Alors comme on l'a dit dans l'article précédent, Puyo n'était initialement pas sur notre itinéraire. Mais suite à un contact par mail avec une agence de tourisme et une réponse rapide et pro de leur part, on a changé nos plans.
On se rend donc à Puyo. Un peu moins de 2h de route, rien d'insurmontable donc. Seule différence cette fois, sans le savoir on a réservé un bus "express". C'est à dire qu'il ne s'arrête à Banos que s'il y a du monde à prendre. Le mec du guichet où on a réservé, prévient donc le bus par téléphone qu'il y a de nouveaux passagers et reste près de nous pour nous indiquer quand le bus arrive.
"Il arrive !". Vite, vite, on charge les sacs et on grimpe, en 10 secondes c'est plié. La route est tout aussi express. Coups de freins, coups de volants, ravin. Rien de très rassurant. Une heure et demi plus tard, on est aux abords de Puyo mais comme pour Banos, il ne s'y arrête pas. Le bus nous jette à l'entrée de la ville, à la jonction entre 2 grandes routes. Un peu surpris et en dehors de la carte qu'on a sur le routard, on est un peu pommés. Un arrêt de bus est visible 200 m plus loin, on s'y rend. Avec l'aide d'une grand-mère tout à fait sympathique, le bus nous déposera en centre ville.
On y trouve un hôtel tout à fait correct, on s'allège et direction l'agence pour faire le point sur l'excursion. Le départ est prévu pour le lendemain à 5h. Essayage de bottes, explications, tout se passe bien. L'agence nous demande ensuite si on a quelque chose de prévu cet après-midi et a un deal à nous proposer.
Ils sont en train de mettre en place un nouveau tour et nous propose une après-midi gratuite de canoë si on accepte de tourner dans leur film promotionnel. Gratuit ils ont dit ? Où on signe ?
(pour cette partie, pas de photos, que des vidéos, elles viendront surement après)
En début d'après midi, le gars de l'agence vient donc nous chercher en camionnette. Nous ne sommes pas seuls, un homme qui semble être un des guides de l'agence, sa copine et un photographe nous accompagnent. Une demie heure plus tard, on est au bord de la rivière. L'équipement est fourni et ils sont tout content de voir qu'on a aussi une Gopro.
On se lance sur la rivière. Ca manque un peu de consignes de sécurité, mais d'après eux, ça descend pas beaucoup et les rapides ne sont pas dangereux. Très bien. On s'échauffe un peu sur une partie calme, quelques photos et un autre photographe et son ami japonais nous rejoignent. Tout le monde est là, on attaque les premiers rapides.
Ils surprennent tout le monde !
Alex : Carine reste bloquée au début, entre 2 pierres, avec le photographe. De mon côté, je prends de la vitesse mais j'arrive à garder l'équilibre. Je me dirige sur une pierre, sans le vouloir hein ! 180°, je me retrouve à l'inverse du courant, j'arrive à me remettre droit et je quitte les rapides.
Pendant ce temps là, la fille est tombée de son canoë, on l'entend crier. Le guide n'a pas réussi à garder l'équilibre non plus. On récupère tout le monde en un seul morceau un peu plus bas, mais tous bien surpris. On doit malheureusement faire le deuil d'une pagaie, celle du guide en plus, le comble.
La suite se passe globalement mieux, parce qu'on sait à quoi s'attendre, mais on n'est pas forcément rassuré.
Carine : Alex aura droit à sa chute aussi ! Et je suis la seule à ne jamais être tombée de mon canoë. Avec le recul, si j'avais su, j'aurais pas venu.
On arrive au bout. Au final on s'est bien amusé, mais content que ça se termine.
