Nous avons quitté l'hôtel à 6h30 pour aller déjeuner chez Alain Soumelong dit « Le fromager ». Cet homme francophone tient un petit restaurant, il est réputé car il fabrique du fromage, des yaourts et du beurre de zébu. Il organise également des randonnées. Nous sommes à Mbouroukou, arrondissement de Melong, département du Mungo, région Littoral.
Alain Soumelong m'a expliqué s'être inspiré des Masaaïes qui font un fromage qui se conserve 2 ans « sans frigo » et également de la fabrication française. Il connait bien les fromages de France. Il lui faut 10 litres de lait pour faire un kilo de fromage (il est donc moins calorique que le cantal qui nécessite 22 litres pour un kilo de tomme! nous allons donc manger du fromage de zébu!). Il fait lui même sa présure si un cabri est tué, sinon il l'achète.
Il sert donc au petit déjeuner du
fromage, du yaourt, du beurre de zébu mais également sa confiture
d'ananas dans laquelle il met de la véritable écorce de
cannelle. Il m'a dit qu'ainsi la
confiture se conserve plus longtemps, c'est prudent car il ne la
gorge pas de sucre, ce qui la rend bien sûr très savoureuse.
Et il sert également du café
camerounais. Nous sommes dans une région de production de café.
Quand je l'ai versé dans ma tasse, quand j'ai vu sa couleur noire et
son aspect sirupeux je me suis dite « c'est mort, je ne vais
pas dormir pendant 3 jours ». En fait j'ai été surprise, ce
café est très doux, il n'est pas amer et il ne m'a absolument pas
fait battre le cœur comme peuvent le faire 2 tasses de café clair
au CMS.
Il m'a expliqué que 80 % des touristes sont français, qu'il y a également 12000 français à Yaoundé et 15000 à Douala, potentiellement clients chez lui. je ramène du fromage en espérant qu'il passera la douane... Même principe : pour le goûter il me faudra en échange un bon verre de vin rouge ou un verre de bon vin rouge, un bon feu et beaucoup de chaleur humaine ! J'espère également trouver du poivre de Penja, un poivre très réputé produit ici. Si vous voulez du fromage de zébu camerounais ou du café camerounais vous pouvez joindre Alain Soumelong : manengoubarefuge@yahoo.fr, il est sur whattsapp au +23750 49 86 99. Après ce petit-déjeuner copieux et cet accueil chaleureux nous sommes partis vers les Twin Lakes.
Les Twin Lakes ou lacs Manengoubas sont situés au sein de la montagne Manengouba qui culmine à 2411 m, c'est un volcan éteint, en pays Bororo dans le département du Moungo qui a comme chef lieu Nkongsamba dans la région Littoral. Région officiellement francophone.
Nous sommes montés en moto aux Twin lakes. C'est du sport, à 3 sur la moto, la femme au milieu, c'est soi-disant la tradition mais, honnêtement je préfère. Donc le principe est d'être collé serré car la côte est raide et la moto peine! Donc à l'aller c'est excellent pour les abdominaux et au retour, donc à la descente, c'est excellent pour dormir. Bien calée entre Benjamin et le driver je me suis endormie en rêvant de mon mont Cameroun! Je ne vous cache pas que je suis fatiguée...
Les Twin Lakes sont situés à 1937 m d'altitude. La montée est raide, elle est faisable à pied sans problème. On peut même partir de l'hôtel La luciole. Arrivé en haut il reste à gravir environ 200m pour voir les 2 lacs dans leur entièreté. Les lacs sont jumeaux. La femelle est grande, avec une belle eau bleue et le mâle est petit, recroquevillé sur lui-même, avec une couleur verte de mare ! Ils sont séparés par une langue de terre surélevée.
On dit ici du lac femelle qu'il est « aimable et accueillant » et du lac mâle qu'il est « mystérieux et insondable ». Je n'avais pas vu les choses comme ça. Pour moi le lac femelle est majestueux, accessible, sensible, avec un open mind et une belle eau bleue dans laquelle on a envie de se baigner. Le lac mâle est plus petit, il est difficilement accessible et son eau est glauque, elle ressemble quand même à de l'eau croupie et je n'ai vraiment pas envie de me baigner dedans ! J'y voyais une belle métaphore et devant son aspect rabougri me revient en mémoire Marguerite Duras qui a dit « il faut beaucoup, beaucoup aimer les hommes pour les aimer » . Certains hommes peuvent échapper à cette pensée clairvoyante, c'est cependant un challenge!
Le paysage est grandiose, de belles
émotions, je ne veux jamais oublier ça.
Les Twin lakes sont sur un plateau où est pratiqué l'élevage.
