Phomh Penh est à 291 km de Battambang. Partis ce matin à 11h15 nous sommes arrivés à Phnom Penh après 7h30 de route.
Le voyage fut long... mais il s'est déroulé dans de bonnes conditions. Des voyageurs cambodgiens souriants comme d'habitude, quelques haltes culinaires.
Puis l'arrivée à Phnom Penh! incroyable! c'est la fête de l'eau et la fête de l'indépendance comme je l'ai expliqué dans le chapitre sur Siem Raep: Bon Om Touk.
A croire que tous les cambodgiens s'étaient retrouvés ce soir à Phnom Penh!!!
Voitures, tuk-tuk, scooters et piétons emmêlés! Notre chauffeur de tuk-tuk a renoncé, il nous a expliqué: "vous prenez la rue en face et 2 blocs après vous êtes dans la rue 21.". Oui car la plupart des noms de rues sont des numéros. Nous avons donc pris nos sacs à dos et notre courage à deux mains et trouvé notre hôtel: le Poolside Villa.
Super accueil à l'hôtel. Nous sommes ravis d'être à Phnom Penh. Cette ambiance nous a réjouis, Battambang était un peu tristounette! Après une bonne douche nous sommes repartis, armés d'espoir pour atteindre un restaurant. Nous y sommes parvenus. En fait il suffit de se faufiler entre les véhicules.
Demain nous allons visiter le camp S21 nommé aujourd'hui Musée Tuol Sleng. Il est de sinistre mémoire puisque c'est ici que les Khmers Rouges ont torturé et tué plus de 20 000 personnes. Cette visite s'annonce éprouvante.
Et elle fut éprouvante. C'est un peu comme visiter Oradour sur Glane, Auschwitz ou Birkenau. Le 17 avril 1975 les troupes de Pol Pot sont entrées dans Phnom Penh et ont vidé la ville en quelques jours envoyant ses habitants vers leurs villages et les rizières, qui deviendront en très peu de temps des camps de travail meurtriers. De 1975 à 1979 environ 20 000 personnes ont été détenues par les Khmers Rouges à Tuol Sleng, plus connu sous le nom de camp S21. La plupart y sont mortes. Ce lieu sinistre était, à l'origine, un lycée où les jeux des enfants ont été remplacés par les cris des suppliciés. L'homme est un loup pour l'homme et son imagination est fertile pour torturer ses pairs. Douch ou Duch en était le directeur. Son nom nous est connu car il a été jugé récemment, en février 2012, en appel, à la prison à perpétuité. Il avait été condamné en première instance à 30 ans de prison en 2010, le second jugement a été encore plus sévère. Douch a plaidé coupable mais comme Papon il a rappelé au tribunal qu'il était aux ordres de l'Angkar comme Papon était aux ordres de l'état français.
Pour bien comprendre ce qu'il s'est passé entre 1975 et 1979 plusieurs livres et films notamment ceux de Rithy Panh existent et sont passionnants. Ce que nous savons aujourd'hui est que, nous, occidentaux, sommes restés inactifs et que certains ont soutenu ce régime sanguinaire voyant dans cette idéologie l'espoir d'une société égalitaire. A cette époque la guerre faisait rage au Vietnam et le Cambodge a été
autant bombardé par les américains que le Vietnam car Ho Chi Minh y faisait passer des armes. De plus une guerre civile déchirait le Cambodge en opposant, depuis 1967, les forces du Parti Communiste du Kampuchéa (Khmers Rouges), soutenues par La République Démocratique du Vietnam (Viet Minh, Nord Vietnam et Viet Cong, résistants communistes du Sud Vietnam ) aux forces du gouvernement du Royaume du Cambodge soutenues par les Etats-Unis et la République du Vietnam (Sud Vietnam). Ce contexte a été un formidable terreau pour les Khmers Rouges qui, en arrivant à Phnom Penh, ont été accueillis en libérateurs. La population était épuisée par les bombardements, la destruction de l'économie, les famines. Les Khmers Rouges, pour la plupart était de très jeunes hommes, voire des adolescents, illettrés, que Pol Pot n'a eu aucun mal à manipuler et à endoctriner.
