Au matin, quand je me suis réveillé dans mon 90m² où je pouvais accueillir l'équivalent de tous les gens qui m'ont accueilli généreusement chez elles et eux depuis le début du trajet (Luise, Leonie, Benoit, Tabea, Sonja, Svenja, Sandra, Romana, Gunbritt, Lennart, et j'ai même encore une place bonus au cas où), quand je me suis réveillé, dis-je, j'ai remarqué une petite instruction qui m'a amusé, écrite à même le mur.
Ok mais de quel bois parle-t-on ? Un petit dézoom s'impose.
Et si on se recule encore un peu ?
Après avoir soigneusement évité d'éclabousser le plan de travail (qui apparemment ne sert pas à ça), j'ai pris la route pour racheter une chambre à air dans un magasin où, semble-t-il, le mécano ne s'était pas levé du bon pied (mais y en a des bien hein !), puis j'ai dit au revoir au Vänern, ce lac majestueux..
Après c'était parti pour presque 100 kilometer sur une piste qui ressemble à s'y méprendre à un ravel (aussi une ancienne voie de chemin de fer). Bientôt, peut-être qu'on laissera les voies de chemin de fer tranquille et que les anciennes routes pour voiture deviendront des ravel, me dis-je plein d'espoir.
Sur la route j'ai croisé plein de nouveaux amis comme des lacs.
Et un champignon tellement mignon que je me suis arrêté. Puis j'ai repensé à ce que m'a dit quelqu'un au téléphone. "Ne nous fais pas un Into the Wild hein".
Je me suis arrêté sur l'une des nombreuses aires de véloroute qui parsèment le trajet. Même si la table est un leurre: la nourriture, c'est nous. C'est notre sang. Pour les moustiques bordel il y en a plein je repars.
Après je suis passé sur un très joli ancien pont avec plein de belles armatures métaliques.
Puis re un joli lac.
Ah oui promis il se passera des trucs à un moment !
Alors après j'ai essayé de faire des photos pour mamy en calant le téléphone sur le vélo et en mettant le minuteur. Du grand art.
Las de ces expériences photographiques approximatives, je repris ma route. Et là je suis passé devant un lac avec la plus jolie petite aire de picnic que j'ai vue de ma vie.
Ah je vous avais parlé des boites au lettres mignonnes ? Plein de gens ont ça à la campagne, ils construisent un petit abri choupinou pour leurs boites aux lettres, et souvent un autre truc à côté que j'ai pas encore compris à quoi ça sert.
Après un café et encore 40 kilometer (oui, j'avance à mon rythme), je suis arrivé à Ekshärad, dont l'église dénote. En voici une photographie pour vous faire une idée sur ce bâtiment resplendissant de rougeur.
Je pousse enfin la porte de l'hôtel. Un vieil hôtel comme on en voit plus trop. Moquette partout. Bibelots. Vieilles peintures sur les murs. J'apprécie cet atmosphère si rare dans les établissements neufs et blinquants. Ici, ça sent un peu le film en noir et blanc et le voyageur de commerce. Sophie, la tenancière à tout faire, m'accueille à la réception, me montre ma chambre, me propose de prendre le petit déjeuner le lendemain, et surtout, puisque je dois apprendre le suédois, m'indique qu'elle essaierai de parler uniquement suédois, mais lentement. Délicate attention.
Elle me montre aussi le salon commun. Sol garni d'un ancien tapis, télévision diffusant quelqu'émission suédoise, lampe à pied. Une table surmontée d'un luminaire occupe fièrement toute une partie de la pièce. Un miroir sur un mur donne une impression de profondeur et divers cadres, assez éclectiques, en habillent les murs crèmes. Il n'y a pas trop de lumière et je m'y sens déjà bien.
Après une douche nécessaire, je vélote jusqu'au magasin du coin de la rue en face de l'église pour acheter quelques légumes. Je reviens les déguster dans la salle à manger, tandis que Sophie me fait la conversation. Elle est contente pour moi qu'il ne pleuvra pas demain. Elle adore Bruce Springsteen qui passe en fond dans la cuisine. Elle vient de Göteborg. Oh, c'est sa chanson préférée de Bruce qui passe. La salle à manger est remplie de plantes en pot. Elle me propose d'en emmener une si je le souhaite, elle en a trop. Elle dit qu'elle a déjà hébergé des Néerlandais, des Espagnols, des Suisses. Jamais de Belge avant. Puis elle m'indique que dans deux semaines elle part.
Je m'enquière de sa destination et de la durée de son départ.
Elle rentre à Göteborg. Elle arrête l'hôtel. C'était un rêve qu'elle avait eu. Mais finalement elle va reprendre son ancien travail. Elle espère parvenir à vendre l'hôtel. Mon cœur se serre un peu et je me sens triste. Comme d'être dans un endroit agréable qui bientôt n'existera plus.
Elle me propose d'emmener, demain, un peu de linge de lit et un essuie supplémentaire. Si j'ai de la place dans mes sacoches ça sera avec grand plaisir: je devais acheter des draps à Malung, voilà au moins quelque chose de réglé. Et qui me permettra d'emmener avec moi un petit bout de cet hôtel, sorti du passé, au milieu du comté de Värmland, tenu par Sophie, qui aimait Bruce Springsteen et qui avait eu un rêve.