Première anecdote du jour (la seconde viendra plus tard). La police nous a arrêtés à l'aller, un poste de contrôle à l'entrée du village, le chauffeur Lazarius connaissait le policier. Echanges de courtoisie : « comment vas-tu bla bla bla, bla bla bla » comme dirait Gréta dans un autre domaine bien plus respectable. Parce qu'au retour c'était « mon frère tu m'as embrouillé, je n'avais pas vu la touriste à l'arrière, là on est 8 on a soif, on veut boire la bière, si quelqu'un m'avait dit qui est entré dans le village ? qu'est-ce que j'aurais répondu ? ah là c'est grave mon frère», Benjamin lui a répondu qu'il est responsable, qu'il n'a pas fait son travail correctement en ne regardant pas qui était dans la voiture. Bref, palabres et contrôle de mon passeport. Lazarius a fini par lâcher un billet quand le policier, son copain, lui a dit que maintenant c'est du whisky qu'ils veulent boire ! Consciente de ça, j'ai décidé de me faire les poches toute seule en payant Benjamin pour ce trip. Il gère ce genre de problème avec flegme, je sais que mon agacement, me coûteraient beaucoup plus cher en de pareilles circonstances. J'ai déjà donné.
Nous avons repris la voiture pour aller aux chutes d'Ekom Nkam où nous devions aller hier si je n'avais pas fait le trajet Yaoundé Douala en bus au dernier moment.
Les chutes sont très belles, 80 mètres de haut, elles sont puissantes.
Certaines scènes du film Greystoke
avec Christophe Lambert ont été tournées ici. Je n'ai pas vu ce
film ni Christophe Lambert (Anny? Fanny? Michael?) mais j'ai vu les chutes!
Voici donc la deuxième anecdote. Vous vous tapez une piste poussiéreuse sur environ 2 km, c'est simple vous arrivez orange, les cheveux on n'en parle pas, vous vous demandez même s'ils vont survivre et quand vous arrivez aux chutes vous êtes accueillis par un cerbère, genre «JE suis le chef des chutes ». Et derrière lui un grand panneau avec le règlement des chutes (j'aurais aimé le photographier mais j'ai eu peur de déclencher l'ire du cerbère!), le prix, bien sûr très cher pour les touristes, plus cher encore s'ils ont l'outrecuidance de vouloir faire des photos et... le pompon c'est que si vous restez plus d'une heure sur le site vous payez, en plus, 10 000 CFA, non négociables et c'est bien écrit sur le tableau, avec insistance. Ça s'appelle « favoriser le tourisme », d'ailleurs nous étions seuls sur ce site. Donc les chutes on peut les voir d'un balcon mais si vous décidez de descendre à leur pied, vu le trajet, c'est sûr que vous avez perdu 10 000 CFA, il est évident qu' il faut plus d'une heure. J'ai dit à Benjamin que je ne voulais pas qu'on perde 10 000 CFA dans la mauvaise foi. Donc je me contente et vous aussi des photos faites sur le balcon.
POST SCRIPTUM: savez-vous ce que signifie Ekom Nkam??? "Soyez les bienvenus", ah ah ah les camerounais ne manquent pas d'humour!
De retour à l'hôtel, avant de prendre une douche pour éliminer toute cette poussière et sueur je suis allée marcher. Je voulais prendre en photo des pieds de café.
Mes pas m'ont menées sur un sentier où un homme m'a dit : «il y a un quartier là », traduisez un village. J'ai donc suivi ses pas à travers la brousse et environ un quart d'heure plus tard j'ai trouvé un village dans la forêt. Je suis allée dire bonjour à la maman, lui ai expliqué que je suis à la Villa Luciole. Elle était en train de préparer, avec les enfants, une petite charrette pour aller vendre les plantains. Je n'ose même pas imaginer comment ils ont poussé cette charrette par le sentier étroit et accidenté que je venais d'emprunter.
D'autres femmes faisaient sécher des
haricots. Elles m'ont expliqué qu'elles les mangent avec les beignets ce qui constitue un des petits déjeuners traditionnels, que je n'ai pas encore goûté. Elles mangent aussi ces haricots avec des bananes
douces.
Je suis restée un peu dans ce village à aller des uns aux autres, c'était magique car j'étais bien accueillie. Je n'ai pas fait de photos, les camerounais n'aiment pas ça du tout. Donc, comme Menno me dit : « maintenant tu es là et tu profites les bonnes choses là ».
Au retour j'ai trouvé ça sur le bord de la route.
Benjamin m'a expliqué qu'il s'agit d'un légume : « Ekongbong fruit ». On dirait une énorme carambole. Il faut laisser ce fruit-légume pourrir, en récupérer les graines et les planter. Elles donnent une plante dont les feuilles sont utilisées pour faire une sorte de ndolé.
Soirée à l'hôtel, baignée par le bruit de la forêt après une douche plus que nécessaire... une bière et repas dont je ne vous fais pas de photos, car, malheureusement l'hôtel met un point d'honneur à adapter sa cuisine à ses touristes (sa touriste en l’occurrence), donc je mange de la cuisine... française... (hier blanquette, ce soir frites avec du poisson). Ce n'est pas grave.