Jour 2 - Uyuni, le désert de sel

Publiée le 21/09/2019
Nous partons pour trois jours de visites autour de Uyuni et de son paysage atypique.

Le trajet en bus de nuit se passe très bien. Le chauffeur roule normalement et fait des pauses. Le bus est confortable ; même s’il ne s’agit que de sièges inclinables, ils sont larges et accompagnés d’une couverture. Il y a le chauffage, des toilettes et des prises pour charger son téléphone. C’est pour le moins royal, comparé à l’avion qui nous a amenées de Madrid à La Paz. Aucune prise usb, des écrans minuscules au milieu des allées, grésillants, sur lesquels était projeté le même film sans sous-titre. Sans mentionner que l’image sautait toutes les 20 secondes et qu’il n’était pas certain que le film soit en couleur. D’un autre côté, c’était un bon moyen pour dormir pendant les 13h de voyage.


Arrivés à Uyuni, la température est fraîche mais pas insurmontable (8 degrés) et il fait un beau soleil qui chauffe si on s’y attarde. Nous sommes récupérées par un chauffeur de la compagnie de voyage avec qui nous allons passer les trois prochains jours. Il nous amène nous inscrire pour notre petit voyage et nous nous retrouvons avec deux heures à tuer dans un village désertique.


Uyuni, c’est plat, lumineux, venteux et rouge de poussière de brique. Les rues sont larges et terreuses, les voitures qui s’y trouvent sont des grosses Jeep qui partent faire des traversées du lac de sel ou des vieilles Peugeot abîmées par le soleil. S’il n’y avait pas ces véhicules, on y verrait aisément des chevaux, des cow-boys et des boules de branchages séchées rouler au milieu du village à chaque bourrasque. Un vrai décor de western, avec toujours ces chiens couchés ça et là le long de la route ou à l’ombre des quelques constructions en briques. On lit quelques enseignes « restaurante », « café », des petites boutiques vendent des bouteilles d’eau, des sachets de banane séchée, des chips. Nous allons donc prendre un petit déjeuner dans le café voisin de l’agence de voyage avant de partir pour les premières visites.


Nous nous retrouvons sur le site d’une ancienne station ferroviaire abandonnée, les rails encore bien ancrés dans le sol et filant à perte de vue de part et d’autre du site. Il s’agit du cimetières des trains qui servaient autrefois (années 1825) à exporter les minerais vers les villes et pays voisins (notamment vers le Chili). Depuis la modernisation et particulièrement depuis les années 1870, les trains à vapeur ont été remplacés par les locomotives, créant ce no man’s land digne d’un décor de film.


Nous repartons maintenant en direction du Lac de sel. Nous nous arrêtons devant une vieille maison avec une porte en bois et la vieille femme ridée qui y habite est celle qui nous a préparé les repas pour midi. Il paraît qu’elle s’appelle Elisabeth. Ce qu’elle nous a préparé sera fameux, nous le découvrirons plus tard, avant d’atteindre le Salar : des légumes, de la viande, des fruits... nous ne finirons pas les plats tellement les portions sont copieuses.


Nous passons dans le village de Colchani, qui fait de l’artisanat avec le sel du lac. Une jolie petite église pimpante, blanche et ocre, se dresse entre deux maisons de briques rouges, inachevées, sur le bord de cette route de terre. Je me serai bien arrêtée quelques minutes pour faire un croquis ; nous ne faisons que passer. Nous nous arrêtons plus loin à la limite du Salar, pour le repas préparé par Elisabeth. Héloïse a le mal de l’altitude, une barre au front et l’estomac noué ; elle ne termine pas le repas et enchaîne les petites siestes pendant les trajets, pour faire passer le mal de crâne et l’envie de vomir. Croisons les doigts, je ne suis pas fatiguée, je n’ai pas froid, je mange bien (comme d’habitude !) et la petite pression que j’avais sur les tempes en arrivant à 7h ce matin s’est dissipée en deux heures.

