J'ai commencé par rejoindre un couple d'amis des parents de Flora pour une visite de la Casa del Alabado, une superbe maison coloniale où s'exposent l'art et l'artisanat pré-colombiens. J'ai toujours été fascinée par la cosmovision indigène,
leur manière de voir le monde terrestre, la communication avec
l'au-delà, leur spiritualité, le symbolisme dans leurs peintures, les
expériences chamaniques, et le refus de la dualité entre nature et
culture : l'être humain est une espèce qui appartient complètement à son
environnement contrairement à ce que la philosophie Cartésienne nous a
fait croire durant des siècles. Leur pensée à ce sujet me semble
particulièrement inspirante et nécessaire pour nous orienter
dans notre époque actuelle qui assiste (passive) à la 6ème extinction de
masse.
C'est ensuite pour moi l'heure de prendre la route pour assister
au Carnaval, fête populaire dont les célébrations les plus
emblématiques ont lieu dans les villes de Guaranda et Ambato. La
première est le théâtre de lancés d'œufs et autres liquides collants en
tous genre- cela me rappelle les coups de vessie de vache lors du
carnaval de la Vega en RD. Au contraire Ambato est le théâtre de défilés
de chars faits en fruits et de fleurs. Cette fête est une action de
grâce de la ville symbolisant sa renaissance suite au tremblement de
terre de 1949 qui la laissa exsangue. Mon choix se porte sur la seconde d'autant qu'une
amie d'une de mes collègues m'y attend. Raquel m'accueille à mon
arrivée pour me trouver un hébergement avant d'aller assister à un
concert de différents artistes pop en vogue. Le genre de musique
romantique n'est vraiment pas mon préféré mais cela me met dans
l'ambiance. Ensuite j'ai droit à un tour des quartiers de night life de
la ville avant de rejoindre mon lit pour quelques heures seulement.
Lever aux aurores (5h du mat ?
) pour aller gentiment garder des places au premier rang du défilé qui
au lieu de 9h ne commencera qu'à 11h. Qu'importe, les déambulations plus
ou moins pacifiques (nous assistons à combat de chaises en plastique
assez affligeant) des vendeurs et des badauds sont réjouissantes à la
fois pour les yeux et les papilles car nous en profitons pour goûter chips de bananes plantains (chifles), glaces et autres ceviche de chochos.
Puis
commence le défilé officiel : d'abord honneur à la police nationale et
ses chiens d'élites affublés de robes (!) qui font quelques prouesses,
j'applaudis poliment même si je trouve le spectacle un peu grotesque et
dégradant. Les enseignes de la ville font elles aussi leur promotion à
grand renfort de pancartes publicitaires. Ce n'est qu'une fois le soleil
à son zénith qu'apparaissent les premiers chars allégoriques et les
troupes de danseurs et danseuses. Vêtu.e.s
de costumes tous plus chamarrés les uns que les autres, ils/elles
entourent les figures monumentales faites de fruits et légumes, de
céréales et de fleurs. Bien qu'un poil kitschouille,
c'est impressionnant! Seule ombre au tableau: chaque char a comme
figure de proue, une "reine de beauté" des cantons environnants, dont
les attributs sont allègrement commentés par les spectateur.trice.s...le machisme a encore de beaux jours devant lui.
Un repos bien mérité s'impose dans la maison familiale pour nous mettre à l'abris du soleil qui tape. Je fais la connaissance de toute la famille de Raquel, toute aussi accueillante. Sa sœur me propose de m'héberger chez elle le soir même. Proposition que j'accepte de bon cœur car une deuxième nuit d'hôtel à 40USD ne serait guère raisonnable au vu de mon non-salaire de volontaire.
En fin d'après-midi, j'ai droit à une visite guidée de la ville, de ses places bondées par les touristes nationaux et d'autres installations florale qui ornent les principaux monuments.
Pour terminer la journée, nous partons pique-niquer dans un mirador des collines environnantes qui surplombe la ville et ses lumières. Le spectacle est de toute beauté, j'ai l'impression d'avoir vécu tant de choses en si peu de temps, mais non cela ne fait que 24h que je suis à Ambato!