Nous en profitons également pour chouchouter notre Mutine, lui commander une jolie trinquette toute neuve de 20m² taillée dans un génois en surplus (merci Oscar dit "Pato" pour ce beau boulot!), achetons et préparons les haussières flottantes (225m à couper en deux et à lover contentieusement pour assurer l'amarrage dans les caletas des canaux de Patagonie), nous ravitaillons en bidons pour doubler les quantité d'essence transportables par la Mutine (nous passons d'une autonomie de 400 à 800L de gasoil) et achetons évidemment de la bouffe en quantité, dont on mettons une partie sous vide grâce à notre super machine !
Il n'y a plus qu'à aller affronter les 1000 milles de vents costaux et de mer généreusement houleuse de la pointe australe de l'est du continent sud américain. A nos yeux, ici commence le vrai challenge de notre voyage. Pour ma part, l'excitation dépasse de loin la peur qui devrait peut être me prendre ; j'ai hâte d'en découdre avec Poséidon et de me fondre dans le mythe de cette région australe. J'ai confiance en mon glorieux et sage capitaine et ai pu constater depuis qqs mois déjà que notre Mutine se comporte excellemment dans le gros temps. Elle n'a, jusque là, jamais montrée signe de faiblesse (et je crois bien pourtant que nous avons déjà mangé du gros temps!).
Trêve de galéjade : Cap vers le détroit Lemaire !
C'est donc l'âme refaite que nous quittons l'Eden pour affronter les tempêtes. Après de tels spectacles, les gros coups de vents - déjà deux sessions de 4O noeuds de vent au près pendant douze heures - les yoyos du baromètre et la perte de 15 degrés de température extérieure, ne sont plus qu'un souvenir. Nous savons que la fin de la descente ne sera pas une partie de rigolade, mais nous sommes désormais certains que ce sera très vite éclipsé par les incroyables cadeaux de Dame Nature !
Au fur et à mesure de la descente, nous serrons un peu les fesses : le vent ne descent jamais sous 20-30 noeuds et notre belle trinquette trinque dur sous les rafales. Un oeillet montre des signes de faiblesse : il commence à se déchirer et il va falloir se débrouiller sans cette aide essentielle. Lorsque le vent est portant, nous avalons les milles vitesse grand V mais il a tendance à tourner comme bon lui semble. La navigation sous notre énorme génois est donc éreintante car il faut sans cesse être prêts à rouler, dérouler, renrouler ce mastodonte sous peine d'arracher tout le gréement...
Lemaire se rapproche et ce détroit est réputé pour lever une houle massive (jusqu'à 10 mètres) lorsque le courant est contraire au vent. Nous avons (merci Hervé pour ton logiciel!) des infos précises sur les horaires des marées et observons depuis plus de 15 jours que le vent vient presque constamment du Sud dans le détroit, et, malheureusement pour nous, ne présente pas de phases d'accalmie. Il faudra donc passer à l'acmé du courant descendant et le plus au centre possible du détroit. Nous calculons au mieux et calmons les ardeurs de la Mutine pour arriver à ce qui nous semble être le meilleur moment pour affronter ces 16 petits milles mythiques. Nous le passons sous une nuit d'encre, vent aux 60°/80° à environ 20 noeuds, et l'avalons en 2h à peine. C'est grisant bien que nous soyons déçus de ne rien y voir ! La météo prévoit une chute du vent et nous sommes donc confiants !