Un projet de film documentaire en Armenie

Publiée le 07/02/2022
Il s'agit de faire un retour sur le contenu du projet pour ceux qui l'ignorent et vont m:accompagner dans ce prochain voyage.

Retour à Gyumri en Armenie

Dans l'urgence il y avait à
  • Rédiger le projet du film et le faire traduire en armenien pour que le realisateur, qui ne parle ni anglais, ni français  puisse le lire.
  • Traduire le budget rédigé en armenien par le même réalisateur pour que je puisse le lire.

Vous pensez sans doute que l'affaire a mal commencé. Pas du tout. Avec Garnik,  nous nous comprenons   en russe, mais de là à rédiger un texte littéraire... et pour lui l'écriture du budget en russe était sans doute compliquée. Il a fallu  me mettre à la recherche d'un traducteur. le jour même avant de rentrer sur Erevan. J'ai trouvé Rima. C'était une traductrice. 


Le projet  à traduire en arménien

Le texte de présentation du projet

Nature du film : Documentaire de 24mn

Lieu de tournage : Région Shirak, Arménie

 

Différentes fermes réparties dans le district dans un rayon de 25 km autour de Gyumri. Toutes ces fermes ont un point commun : elles ont reçu une douzaine de moutons de France, en conformité avec un programme des Nations Unies et de l’Australie. Les moutons viennent de Haute-Loire en France et appartiennent à la race « Blanche de Lozère ». Il s'agit d'expérimenter l' adaptation de cette race à viande très prolifique (3 agnelages sur 2 ans) pour la développer en Arménie.

Scénariste : Nicole CHEVRIER, plasticienne, France 


Réalisateur : Garnik SARGSYAN, cinéaste, Gyumri, Arménie, professeur à l'Académie de Gyumri.

 

La « philosophie » du projet et la démarche. 

Il s’agit de restituer le parcours imaginé par Nicole Chevrier pour mettre en lien des territoires géographiquement très éloignés (l’Europe et l’Asie Centrale), et culturellement différents, avec la conviction que les humains sont tous habités des mêmes préoccupations : survivre sur une planète de plus en plus fragile, dont les plus pessimistes diraient qu’elle est prête à s’effondrer. Survivre, c’est-à-dire se nourrir, se protéger du chaud et du froid, voir grandir ses enfants en les projetant dans l’avenir, mais aussi créer des objets à valeur symbolique, inventer et rêver, ce qui, en dehors des besoins essentiels dont on parle beaucoup pendant la pandémie, fait l’humanité.

Nicole Chevrier est une voyageuse qui ne parcourt pas le monde par les sentiers battus. En dehors des circuits touristiques elle ressent le besoin vital de « palper le monde », c’est-à-dire partager au quotidien la vie de ceux qui sont différents, mais aussi tellement semblables. Elle a besoin de se rassurer : quelque soit le lieu où l’humain a été jeté sur terre il reste encore de l’humanité et un rapport à la nature apaisé. Ce parcours est aussi celui d’un projet artistique fondé sur la conviction que l'oeuvre d'art est une création quotidienne fondée sur un récit de vie. Dans toute création artistique il y a un déclencheur, un temps de gestation et de réflexion et l' appropriation d'outils et de matériaux pour la  mise en oeuvre. Dans le cas présent l'accroche s'est présentée sous la  forme d'un article dans le journal local "300 moutons de Haute-Loire pour l'Arménie". La réflexion a pris un caractère d'évidence : "Pourquoi ne pas aller voir comment se portent ces moutons en Arménie ?". Les outils ?Les bus pour traverser l'Europe et les pays de l'est, le bateau entre Odessa et la Géorgie,  le taxi collectif pour rejoindre l'Arménie, la langue russe, des chaussures de marche, un sac à dos, un carnet et un appareil photo.   On l'a compris, il s'agissait de prendre le même chemin que les moutons, peut-être comme une brebis égarée. 


Les femmes fortes d'Haykavan, une des fermes choisie dans le scenario

Le scenario est à écrire sur le terrain au fil des jours qui passent. Trouver les moutons en Arménie a demandé persévérance et ténacité. La tentation a été forte d'abandonner. Lorsqu'il s'agit d'écrire l'histoire en temps réel, le réel échappe parfois. c'est le rendez-vous aux Nations Unies à Erevan avec Karen Harutyunyan qui a permis de tenir le fil. Cette rencontre avec le responsable du programme mis en place par les Nations Unies et l'Australie a ouvert le chemin des fermes qui était bien embroussaillé. Toutes se situaient  dans le nord de l'Arménie dans les régions de Shirak, Lori et Tavush . 12 à 13 brebis et un bélier dans 26  fermes. L'ouvrage était sur le métier.

Le scenario : quand la grande Histoire impacte la vie des gens

Histoire - histoires

1. Buniat SARGSYAN - Kamkhut. A la frontière Arménie-Turquie les terres se situent dans le « no man’s land » entre l’Arménie et la Turquie. Chaque jour l'armée ouvre la porte et la referme pour laisser passer le berger et son troupeau de moutons. Aurons-nous l’autorisation de filmer au-delà des barbelés ? Buniat est un entrepreneur. Il a mis de côté son métier de pharmacien pour acheter ces 300 hectares de terres il y a 8 ans et se consacrer à l’élevage sur une propriété qui périclitait. Avec ses parents ils forment une équipe solide qui mobilise toute son énergie pour faire de ce lieu un espace vivant et plein d’avenir.