L’horizon est de plus en plus blanc. La luminosité pique les yeux. Quelques montagnes sombres de la Cordillère Volcanique se dressent loin au fond entre ciel et sel comme pour indiquer où se trouve la limite de cet horizon lisse. Tout est net, pas un nuage, juste un peu de vent pour ne pas avoir trop chaud. Au sol se dessinent des craquelures comme des alvéoles, le sol est poudreux et humide.

Nous prenons le temps de regarder. De sentir l’air salé. Ce sont douze mètres de couches de sel qui se superposent sous nos pieds, pour nous offrir une carte postale à perte de vue. Quelque part sur cette étendue trône l’île des cactus. Ils grandissent de 1cm par an, et cette île est couverte de cactus de plus de 20m. Le sel aurait été du sable, rien de surprenant. A ceci près que la roche sur laquelle reposent ces cactées est volcanique. Noire, crayeuse, elle décolle l’île de son support blanc immaculé et donne l’impression de la faire flotter. Ces moments de contemplation incroyables nous mènent tranquillement vers le coucher de soleil, superbe, multicolore, tiède. C’est le moment que choisit le chauffeur pour regonfler une dernière fois les pneus de la jeep avec une pompe à vélo : plusieurs fois dans la journée, il aura adapté la pression des pneus selon l’adhérence du sol (sel, sable, terre, bitume).

Nous reprenons la route jusqu’à l’auberge où nous passerons la nuit : une auberge de sel. La nuit commence doucement à tomber, nous quittons le Salar pour rejoindre une autre étendue aride de sable qui l’entoure. Le trajet est long, Héloïse va mieux, on lui a donné des feuilles de coca à mâcher ; elle s’endort dans la jeep.

La route n’est tracée que par les roues des véhicules qui y passent. A droite, un paysage de volcans rocheux sombres, couverts de cactus se détachant en ombres chinoises sur le coucher de soleil rose-orangé, comme autant de croix dressées pour souligner l’ambiance lugubre du lieu. A gauche, une étendue désertique de sable clairsemée de bosquets secs s’étire jusqu’à la bande blanche du Salar qui marque la ligne d’horizon. La nuit et ses étoiles poussent progressivement le dernier rayon de lumière derrière les montagnes. Elles se découpent parfaitement encore pour quelques minutes, avant que la lumière ne disparaisse complètement et que la nuit ne recouvre sans distinction la totalité du paysage.

Le trajet se passe en silence, seuls résonnent les cailloux et petits rochers qui rebondissent contre les roues de la voiture. Il fait nuit maintenant. De temps en temps, un nuage de poussière apparaît au loin suivi de deux feux fouges ; une voiture sortie de nulle part et qui disparaît aussitôt en silence. On voit surgir dans les montagnes des îlots lumineux, je suppose que ce sont des villages où peut être seulement un regroupement de 2 ou 3 maisons ; ce n’est de toutes façons pas là que nous allons, manifestement. Le trajet dure plus d’une heure. Cahotant ainsi en silence dans la voiture, j’ai l’impression que nous sommes des clandestins qui sont sur le point de franchir la frontière mexicaine ! Ou alors, les derniers survivants d’une une attaque zombies, en quête de nourriture...

Nous finissons par arriver dans un grand village, dont les rues éclairées faiblement laissent quand même deviner un agencement de maisons de bonnes factures. Nous nous arrêtons devant la porte en bois de l’une d’entre elle : à cette heure-ci, difficile de distinguer que tout est construit en sel...! Une belle salle commune centrale propose des tables et des chaises tailles dans des blocs de sel, le sol est en gros sel concassé jusque dans les chambres, ça crisse sous nos pieds lorsqu’on marche. De belles tentures et des tableaux ornent les murs, plusieurs portes numérotées font le tour de la piece : ce sont nos chambres. Nous sommes deux par chambre, les lits sont confortables et avec plusieurs couvertures, on a même un sac de couchage supplémentaire au cas où. L’endroit est très accueillant. Pour notre troisième nuit (première dans l’avion, deuxième dans le bus de nuit), ca fait du bien de dormir dans un « vrai » lit, même taille dans un bloc de sel. Le repas est servi chaud, les douches ont aussi de l’eau chaude. Profitons-en, il parait que là où nous dormons demain, il n’y aura pas de douche !

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