(suite du récit "Argentine"...)
Evidemment, le passage n'est pas célèbre pour rien ! Et, la suite
des évènements nous remet bien vite à notre place. A la sortie du
détroit, le vent - censé diminuer - s'intensifie de plus en plus.
30-35 noeuds au près auxquels s'ajoute un courant croisé (vennant
ouest et sud) et doublement contraire à notre trajectoire est- nord
est, et qui lève une grosse houle de 6 bons mètres ! Nous n'avons
plus de trinquette pour nous aider au près, nous sommes passablement
épuisés de la navigation antérieure et, fait encore plus alarmant,
nous n'avons presque plus de gasoil ! Il est assez désespérant de
se sentir si proche de son but et de voir qu'il est en train de nous
glisser entre les doigts ! Clairement, nous n'avons pas prévu de
rejoindre l'Anatartique et n'y sommes en rien préparé, sans
chauffage, protection extérieure ni gasoil. C'est pourtant là-bas
que semble vouloir nous envoyer Neptune ! La nuit noire et le froid
mordant ajoute au côté dramatique de la situation.
Nous
ne savons plus trop comment, mais nous avons finalement réussi à se
réfugier au sein d'une baie. Son petit nom, c'est Baia Aguirre ; et
malgré le soulagement qu'elle nous apporta initialement, elle
restera pour nous la "Baia INFERNA" ! Située à l'extrême
sud du continent, elle apporte un mouillage de très bonne tenue mais
ne protège en rien d'un vent qui ne semble jamais enclin à la
modération. La météo nous promettant un bon 40 noeuds au mouillage
le lendemain, nous tentons un départ, à minuit sous une nuit sans
lune ni étoile. Il est censé y un peu de vent au travers, pas plus
de 10 noeuds et de quoi rejoindre la fin du canal de Beagle.
Finalement, on se prend 30 noeuds au près et après 2h d'effort et
qqs 300 petits mètres parcourus, nous sommes obligés de rebrousser
chemin, les réservoirs de plus en plus vides…
Les
40 noeuds prévus arrivent : l'antre de la Mutine est bien
silencieuse lorsque nous lisons jusqu'à 67 noeuds à l'anémomètre.
Le vent rugit dans les haubants mais Mutine ne dérape pas, bien
empennelée (deux ancres mises but à bout) par son prévoyant
capitaine. Tant mieux, nous sommes entourés de caillasse acérée et
savons ben qu'aucune aide ne pourra nous être apportée dans ce bout
du monde ostensiblement inhospitalier...
Le
salut se présente à nous sous la forme d'un voilier nommé Rana
dont les braves passagers - qui font route opposée à la notre, vers
les Malouines - nous dépannent de 20L de gasoil ! Libération ! Nous
levons l'ancre le lendemain à 5h et quittons l'enfer pour les
beautés du canal de Beagle !!