2. Mkrtich MKRTCHYAN - Haykavan Une famille anéantie par la disparition d’un fils de 20 ans dans la guerre du Haut Karabagh en 2020.Le village fait corps autour de la famille, le khatchkar sur la place en atteste. Une belle famille qui avance droit et s’investit sans réserve dans le projet « Blanches de Lozère ». La porte est largement ouverte et l’invité (ou celle qui s’invite) est choyé.

3. Narek SHABOYAN - Dzorachen Une histoire particulière : le village a été créé pendant ou juste après le génocide par un riche arménien qui a quitté la Turquie pour s’installer dans cet endroit perdu. Il est venu avec ses ouvriers qui s’y sont définitivement installés. L’endroit est magnifique. Le père de Narek est un homme chaleureux, directeur de l’école, on peut imaginer qu’il transmet l’histoire.

4 GURGEN ISKANDAYRAN Mère et fils cultivent avec la même passion cette terre qui est leur terre d’origine et qu’ils adorent.Une autre valeur que la terre arménienne, qu’ils respirent par tous leurs pores, est le partage. Quiconque croisera leur chemin recevra plus qu’il ne pourra jamais donner. Les Blanches de Lozère ont trouvé un pays d’accueil. Gurgen a fait la guerre l’année dernière, il en est revenu meurtri. Il y retournera s’il le faut.

Conclusion

Des lieux différents, des histoires différentes mais la même volonté, malgré les difficultés, voire les drames, de se projeter en avant en ayant répondu, un jour sur Facebook à la proposition « Blanches de Lozère ». Faire vivre la terre arménienne est leur raison de vivre.

Qui habitait là ? Comment vivaient-ils? Quelle langue parlaient-ils?
Les Archives Nationales à Erevan

Rima, un scenario modifié


 

Rima est jeune et belle, pleine d'énergie. Agée d'une vingtaine d'années , elle travaille dans une ONG qui enseigne le français à Gyumri. Elle est aussi spécialisée dans le travail social auprès des femmes. Certaines se trouvent dans une situation désespérée avec la perte de leur époux lors de la guerre, et des enfants en bas âge. Elle s'est portée volontaire l'année dernière pour partir sur le front (ce que je n'ai su qu'après). Lorsque Rima a accepté de traduire dans l'urgence J'ai ressenti un grand soulagement. Soulagement qui s'est peu à peu transformé en inquiétude. Notre relation a été compliquée. 

Inquiétude lorsqu'elle a refusé de traduire certains passages qui, selon elle, n'étaient pas historiquement corrects. A surgi alors l'écueil , que dis-je, le récif voire l'iceberg de "Voghi ancien village Azeri" . Les Azeri, dans ces villages, auraient été des nomades  qui venaient s'embaucher comme ouvriers agricoles chez les propriétaires arméniens. 

Evidemment le scénario a été modifié. L'équipe de tournage n'ira pas à Voghi. Il n'intégrera que 4 fermes au lieu de 5.

Le Budget

Garnik avait rédigé un budget détaillé d'environ 15000 euros ( film clé en main avec la post production et les  sous titrages) . Rima n'avait pas le temps, c'est Artur qui a accepté. Artur m'avait prise en stop lors d'une de mes visites et m'avait proposé de m' accompagner par la suite si je ne trouvais pas de moyens de transport. C'est ainsi que nous nous sommes rendus à Dzorashen au bout d'une piste de 15km dans sa Lada un peu essoufflée mais vaillante (il fallait la regonfler de temps en temps). Artur parle couramment anglais puisqu'il était professeur ...dans le Haut-Karabargh. Il a tout perdu, son métier et sa maison. Le budget est donc rédigé en anglais. Sur les 15000 euros, nous avons récupéré 5000 euros sur la cagnotte, il reste 10000 euros à trouver. C'est l'objet de ce voyage en  France avant de repartir pour le tournage à Gyumri.

Artur et sa Lada

L'étape suivante en France

L'étape suivante est entrain de s'écrire. Les démarches sont engagées avec Gamm Vert, le Credit Mutuel, les collectivités territoriales... grâce à l'Association "Les yeux fertiles" qui vient tout juste de sortir de l'oeuf.

" LES YEUX FERTILES"

Cette association a pour objet de développer des projets culturels en lien avec  un questionnement sur le monde contemporain. Les productions seront source d’interrogation et de questionnement pour inviter  le public à sortir des clichés véhiculés dans le monde médiatique, à se confronter aux œuvres dans leur matérialité pour vivre une expérience esthétique et faire le pas de côté nécessaire à  tout esprit critique. Il s’agit aussi, dans les contenus des évènements et des artefacts,  de sortir des cloisonnements des champs disciplinaires pour aborder les thématiques en croisant les regards. Toute production d’objets culturels est indissociable d’une activité économique qui permet de financer le projet (recherche de financements publics et privés), rémunération d’intervenants, d’artistes et de professionnels compétents dans le domaine convoqué. L’association accompagnera des porteurs de projet innovants dans le domaine culturel.


Détour par le Festival du Court Métrage à Clermont pour rencontrer les professionnels
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