C'est un homme d'affaire d'Erevan qui est de retour au pays du printemps à l'automne. L'hiver, il vend des portes et des fenêtres en PVC, et l'été, il les ouvre. Cet immense plateau typiquement caucasien couvert de fleurs et balayé par le vent est en location. Il appartient au gouvernement. Originaire du petit village à proximité il revient à ses origines par épisodes saisonniers. Sa femme, Leila, est ravissante. Sa soeur, Karina, tout aussi charmante s'occupe des 45 vaches dans le village pendant l'hiver.
La famille a décidé de planter des arbres en hommage aux soldats morts dans la guerre du Karabagh (3 jeunes du village ont été tués). Il y a donc une plantation d'un peu plus de 1000 pins qui s'étage sur une pente au bout du monde. L'endroit a été choisi par le grand-père qui est peintre et a ressenti, dans cet endroit, les forces telluriques qui habitent le lieu.
Je passe beaucoup d'énergie à me battre contre les clichés. Parfois je lâche en me disant que, finalement, pourquoi pas à petit dose. Garnik avait son idée. Pour donner forme à son idée, il avait passé commande au maître des lieux. Il s'agissait de tourner une scène autour d'un feu de camp. Des plots étaient disposés en rond autour du feu. J'avais pour consigne de m'asseoir à côté de Vardan et d'engager la conversation avec lui. Je me suis soumise aux directives de notre réalisateur. La camera était à une certaine distance et j''ai pensé qu'il s'agissait d'un plan d'ensemble auquel il fallait donner vie (Le documentaire n'échappe pas à la mise en scène de toutes façons, le terme de "documentaire fiction" semble plus approprié). Il n'y avait pas de micro, donc tout allait bien. J'ai, dans cet état d'esprit, engagé la conversation sur un ton plutôt amusée, en revenant sur le rapprochement avec la Mongolie. Bingo, Vartan avait fait, à l'époque de l'Union Soviétique, 2 années de service militaire en Mongolie. Les plus belles années de sa vie m'a-t-il confié. J'ai oublié la caméra. Lorsque l'opérateur a dit "coupez". Vardan a sorti un micro cravate de sa veste. Je m'étais faite piégée. Je parle russe, c'est à dire que l'on me comprend et que je comprends (pas tout) mais de là à être enregistrée... Le ridicule ne tue pas , enfin si peut-être. A suivre...