Le jour levé, la troupe retrouve sa sérénité et se laisse préparer dans un le plus grand calme, y compris Limon, sur qui nous parvenons à dresser sans difficulté le bat à la force de nos quatre bras gringalets.
Nous quittons le lieu des frayeurs, Barbara avec Loco et Limón, Alex à pied avec Pandora, et reprenons la route, dans l'espoir de trouver une pâture dans laquelle notre jument pourra se reposer jusqu'à son rétablissement. Son postérieur gauche est enflé et semble être douloureux, mais elle marche sans boiterie. Nous espérons tout de même ne pas avoir à faire trop de route avant de tomber sur une ferme... Après une traversée du fleuve Rosario chaotique-qui nous aura valu une traversée humide et le mouillage de nos passeports soigneusement rangés dans les bananes que nous portons à la taille (comme quoi, rien ne sert de chercher le style en voyage !)- nous croisons un gaucho qui nous oriente vers la "casa rosada". La chance nous sourit, puisque nous tombons, à quelques centaines de mètres, sur l'aimable propriétaire de la dite demeure, Amalia, de son prénom. Elle appelle son fils, Pantxo, dans la minute, et ce dernier accepte d'héberger nos chevaux dans l'un des enclos dans lesquels il élève ses propres pasos péruviens.
Nous ne trouvons qu'hospitalité, solidarité et amabilité dans cette famille cultivatrice de tabac, qui nous offre son aide et le logis avec la plus grande bienveillance. Alejandro San Milian, le père, ancien membre du gouvernement provincial de Salta, nous fait le plus chaleureux des accueils. Quant au gaucho croisé sur le chemin, il se prénomme en fait Rubén et s'occupe des chevaux de la famille. Il nous aide à prodiguer les soins et les injections d'anti-inflammatoires salvateurs nécessaires au rétablissement de Pandora. Pas très à l'aise avec l'intraveineuse que nous n'avons pratiquée qu'une seule fois l'an dernier, nous nous en remettons entièrement à Rubén, à ses gestes sûrs et professionnels. Le lendemain matin, nos chevaux sont occupés à dévorer une botte de luzerne séchée que l'un des employés leur a généreusement donnée. A force de piqûres, de pommades, de bandages et d'une petite visite vétérinaire, notre jument se remet doucement sur pied et ses tendons désenflent à vue d'œil.
C'est le dimanche de Pâques, et la famille San Milian nous invite à partager un agneau a la cruz en compagnie de cousins, dans une ambiance festive et chaleureuse. Ce moment de partage avec cette famille du cru, prête à nous aider dans tout, est sans égal et réchauffe notre cœur attristé par la blessure de Pandora. L'amour partagé des chevaux crée sans aucun doute des affinités naturelles ! Nous faisons notamment la connaissance de Luis Patrón Uriburu, un chic monsieur, bon-vivant, à l'humour et à la conversation faciles. A l'occasion d'un passage dans son village de Chicoana, sur invitation de sa très sympathique fille Verónica, nous découvrons sa magnifique finca, au jardin anglais impeccablement tenu par son épouse aux mains magiques. Les yeux de Barbara brillent devant les éperons, mors, bidons incrustés d'or et d'argent, hérités des aïeux cavaliers de Luis, posés dans les vitrines de son salon. La tradition se transmet et vit à travers ces familles du cru. Mais elle se fait également auprès d'étrangers comme nous, curieux et avides de découvrir ces mythiques legs argentins. En témoigne la boina gentiment offerte à Alex par Luis, le fils cadet.
Pandora s'est rétablie, nous entreprenons donc notre départ jeudi matin. C'est sans compté l'appétit des bergers allemands pour les cuirs graissés... La veille du départ, nous découvrons, consternés, les sangles de l'une des selles complètement rongées par ces gloutons de chiens, et du coup, inutilisables ! Le soucis n'est que passager, puisque c'est de nouveau un gaucho qui nous vient en aide. Un dénommé Gringo Mamani, qui nous apporte sangle et corriones et, ni une ni deux, notre selle est réparée !