Ce drame a pris fin le jour de l'entrée des troupes vietnamiennes dans Phnom Penh. Les soldats ont retrouvé 14 corps suppliciés. Ils ont été enterrés dans la cour du lycée dans des sépultures de couleur blanche. A l’arrivée des vietnamiens les tortionnaires ont pris la fuite après avoir tenté de détruire leurs archives. Ils n'ont pas eu le temps de tout détruire. Ils avaient, comme les nazis en leur temps, la manie de tout noter et de photographier. Les murs de Tuol Sleng sont recouverts de photos des détenus. Quelques occidentaux ont fait partie des victimes ainsi que 2 néozélandais partis faire le tour du monde en bateau et qui ont été arrêtés dans les eaux territoriales du Cambodge. Accusés d'espionnage ils sont morts sous la torture. Un d'eux a donné le nom de ses complices: celui des personnages de ses lectures d'enfant ou des héros de ses films préférés; Incultes, les Khmers Rouges ont consciencieusement noté ses aveux.
A cette époque, Vergès avait disparu de la surface de la terre et les historiens se demandent s'il n'était pas ici, près de Pol Pot. Il a déclaré, quelques années après la fin du régime des Khmers Rouges qu'il n'y avait pas eu de génocide au Cambodge. A cette époque la Chine achetait leur riz aux Cambodgiens alors que ceux-ci mourraient de faim dans les rizières à tenter de répondre aux exigences de l'Angkar, l'organisation à la tête de ce régime. Le mot d'ordre était "autosuffisance alimentaire" en produisant 3 récoltes de riz par an. Or la désorganisation de l'Angkar et l'incompétence de ces cambodgiens qui venaient des villes et n'avaient aucune connaissance en agriculture ne pouvait permettre une telle ambition.
Après le musée Tuol Sleng nous sommes allés au camp d'extermination de Choeung Ek, connu sous le nom de killing Fields. Il est situé à environ 8 km de Phnom Penh. C'est ici qu'étaient exécutés les détenus de Tuol Sleng quand ils avaient survécu aux tortures, Nous y avons fait un pas de plus dans l'horreur, si c'est possible, bébés percutés contre les arbres etc. C'est à peine soutenable. Nous avions pour les 2 visites des audiophones dont le texte était passionnant et très bien documenté mais à la limite du supportable. Comme les nazis, les Khmers Rouges ont été dépassés par le nombre de personnes à tuer, ils n'avaient pas suffisamment de munitions donc tout était utilisé pour assassiner.
Aujourd’hui seuls les dirigeants de cet état mortifère ont été jugés, des procès sont encore en cours. Les cambodgiens vivent ensemble au nom de la réconciliation nationale, Les témoignages qui ont été recueillis montrent que les tortionnaires, comme les victimes, ne sont pas sortis indemnes de ces atrocités.
Un stûpa a été construit en hommage au quart de la population tuée sous le régime du Kampuchéa Démocratique. Il contient les restes humains retrouvés sur le site de Choeung Ek dans les fosses communes. 90 ont été mises à jour mais, régulièrement, la pluie érode les sols et fait apparaître de nouveaux restes humains ou des vêtements. Le stûpa est plein, il a été décidé de ne plus creuser et de laisser ces victimes reposer en paix. Quelques urnes bouleversantes sont installées sur le site.
Nous avons terminé la journée en nous baladant dans Phnom Penh. Nous sommes également allés acheter les billets de bateau et de bus car nous partons demain pour Ho Chi Minh Ville par le Mékong.
Nous avons quelques heures demain matin pour visiter le Palais Royal. Ce monument, comme la plupart de Phnom Penh, ferme à 17h et aujourd’hui nous n’avons pas eu assez de temps.
Nous avons longé le Tonlé Sap, dont les rives accueillent l'ancien quartier français . Plus bas le Tonlé Sap retrouve le Mékong.
Le Wat Ounalom a été fondé en 1443. Il était destiné à abriter un poil de sourcil de Bouddha. Jadis, dans cette pagode une bibliothèque de l'Institut bouddhique abritait plus de 3 000 ouvrages. Elle a été détruite par les Khmers rouges .
Juste après le Wat Ounaloum apparait le Palais Royal que nous visiterons demain matin.
