L'expédition dans le Jura souabe fut ma première virée après mon arrivée en Allemagne. J'avais débarqué le jeudi 2 octobre au soir, soit la veille du jour de la réunification allemande, qui fait désormais office de fête nationale, même si les célébrations sont beaucoup moins importantes que lors du 14 juillet français. C'est donc le dimanche que nous entreprîmes cette excursion. Les Allemands avaient décidé de profiter du temps encore estival et de leur week-end prolongé : notre premier objectif, un Freilichtmuseum, était noir de monde à un point que nous fûmes contraints de renoncer à la visite. Les Freilichtmuseum sont des musées en plein air, qui reconstituent généralement un village d'autrefois avec son cadre de vie ; le concept semble assez populaire en Allemagne, j'avais d'ailleurs eu l'occasion d'en visiter un à Münster il y a quatre ans.
Nous continuâmes donc vers le Jura souabe à environ trois quart d'heure de route au sud d'Esslingen. L'inclinaison de la pente est sévère, jusqu'à arriver sur les plateaux calcaires s'étendant sur le sud-ouest de l'Allemagne, en longeant la rive nord du Danube. Bien qu'il en soit distinct géographiquement, le Jura souabe se rapproche géologiquement du Jura franco-suisse et du Jura franconien (situé en Bavière), avec lesquels il borde le nord-ouest des Alpes.
Nous reprîmes ensuite la route afin de nous rendre à Bad Urach, à une quinzaine de kilomètres au sud de Neuffen. Le centre médiéval de la station thermale se distingue par ses maisons à colombage et ses enseignes dorées. Lorsque les maisons ne sont pas recouvertes de chaux, elles sont bâties avec une pierre calcaire typique de la géologie de la région et trouée comme du gruyère. Sur les poutres apparentes des maisons à colombage, d'étranges signes sont inscrits, formant des sortes de boucles carrées fermées par le bas, et accompagnés de chiffres : ce sont en réalité des 4, comme ils se formaient ici autrefois et apparaissant sur les dates de construction des maisons - surtout celles du XVe siècle, très nombreuses à Bad Urach. Le Rathaus - ou l'hôtel de ville - date notamment de cette époque. Toujours dans le centre, une fontaine a particulièrement attiré notre attention. Elle se compose d'une gigantesque colonne sculptée d'une multitude de personnages, dont un, central, se retrouve enfermé par des colonnes. L’œuvre est vraiment remarquable, mais nous n'avons malheureusement pas pu en savoir plus à son sujet.
Dans la Stifskirche St. Amandus, l'église évangélique de Bad Urach, c'était le jour, comme chaque premier week-end du mois d'octobre, du Ernte Dank. C'est une fête religieuse traditionnelle de "remerciement pour les récoltes". De nombreuses offrandes, comme du pain ou des fruits et légumes, sont déposées devant l'autel à cet effet. Ce qui nous amène tout naturellement au fameux Bretzel. Non, pas ces petits biscuits d'apéritifs que l'on connaît en France, mais des sortes de petits pains plutôt salés de la même forme. Une tradition - mais il en existe d'autres - voudrait que ce soit à Bad Urach que le Bretzel ait été inventé. En tout cas, toutes les légendes se rejoignent sur certains points de la symbolique : un seigneur aurait demandé à un boulanger de lui confectionner sous trois jours un pain meilleur que ceux connus jusqu'à présent, par lequel le soleil percerait trois fois. C'est le troisième jour que celui-ci confectionna une pâte plus salée qu'à l'ordinaire et qu'il fut inspiré par la position des bras de sa femme (tantôt croisés, tantôt en prière, selon les histoires) pour la forme de son pain. Ce qui est sûr, c'est que le Bretzel est très populaire dans le sud de l'Allemagne, où on le mange volontiers bien beurré. Un peu, c'est vraiment bon. Mais ça peut quand même devenir assez vite écœurant, avec tout ce beurre mis dessus...