Deuxième jour, grand départ pour la forêt amazonienne. Levés à 4h30, l'agence nous récupère à 5h devant l'hôtel pour aller au terminal terrestre. Notre guide est déjà là. On fait sa connaissance, il s'appelle Luis, il est originaire d'une tribu de la forêt. Nous embarquons tous les 3 dans un bus tout à fait correct, avec 2 caisses de nourritures et 2 bidons de 5L d'eau. Petite particularité ici, il y a un range machette à l'entrée du bus, en effet, un gros panneau stipule bien que les armes sont interdites à l'intérieur.
Le trajet doit durer entre 2h30 et 3h et commence par de la route. Cela se complique ensuite, puisqu'on attaque les chemins. De bonne qualité au départ, mais plus on s'enfonce, plus la route est rocailleuse. On va même traverser une rivière avec le bus ! De nombreux ponts sont en construction sur le chemin, mais encore aucun n'est utilisable. Une des conséquences, c'est qu'on doit se croiser avec des gros engins de chantier. On sent l'expérience du chauffeur.
Au bout de 2h30, Luis interpèle le chauffeur qui nous dépose au bord de la route. Quelques mètres plus loin, on découvre les pagodes dans lesquelles on va vivre pendant 2 jours. Il n'y a personne. Luis part à la recherche des habitants, puis on voit arriver une tête, puis 2 et on fait finalement la connaissance de toute la famille.
Comme c'est environ 9h du matin, Louis se lance à préparer le petit déjeuner et nous propose d'aller visiter les environs. On a un peu le sentiment d'être mis à l'écart, on aurait bien voulu participer.
Le petit déj englouti (thé, pain et salade de fruits), direction la rivière !
Le programme de la journée, la pêche ! On embarque sur la pirogue et en avant. Nous sommes cinq. Luis, Raoul le père de la famille qui nous accueille, le fils aîné Raoul (aussi) et nous deux. Les locaux s'occupent de la navigation, chacun muni d'une grande tige en roseau. Luis nous explique que le courant n'est pas très fort ici, pas besoin de moteur, les bâtons suffisent.
On a un peu de mal à trouver notre équilibre. La pirogue penche assez vite dès que quelqu'un bouge, on n'est pas toujours rassuré mais ils ont prévu le coup en nous installant des petits bancs. De leur côté, ils sont tout à fait à l'aise. Equilibre parfait.
Pendant la descente, Luis nous montre les méthodes de tressage. Dans notre cas, on a fabriqué 2 couronnes pas très utiles, mais ce sont les mêmes techniques utilisées pour faire les toits des cabanes par exemple (voir une des photos précédente).
Après avoir positionné la pirogue dans un bras de la rivière, le long d'une parois rocheuse, les premiers hameçons sont lancés. Luis et les Raoul nous montrent comment faire, et remontent quelques poissons. C'est notre tour ensuite, mais c'est pas franchement une réussite. Sur la journée, autant l'un que l'autre, on aura rien attrapé.
La navigation reprend ensuite, et on descend plus bas le long de la rivière. Jusqu'à présent, on était emmitouflé dans nos bottes, pantalons longs et couvert d'anti-moustique parce qu'on savait pas trop à quoi s'attendre. Idem pour l'eau dont la couleur est jaune/vert et très opaque, on ne sait pas ce qui nage là-dessous.
Nouvel arrêt de la pirogue, le long d'une plage cette fois.
Luis: "Vous voulez vous baigner ?".
Grosse interrogation de notre part. Ca fait marrer Luis.
"Non, mais, il n'y a rien de dangereux ici !"
L'image qu'on avait de l'Amazonie vient un peu de se briser. Surtout basée sur la peur de l'inconnu. "En avant alors". On plonge depuis la pirogue avec le jeune Raoul et Luis, pendant que le père prend son filet pour aller pêcher dans des rapides un peu en amont.
A la fin de la baignade, petit cours sur l'anatomie des poissons de la part de Luis, et crasse-croute. S'en suit le début de la remontée de la rivière. Grosse erreur de débutant ici. Sur les conseils de Luis, pas besoin de remettre nos bottes. En effet, ça craignait pas grand chose. SAUF ! pour les moustiques. On s'était protégé de partout sauf le bas des jambes puisqu'on portait des bottes.