Puis nous nous sommes rapprochés de notre hôtel.
Levés aux aurores ce matin pour aller visiter le Palais Royal. C'était très sympa. Il faisait déjà très chaud. La construction du Palais Royal a débuté en 1866, il a été inauguré le 14 février 1870. Il a été conçu par des architectes cambodgiens et français. Il respecte l'architecture traditionnelle khmère. Il est orienté à l'est comme le veulent les règles sacrées.
Il est de couleur "jaune royal".
La partie où vit le roi ne se visite pas, elle est dissimulée derrière de hauts murs jaunes.
Pour l'anecdote: Sihamoni est le mélange des prénoms de ses parents: le roi Sihanouk et la reine Monique (dont le père était corse et la mère cambodgienne).
Sihamoni a passé plusieurs années à Asnière-sur-Seine en France lorsqu’il était enfant. Il parle français. Il a fait ses études (danse et théâtre) à Prague où il a obtenu le 1er prix de danse classique au Conservatoire National. Ensuite, il a poursuivi ses études dans le cinéma à Pyongyang, en Corée du Nord. Il parle couramment tchèque, français, anglais et russe.
En fait Sihamoni a été élevé par un père également artiste et passionné de cinéma. Norodom Sihanouk a réalisé plusieurs films. Ces fictions se déroulent toutes au Cambodge: "Apsara" (1965), "La Forêt Enchantée" (1966), "Le Petit Prince" (1967) avec Norodom Sihamoni dans le rôle principal, "Ombre sur Angkor" (1968), "La Joie de Vivre" (1968), "Paysans en détresse" (1996), "Un apôtre de la non-violence" (1996).
Wat Preah Keo ou Pagode Royale ou Pagode du Bouddha d'Emeraude ou Pagode d'Argent, cette dernière appellation est la plus connue. C'est le sanctuaire des cendres royales. Elle abrite le Bouddha d'Emeraude, le plus grand trésor du Cambodge ( les photos sont interdites à l'intérieur). Elle est la pagode la plus luxueuse du Cambodge, son sol est recouvert de 5329 carreaux en argent ... sur lesquels les français ont fait graver des fleurs de lys!!!
Cette famille royale est une famille d'artistes. La propre sœur de Sihamoni, la princesse Buppha Devi (décédée le 18/11/2019) a été ministre de la culture et des Beaux-Arts du Cambodge de 1991 à 1993 puis de 1999 à 2004. Elle était danseuse au Ballet Royal et on lui doit l’inscription de la danse traditionnelle khmère au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO.
En 1976, alors que Sihamoni était étudiant à Pyongyang, il a été invité à rentrer au Cambodge pour commémorer le 1er anniversaire de la prise du pouvoir par les Khmers Rouges. En fait c'était un piège et il restera détenu au Palais Royal avec son frère Narindrapong et ses parents jusqu'à la chute de ce régime en 1979. Sur les 14 enfants de Norodom Sihanouk 5 ont été tués par les Khmers Rouges.
En 1981 Norodom Sihamoni repart en Europe et s'installe à Paris où il est professeur de danse classique jusqu'en 2000. Il cumulait cette fonction avec celle d’ambassadeur du Cambodge auprès de l'UNESCO. Julio A. Jeldres, le biographe chilien officiel de la famille royale dit de lui: "« Sa Majesté est un artiste dans l'âme. Il a été éduqué pour être un artiste et non un roi. Il n'a jamais voulu être Roi mais il a accepté l'appel des représentants du peuple à devenir le nouveau monarque avec dignité et dévotion pour ce devoir".
Ainsi Norodom Sihamoni est passionné d’art et de culture et lorsqu’il était ambassadeur à l’UNESCO il a œuvré pour qu’Angkor soit classée au patrimoine de l’Humanité. Il ne serait pas très engagé politiquement mais travaille à faire briller le patrimoine, la culture et l’histoire de son royaume. Il serait quelqu'un de très humble et proche des plus pauvres de son pays.
C'est avec beaucoup de regret que nous quittons Phnom Penh et le Cambodge cette après-midi à 13 heures. Nous rejoindrons le Vietnam par bateau sur le Mékong.