Ce matin. Petit déjeuner. "Bien dormi", m'entends-je adresser. "Oui", réponds-je la bouche pleine. "Tu n'as rien entendu ?". "Entendu quoi ?". "L'alarme incendie qui a hurlé à 1h du matin à côté de ta chambre". Heureusement que c'était une erreur. Faut dire qu'avec toute cette pluie je dors tranquille..
Vers 10h30 à la faveur d'une accalmie, je me mets en route. Et je repense à Tom, qui avait déjà préfiguré ma prochaine destination: Maribo (peut-être ne l'avais-je pas bien compris, à l'époque). Je fais rapidement une halte ravitaillement (que j'appellerai la halte bananes jus d'orange) et me remets en route.
Je passe à travers une ville portuaire qui me donne l'impression que, ça y est, je suis à la mer.
11h, la pluie se met à tomber. Les cyclistes sont serrés
sous les abribus. Les badauds brandissent leurs parapluies colorés, pour
faire croire encore aux naïfs qu'il y a un peu de soleil à cette
période de l'année dans leur ville humide. Les essuies glaces
surchauffent et peines à assumer pleinement leur mission. Les camions
éclaboussent les cyclistes téméraires qui tentent une percée désespérée à
travers la große Regen (neine, kleine Regen bitten, danke).
Mon manteau imperméabilisé tient 15 minutes.
14h, j'ai la dalle, je m'arrête sous un abribus non habité. J'y comble ma faim. J'hésite à y étancher ma soif, l'étanchéité relative de mes vêtements s'en est déjà chargé par les orifices poreux de ma peau, certainement adoucie par la pluie régionale connue, j'espère, pour ses bienfaits dermatologiques. Puis j'attends que ça passe. Avec vue sur une chaumière dont les Allemands ont toujours le secret.
15h, la pluie cesse. Le radar de
pluie m'indique un trou dans les nuages. Si je roule assez vite,
peut-être m'accompagnera-t-il jusqu'au ferry ? Offrira-t-il à la fin de mon parcours germanique le soleil qui lui a tant fait défaut ?
Fait notable, outre le ciel qui s'éclaircit, mon GPS décide de m'emmener dans des petits sentiers pittoresques et boueux dont j'avais presque oublié l'existence.
Dans une ville un peu plus loin, je croise Excalibur qui a été retirée du rocher puis clouée dessus pour nous narguer.
J'arrive ensuite non loin du pont qui permet de passer sur l'île de Fehmarn. Je me souviens qu'on m'a indiqué qu'il fallait passer par une petite porte, puis suivre un couloir cycliste très étroit que t'espère vraiment croiser personne sinon c'est dur surtout avec des bagages comme les tiens. En effet.
Et vu que d'autres cyclistes, m'ayant pris pour leur guide, me suivaient de près, je n'ai pas pu m'arrêter dans ce coupe-chambre à air pour prendre de jolies photos de la mer alors voici une photo avec un bout de doigt dans le cadre.
Plus j'avance, plus le ciel est bleu. Je remarque que le ferry n'est plus qu'à 12 kilomètres et qu'il me reste 35 minutes. Par un rapide calcul, je me rends compte que c'est tout à fait possible de l'avoir en roulant à 25 km/h, avec même une petite marge. Commence alors un sprint effréné.
Sur les pistes cyclables, je me sens un peu comme Eddy Merckx qui part en vacance.
Je suis le Tom Boonen qui dois fuir l'Allemagne.
Je pousse sur mes jambes, je dépasse les quelques malheureux cyclistes qui se trouvent sur ma route.
Je pense à Tom et à Pierre-Antoine qui seraient épatés par une si belle performance.
Je respire, il ne faut pas flancher. Plus que 5 kilomètres.
J'aperçois la mer. J'ai encore un peu de temps.
Ça y est, j'arrive sur la côte.
Mais c'est pas du tout le ferry port. Qui est à 800 mètres d'ici.
Je m'y presse.
"Vous êtes bien à l'heure, vous serez dans le prochain départ, le ferry vient de partir."
Bon.
Le prochain départ c'est dans 30 minutes. Ça reste acceptable. Je me mets dans la file adéquate et j'attends patiemment qu'on m'indique où je dois me rendre.
Guidé par un grand chef, je me rends, à la suite des voitures, dans la cale du bateau qui m'éloignera des côtes allemandes. J'y découvre avec joie la quiétude et la sérénité qui règnent en maitresse dans les ponts inférieurs de ces ferrys que je n'avais, jusqu'alors, jamais emprunté que comme piéton.
Je décidai, après avoir savouré ce petit moment hors du monde, de monter sur le pont pour saluer la mer, saluer l'Allemagne, et m'installer un petit bureau temporaire où taper mon journal de bord du capitaine, année stellaire 2023, nous venons de quitter l'Allemagne.
Arrivé au Danemark une petite heure plus tard, je suis heureux d'essayer leurs fameuses cykelsti i topkvalitet. C'est correct.
L'itinéraire me fait traverser des chemins d'abondance fruitière sans nom remplis de pommes, de prunelles et de mirabelles sur des kilomètres. Il a fallait beaucoup de courage pour ne pas m'arrêter tous les 10 mètres pour dévorer ces fruits délicieux !
Arrivé à Maribo, je me dis que c'est bon la vie, et je croise le vélo du roi d'Allemagne. Enfin je pense.
Puis je pense à mon propre vélo, qui n'est pas si propre. Arrivé à mon hébergement, je pose comme une urgence cruciale de laver ma monture. Pour que Pierre-Antoine arrête de me hanter.
Voilà qui clôt ma traversée de l'Allemagne ! La suite de mon voyage sera disponible sur un autre blog (j'ai atteint ma limite de photos ici !) qui sera publié dans quelques jours et dont voici déjà le lien en esclusivité: https://www.blog-trotting.fr/voyage/danemark/27686-maribo-maribo