Erreur qu'on va regretter les 15 jours qui suivront, avec une moyenne de 30 piqures par jambes, et des démangeaisons bien plus importantes qu'avec les moustiques de chez nous. Dans notre malheur, ça nous aura appris la méditation et la concentration, parce qu'il en fallait pour pas se gratter !
De retour au campement, la famille est déjà en train de préparer le repas du soir, il ne manque que les poissons péchés aujourd'hui. Comme précédemment, seulement Luis mange avec nous et on continue de trouver ça dommage.
La discussion s'engage, on en apprend plus sur l'Equateur, les tribus et surtout sur Luis. Un personnage étonnant. Il est lui aussi originaire d'une tribu et nous apprend que son vrai prénom n'est pas Luis mais Kayak. Seulement, à l'époque où il est né, il était interdit aux tribus de déclarer leur enfant avec un nom de l'amazonie, il était obligatoire de donner un nom "hispanisé". Cela a changé depuis, mais c'est quand même assez surprenant.
Le repas arrive à sa fin. La famille apporte une boisson dans un grand bol, tout le monde y boit dedans. C'est le tour d'Alex, puis de Carine. La boisson est un peu acide, mais ça se boit. On est heureux de partager ça avec eux. C'est un peu comme le café de fin de repas chez nous.
Autre facette atypique de Luis, il est issu de 2 tribus. Les Quechua et les Achuar. Un parent dans chaque tribu, vous l'aurez compris. Inconcevable à l'époque ! c'est bien sur bien mieux accepté aujourd'hui.
Luis nous en dit plus sur la boisson qu'on est en train de boire. C'est à base de racines de yuca qui ont été mâchouillées par les femmes de la famille pendant plusieurs jours puis recrachées.
Alex : J'esquisse un sourire et mes yeux se portent sur Carine. HAHAHAHA 'tain la gueule avec son bol entre les mains ! Le frisson qui vient de lui passer dans le dos est quasi palpable !!
Carine intérieurement : "AAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHH!!!!"
Carine à haute voix: "Qu..Quoi ?! Je suis pas sur d'avoir compris, ça a été mâché ?"
Luis tout fier : "Oui exactement ! C'est une boisson ancestrale."
Carine intérieurement: "AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHH!!!!!!".
Ca fait marrer Luis et le père de la famille. Le repas se termine là dessus.
La nuit est tombée, Raoul nous demande de le suivre. On se rend dans le lac juste à côté pour voir les caïmans. Ils ne sortent que la nuit et passent la journée sous l'eau. Pas de photo ou de vidéo ici, parce qu'au final on ne voyait que des yeux rouges étincelants lorsqu'on pointait une torche sur eux.
On se rend ensuite à notre cabane pour passer la nuit. Matelas plastifiés au sol, moustiquaire au dessus, heureusement. Cela reste une des pires qu'on a passé, la moustiquaire nous a bien protégé, mais les piqures de la journée sont insupportables et le bruit que fait la forêt, assourdissant ! Pire qu'une zone de chantier en pleine journée.
Nouveau jour, nouvelle activité. Ce matin c'est rando dans la jungle. On y va un peu à reculons, entre la nuit peu reposante, les piqures, la chaleur, on est pas au mieux de notre forme. C'est la tête et la curiosité qui fait avancer le corps. On s'enfonce donc dans la forêt avec notre guide et Raoul.
Heureusement, Luis connait bien son travail et les lieux. On fait beaucoup de pauses pour avoir des explications et on a même le droit de manger des purs produits de la jungle : canne à sucre, écorces... Les goûts sont variés ! La canne à sucre est pleine d'eau, c'est très désaltérant. L'écorce quant à elle est très amère, mais ils s'en servent surtout pour faire un alcool.
