Malgré le gros orage de la nuit, j’ai dormi comme un bébé. La tente a prouvé son étanchéité. Par contre, nous la replions trempée, ce qui l’alourdit considérablement : pas de chance pour cette étape déjà difficile… Tout est mouillé, rien pour s’assoir : nous petit-déjeunons debout près des sanitaires. C’est le jour de l’épreuve de montagne tant attendue et redoutée. J’ai une boule au ventre comme si j’allais à un entretien professionnel important et commence à douter : serai-je à la hauteur ? Quelle tenue de route avec un vélo mal équilibré ? Pierre va-t-il réussir cette ascension ? Nous démarrons vers 8 h 45. Pendant plusieurs kilomètres, le parcours est vallonné, sans plus. Je m’attendais à monter raide dès le départ. Une petite bruine nous rafraichit, mais la température reste agréable, autour de 20°, le paysage est complètement bouché par la brume. Lente ascension. Tous les 5 km à peu près, j’attends que Pierre me rejoigne pour m’assurer que tout va bien de son côté. A la première pause, je retrouve les deux italiens que nous avons croisés au départ. Je les laisse partir devant.
Après avoir laissé Pierre, je rattrape et double allégrement les deux italiens, un père beaucoup plus jeune que moi et son fils de 16 ans. Sans aucune modestie, je me dis : Roncevaux, trop facile ! Il faut dire que je l’avais rêvé, fantasmé ce col. A chaque côte lors de nos entrainements du week-end, je me disais : Roncevaux = 20 côtes comme celles-là…
A la
deuxième pause, je discute avec une belge en vélo à assistance électrique.
L’ascension est décidément moins raide que je ne l’imaginais, mais néanmoins
éprouvante. Pause café avec Pierre, puis je double à nouveau les italiens. Le
brouillard se fait de plus en plus épais. J’éprouve une immense joie à
l’arrivée. Je suis encore plus heureuse et soulagée quand Pierre arrive lui
aussi, juste quelques minutes après les italiens. Photos devant le panneau du
col et la stèle de Roncevaux.
Quand je veux repartir, mon vélo tombe et déraille. La poignée est cassée. Le Rohloff ne fonctionne plus… Pierre remet la chaîne. Nous descendons jusqu’aux restaurants à Roncevaux pour nous réchauffer et nous restaurer. Il est plus de 14 heures, je suis gelée. Après le repas, alors que Pierre essaie de réparer le Rohloff, 3 cyclistes viennent spontanément à la rescousse : un portugais, un allemand et un espagnol. L’allemand s’y colle (après tout, c’est un produit de chez lui !), le Portugais joue les interprètes en Anglais. En deux temps trois mouvements, tout est rentré dans l’ordre. Bel exemple de coopération européenne ! Ils nous quittent en nous lançant un joyeusement « Ultreïa [1]! »
Je croyais la difficulté passée : que nenni ! la suite du parcours nous réserve encore pas mal de dénivelé. L’arrivée à Pampelune est interminable. Après avoir manqué la piste cyclable, nous nous retrouvons sur le périphérique local à 4 voies à l’heure de pointe !!! Le centre ville nous parait très très loin… Direction l’office du tourisme pour obtenir l’adresse d’un réparateur vélo pour ma poignée cassée et pour l’indication d’un hébergement pour le soir.
[1] Ultreï :, salut de ralliement des pèlerins, signifiant « aller plus loin, plus haut ». Expression du dépassement physique et spirituel.
L’albergue municipale est immense : vastes dortoirs sur deux étages avec plus de 100 lits superposés. On a l’impression d’être dans une fourmilière. Par un heureux hasard, nos voisins de lits sont les deux italiens avec qui nous avons gravi Roncevaux. Le centre de Pampelune est réservé aux piétons qui sont très nombreux, les rues sont très bruyantes. Nous nous récompensons de notre journée et nous remettons de nos émotions avec un Kebbab et une glace à 4 boules !