Karlsruhe...Qui n'a jamais rêvé de pouvoir fêter le nouvel an dans cette ville, si fameuse pour sa culture de la fête, son art-de-vivre, son romantisme... Comment ? Personne ? Bon, d'accord. Passer le réveillon à Karlsruhe, ça ne fait pas forcément rêver...Ce n'est pas Prague, Berlin, Hambourg, ou je ne sais quelle autre ville réputée dans lesquelles des bandes d'amis viennent de l'Europe entière afin de fêter le nouvel an. Oui mais... ça a aussi ses avantages. On est ainsi assurés de passer un nouvel an plus authentiquement allemand, loin de la folie des villes touristiques.
Un nouvel an authentiquement allemand, c'est d'abord un cadre : la WG (Wohnung Gemeinschaft) de Guillaume (l'assistant français de Karlsruhe, personnage récurrent de ces aventures). Une collocation typiquement allemande, occupant une maison entière et composée de six jeunes actifs, tous allemands (hormis Guillaume, donc). Christian, par exemple, travaille comme juriste à la cour fédérale de justice, plus haute institution judiciaire allemande, et basée à Karlsruhe (un exemple typique de la fameuse "décentralisation" allemande, même si parler de dé-centralisation pour un État qui n'a jamais vraiment été centralisé n'est sans doute pas très juste...).
Nous étions donc cernés d'Allemands, pour cette fête qui se déroulait aussi bien à la cave, aménagée pour l'occasion et renommée, dans un humour très allemand, le "bunker" ; que dehors, où des auvents avaient été installés avec de grandes tables dressées, avec un grand feu de bois allumé pour l'occasion, des bidons tenant lieu de braseros et des torches plantées au quatre coins du jardin. Là encore, il faut bien être allemand pour avoir l'idée de fêter le nouvel an dehors, sous la neige...
Et puis, comme il se doit pour le réveillon, il y a eu le repas. Ou plutôt, l'absence de repas. Si, à notre arrivée, certains étaient en train de s'enfiler des espèces de petites cuisses de poulet frit dans la cuisine - genre kfc - et quelques petits gâteaux avaient été cuisinés, on était très loin de la culture française du repas durant toute la nuit... Bon d'accord, le grand repas du réveillon, ce n'est pas toujours vrai en France non plus...mais il y a généralement une vraie place attribuée à la nourriture, avec au moins de grands buffets avec des mets à picorer. Ici, il faudra se contenter de se nourrir de malt et de houblon.
D'un autre côté, c'est vrai qu'on n'était pas spécialement venus pour manger...Ici, la tradition, ce sont les Feuerwerk, ces fameux pétards/feux d'artifices interdits en France et qui servent de marronnier récurrent aux journalistes français au moment des fêtes. Si l'usage de ces Feuerwerk n'est certes pas moins dangereux en Allemagne qu'en France, nous n'assistâmes à aucun incident.
Ça a commencé dès la fin de l'après-midi, entre 17 heures et 18 heures, quand la nuit est tombée...Des rafales ininterrompues de pétard, un peu comme au moment du bouquet final d'un feu d'artifice. J'étais alors encore à Stuttgart, en train d'attendre mon bus, et essayais d'entrevoir une quelconque lueur dans le ciel...sans succès.
Durant la soirée, des pétards étaient tirés à intervalle régulier, depuis le jardin, jusqu'au feu d'artifice à minuit. Ou un des feux d'artifices, puisqu'il y en avait plusieurs depuis chaque pâté de maison. Un peu plus loin dans la rue, d'où certains furent tirés, d'autres groupes s'affairaient eux aussi à lancer leurs fusées. On était comme encerclés par un ciel multicolore... l'effet était assurément magique, surtout avec le feu de bois crépitant à côté.
Cette grande tradition des Feuerwerk pour le nouvel an, beaucoup plus développée qu'en France, donc, n'est cependant pas très répandue pour le 3 octobre, le jour de la fête nationale. Il faut aussi signaler qu'il n'est pas possible de tirer des pétards partout : ainsi, ceux-ci sont interdits dans le centre d'Esslingen, de par la crainte d'un incendie dans ces petites rues tortueuses aux maisons médiévales.
Le ciel scintillant de toutes part à minuit, c'est magnifique. En revanche, le lendemain, toutes les rues qui menaient à la gare de Karlsruhe - et particulièrement en centre-ville - semblaient dévastées comme un champ de bataille après la guerre... Les emballages cartonnés des fusées jonchaient les rues, parfois mêlés à d'autres détritus de toute sorte... Guten rutsch aux agents d'entretien de la municipalité !
Guten rutsch, au fait... ça veut dire...bonne glissade ! Pour comprendre cette expression surprenante, il faut savoir que c'est la contraction de "Einen guten Rutsch ins neue Jahr", soit "une bonne glissade dans la nouvelle année", que l'on se souhaite lors de la Silvester - là encore, les allemands contractent pour parler de cette soirée - alors que passée cette nuit, on souhaitera généralement plus simplement une bonne année, ein frohes neues Jahr.
Nous nous sommes donc souhaité une bonne glissade à minuit, au milieu des feux embrasant la nuit. Les Allemands se donnaient l'accolade pour l'occasion, mais nous importâmes quand même une tradition pour l'occasion, avec l'embrassade typiquement française. On a beau être en Allemagne, on ne se refait pas...