A un moment, on comprend pas trop ce qu'il se passe dans la tête de Luis. Il empreinte la machette de Raoul et commence à mettre des grands coups dans un arbre. Ca y est, la chaleur l'a eu ! Après quelques coups l'arbre tombe. Luis continue à mettre des coups dans le haut de l'arbre et à le décortiquer. Quelques secondes plus tard, il revient vers nous et nous tend quelque chose : des coeurs de palmiers ! Frais ! Qu'on peut manger comme ça. C'est hyper bon ! Rien à voir avec les trucs en boîte dégueulasse qu'on mangeait à la cantine petit.
La rando continue, il fait chaud, trop chaud. On arrive à une petite cascade. Rafraichissant. On finit les coeurs de palmiers et retour au campement. C'était dur mais intéressant, finalement heureux d'avoir vu tout ça.
Après la rando, nous mangeons notre dernier repas au campement. On teste les sarbacanes, photos de groupe et on ramasse nos affaires. On se place au bord de la route pour attendre le bus. Il n'y en a que 2 par jour, le premier étant déjà passé, il ne faut pas qu'on rate celui là. Bien sûr, un orage éclate ! Et on se retrouve à attendre sous une pluie diluvienne. Le bus a du retard, quasi 1h à attendre comme ça. Mais ça va, la pluie est chaude ici.
Le bus arrive. Il est déjà quasi plein. Autant à l'aller, c'était un bus de qualité, autant là, on sent que la jungle lui en a fait voir de toutes les couleurs. La porte s'ouvre, on est accueilli par le chauffeur. (Débat interne ici pour savoir comment l'appeler, pour Carine le prénom de Carlos lui va bien, de mon côté c'est plus Oscar).
Bref, Carlos/Oscar nous accueille. Un bon mètre quatre-vingts, 110kg, torse nu. Les deux mains sur le volant bien à 10h10. On a droit à un sourire, un peu niais, qui fait bouger ses oreilles. Il ne lui manque pas de dents, mais ça aurait été pareil. Sur le dossier de son siège, il y a un boulier, comme on peut trouver dans les voitures des grand-pères. On s'installe sur les 2 places restantes derrière lui. On a droit à sa silhouette de dos. Il a pas de cou et ses lobes d'oreilles touchent quasiment ses épaules. Ca sent l'essence. En effet, une quinzaine de bidons nous séparent du chauffeur. Ils sont vides heureusement.
C'est parti ! Le bus est adapté pour les chemins. Les suspensions sont très souples. On rebondit dans tous les sens. Oscar/Carlos ne bronche pas lui. Il fait corps avec son bus. Ca roule vite, très vite. Carine est blanche. Il n'y a plus de place dans le bus, mais il continue de se remplir. Sauf quand Carlos/Oscar n'a pas assez de distance de freinage pour s'arrêter et prendre les gens.
Le collègue du chauffeur, celui qui fait payer les gens, ne fait pas rire non plus. Un physique plus classique mais un sacré caractère. A un moment, quelqu'un ne voudra pas payer le prix annoncé, on va le voir foncer dehors, machette à la main, pour faire comprendre ses arguments. Je pense que l'homme en face a payé. Soit en monnaie, soit avec un doigt tranché, mais il a payé.
Deux heures plus tard et un accident évité de justesse avec une moto, nous voilà arrivés. On est heureux. Et en vie surtout.
Le bus se décharge, des dizaines de bidons étaient attachés sur le toit. En fait, les habitants de la jungle se rendent à Puyo pour acheter de l'essence. Plus de 4h aller-retour pour faire le plein. On se rend pas compte de la chance qu'on a chez nous.
Comme nous n'étions que tous les deux avec la famille (pas d'autres touristes), j'avoue qu'on en a vraiment profité ! Pas un moment de répit, ils ne nous ont pas lâché... de gros progrès en espagnol, obligé ! Et pour la chicha, heureusement je ne l'ai pas su avant... vous aurez beau tous vous foutre de ma gueule, mais moi au moins je l'ai fait !! Qui peut en dire autant :)