Première étape : l'achat du billet. Bienvenue dans les méandres de la bureaucratie indienne ! Vous souvenez-vous de "la maison qui rend fou" dans les 12 travaux d'Astérix ? Bon, on exagère un peu... mais pas tant ! Avec ses 1,5 millions de salariés, l'Indian Railway est le deuxième employeur de la planète ; autant vous dire que trouver le bon interlocuteur est parfois un véritable casse-tête !
Une fois le précieux sésame en main, l'aventure commence ! Le numéro de voiture correspond à la classe de transport. Ces classes, généralement au nombre de huit, sont à l'image de la société indienne : hiérarchisée, codifiée et complexe. Nous avons pris l'habitude de voyager dans la classe standard, car l'âme de l'Inde s'y exprime pleinement, sans tabou ni artifice.
Après avoir répondu une dizaine de fois à la question "where are you from", le premier soubresaut des roues annonce le départ du train. Les retardataires peuvent aisément monter en marche car les portes - quand il y en a - restent ouvertes durant le trajet.
À bord, on échange des histoires, on chante, on rit, on partage un repas... et tout simplement... on vit ! Chaque trajet n'est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Les paysages changent progressivement, des plaines brûlées par le soleil aux bananeraies et rizières verdoyantes, en passant par les déserts rocailleux peuplés de tribus nomades. On se met alors à rêver un peu, avant de s'endormir, bercé par le cliquetis des rails ; tantôt réveillé par un vendeur de clés à molette souhaitant faire bénéficier le wagon de l'affaire du siècle, tantôt réveillé par un voyageur essayant désespérément de faire monter une chèvre à bord.
Les voyages peuvent durer 20, 30, parfois 40 heures, et illustrent à merveille l'une des différences fondamentales avec l'occident : le rapport au temps. Généralement vécu en Europe comme une contrainte qu'il fait maîtriser, le temps a ici une souplesse que nous ne lui connaissons pas.
C'est assez déboussolant (et parfois irritant...) les premières semaines, mais au final, l'impression de voyager dans un poème d'Horace au rythme de l'aphorisme Carpe Diem est absolument délectable, et ouvre une nouvelle fenêtre sur l'Inde, fascinante, mystérieuse et éternelle.
Les premiers rayons du soleil pénètrent à bord des interstices des volets en bois, les ronflements des passagers se sont envolés, une légère odeur d'oignons frits se faufile à travers le wagon... c'est l'heure du petit déjeuner !
Après quoi nous arrivons à destination. C'est avec une certaine nostalgie que nous saluons nos compagnons de route ; magie des destins croisés... Une fois sur le quai, un vieux réflexe occidental nous amènerait à dire : "la vie reprend son cours". Mais en Inde, celle-ci ne s'arrête jamais...
Merci pour ce partage que j'ai "pris le temps de lire"
Ces lignes nous emportent sur les rails du chemin de fer indien et nous donne le temps de vivre pleinement le présent à vos cotés (par procuration et avec un temps de décalage :-) )
Bises à vous deux,
Bonne continuation et à bientôt :-)