Complètement embarquée dans l'évènement, aussi bien par Harut, notre cameraman, que par nos hôtes, je me suis laissée portée et n'ai pris qu'une ou deux pauvres photos. J'avais donné des consignes précises pour cette séquence : Les femmes, leurs gestes dans les préparatifs du repas, les ustensiles, la vaisselle, les objets décoratifs. Harut s'est surpassé et a réalisé de très belles images . Il m'a demandé si j'étais satisfaite . La réponse n'était pas nécessaire, j'étais tout sourire.Il y avait aussi le souhait d'une interview d' Arniné, la mère si fusionnelle avec ce fils qui a décidé, dès le début de la guerre, d'aller combattre. Elle avait accepté sa décision presque avec fierté ("Dans la famille nous sommes patriotes") et une bouffée d'angoisse aussi. Elle est allée, chaque jour, à l'église allumer des bougies pour ceux du village qui étaient partis. Ils sont tous revenus...grâce à Dieu. Les choses semblent se dégrader au Karabagh. Gurgen repartira t-il? La question ne se pose même pas. En reviendra t-il ? La question reste entière.
J'ai été sommée de revenir très vite pour découvrir les montagnes et passer une nuit à la maison... je suis revenue très vite. J'ai pu marcher dans les sentiers du Caucase, herboriser avec Arniné, dormir dans le canapé du salon, me faire câliner par Roza et...manger.
Arniné a chaussé ses pantoufles de marche et Gurgen endossé le sac pour le pique-nique. Des tomates, du fromage, des pêche et du pain juste sorti du four. J'ai proposé d'en prendre un peu pour alléger. Gurgen a rigolé . Il a arpenté le Karabargh dans la boue avec un sac de 45kg. Les arbres en arrière plan? C'est son père qui les a plantés. Il n'avait pas soixante ans lorsqu'il est décédé. Pas de rémission pour le cancer en Arménie. Le sac ? Il date de la grande guerre patriotique contre les allemands en 40; Un design astucieux et...durable.
J'en ai profité pour demander s'il y avait une plante miracle qui permettait d'abréger la fin de vie lorsque l'on perd son autonomie. Elle m'a regardée un peu effarée et m'a donné une réponse sidérante : "Mais Nikol, à ce moment là tu viendras chez moi et je m'occuperai de toi".