fou, fou.

  • il y a 9 ans

Bebelle

Alors là j ai même eu peur pour vous,alors que je savais que tout c était bien fini.
Sacré aventure!
Un gros bisous de Guinée

  • il y a 9 ans

JennyEmericMichelle

alors là CLEMENT, ton récit me laisse abasourdi, je l'ai lu comme un roman, tu nous fais vivre ton aventure à fond, avec quelques frissons quand même (Mum)

  • il y a 9 ans

Fanny

Quelle aventure !!!

  • il y a 9 ans

citipati

Hello.
Récap bien sympa sur cet itinéraire rarement décrit.
Auriez-vous la possibilité de m'en dire plus sur le chemin jusqu'au Thulobugin Pass ? (avec plus de photos si vous avez).
Je compte aller jusqu'au BC cet automne. :)

  • il y a 6 ans
14 Voyages | 46 Étapes
Thorung La Pass, Tanki Manang, Western Region, Népal
Étape du voyage
Début du voyage : 03/11/2015
Liste des étapes

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