Nous sommes saisis, battus par K-O, muets et envahis. C’est le début d’après-midi, la chaleur est toujours intense, nous suons dans la moiteur asphyxiante d’un après-midi orageux. Un free shuttle idéal nous monte jusqu’au Sunset Point.
Ce parc a été élu « plus beau parc des Etats-Unis », on comprend instantanément pourquoi.
Nous avons accès à l’amphithéâtre naturel et les milliers de cheminées de fées sont autant de sculptures antédiluviennes, les couleurs sont précieuses et plurielles. C’est un choc.
C’est l’incontournable trail, le grand classique à ne manquer sous aucun prétexte. Balade de 2 km, elle nous immerge à même les hoodoos, personnages rougeoyants d’ocres et de bruns, par un sentier habile que les Indiens Païutes en leurs temps empruntaient pour leurs cérémonies. Délogés en 1875 par un certain Mr Bryce, mormon de religion, la zone devient alors «blanche» désindianisée. Cet Ebeneezer Bryce eut la malchance, un jour, de voir plusieurs de ses bêtes disparaître dans un canyon paumé, auquel il allait donner son nom à force de les chercher.
A notre insu, nous piétinons à coup sûr des lieux hautement sacrés.
Les hoodoos sont les piliers d’arches effondrées en des temps immémoriaux. Ils peuvent mesurer d’1m50 jusqu’à 45 m de haut. L’érosion aurait selon les scientifiques encore trois millions d’années devant elle pour créer sous nos yeux éternels d’autres arches et d’autres hoodoos.
Les Païutes racontent : avant l'arrivée des Amérindiens, un peuple légendaire habitait les lieux. Appelés To-when-an-ung-wa, ces êtres étaient des animaux de forme humaine.
Ayant commis de mauvaises actions, ils sont punis par les coyotes qui les transforment tous en rochers. Les tribus Amérindiennes ont donné le nom de Angka-ku-wass-a-wits à ce lieu, ce qui signifie « les rochers rouges qui se tiennent debout comme des hommes ».
Nous enchaînons avec bonheur sur cette ligne de crête qu’est le rim trail. Peu de dénivelé et une vision panoramique qui se modifie au gré des pas. Les impassibles hoodoos nous observent sous toutes les coutures déambuler dans une ambiance enchanteresse.
Etape indispensable car ces lieux sont très bien conçus pour qu’on ne meure pas idiot.
Les informations y sont pédagogiquement très bien mises en scène et n’éludent notamment pas le drame déchirant des Natives : ces indiens Païutes voient ces hauts lieux essentiels leur devenir inaccessibles, il leur est interdit d’y cueillir leur pharmacopée, d’y vivre leurs cérémonies ancestrales.
De Parc naturel national, on comprend alors que Bryce, enfin Angka-ku-wass-a-wits est habité par des esprits autrement puissants.
Le ciel est tellement chargé et gorgé d’eau que le soleil ne daigne darder aucun moindre petit rayon. Nous avalons une pizza et rentrons bredouilles. Les prévisions météo sont alarmantes le réveil ne sonnera pas aux aurores cette fois. Hélas, il fera pourtant grand soleil quand au matin, Morphée aura cessé de nous bichonner.
Ce lieu nous hante, il réveille par son grandiose et son hiératique époustouflant
Désir profond d'être plongé dans les tout premiers matins du monde. Le temps y a pourtant joué son rude et patient labeur de sculpteur. Tout est ciselé, précis, émouvant. nous sommes ici au pays des !!! ou des ... Très vite, les superlatifs manquent ou nous restons sans voix.
Nous n’avons jamais vu pareilles dentelles, les biches hémiones qui vaquent innocemment à leurs broutages sans s’effrayer nous le confirment d’un battement de cils gracieux.