4 octobre : 0h36 départ de la gare de Iaroslavskaia de Moscou. En fait les 3 gares de la ville sont au même endroit ( métro Komsomolskaïa). Beaucoup de monde dans la gare, nous sommes visiblement les seules touristes ce qui nous convient complètement.
Si nous avons vraiment aimé Saint-Pétersbourg et Moscou, là nous atteignons le vrai but de notre voyage : vivre dans le Transsibérien, traverser la Russie, puis la Mongolie et atteindre Pékin. Le Transsibérien et le Transmongolien sont des trains de voyageurs contrairement à beaucoup de trains mythiques qui ne transportent que des touristes. Nous empruntons le train 100 МОСКВА — ВЛаДИВОСТОК. Si nous avons roulé à 200 à l'heure entre Saint-Pétersbourg et Moscou, à présent nous allons prendre notre temps, 80 km heure... Nous allons apprendre la patience, la contemplation et l'ennui mais il est bon de s'ennuyer. 96 heures de voyage, 5185 km et 70 arrêts nous séparent d'Irkoutsk près du Lac Baïkal.
L'aventure commence, encore une fois Claudette monte dans le train après contrôle et moi je reste sur le quai. Youri, jeune contrôleur en herbe, peu aguerri mais à bonne école vient de détecter une anomalie dans mon billet de train.
Pas de barbe au menton mais
se prend déjà pour un grand, on sent quand même l'incertitude dans
son regard?
Claudette a déjà fait la connaissance de notre compagnon de compartiment : Yora, la quarantaine, il aurait du être content de voyager avec 2 femmes mais nous le sentons dépité et après nous avoir dit « touristes ? » il est sorti du compartiment mais vite revenu! On a sympathisé et il nous a prises en photo;?
Nous sommes très contentes d'être là, Youri y a mis du sien mais il n'a pas réussi à gâcher notre joie d'être dans le transsibérien.
Après notre confortable installation dans le compartiment, Claudette est partie en exploration dans le wagon, à droite les toilettes, la Provodnitsa et d'autres personnels du train dont nous ignorons encore la fonction et le samovar, à gauche les toilettes et une poubelle.
Elle revient un peu perplexe des toilettes...
Honnêtement nous n'avons pas très bien dormi : balancement du train, ronflements de Yora qui nous ont réveillées en pleine nuit et fait piquer une belle crise de rire quand Claudette a commenté; "c'est généreux"! bruits des rails et des freins, arrêts en gare et nous avons aussi eu un peu froid. Les compartiments sont bien chauffés mais avec la fatigue le froid s'est fait sentir. Nous avons à notre disposition un matelas à poser sur la banquette, des draps, un oreiller et nous n'avions pas vu les couettes rangées en hauteur. La nuit prochaine sera meilleure.
Ce matin réveil, je vous le donne en mille : le fameux code-barre d'Hervé Bellec est sous nos yeux, les forêts de bouleaux et de pins. Nous sommes émerveillées!!! Aujourd'hui nous allons nous laisser porter, Claudette lit Dans les Forêts de Sibérie de Tesson et se régale et moi Belle de jour de Kessel (Tesson conseille de ne pas lire de livre en lien avec le thème de nos voyage, moi je fais tout ce que dit Tesson ? ).
Le train s'arrête rarement plus de quelques minutes, ne permettant pas aux voyageurs de descendre sur le quai mais il y a environ 4 arrêts longs par 24h. Vers 13h30 nous en avons eu un. Des femmes passent le long du train, des paniers au bout des bras : plats cuisinés, petits seaux de baies rouges, pommes. Pour le moment nous avons de quoi manger mais nous allons avoir besoin d'elles rapidement. Il y a également un wagon restaurant situé ( quelle chance) dans le wagon suivant. Une femme passe de temps en temps dans le couloir mais nous n'avons pas compris si elle livre des commandes de repas ou si elle propose à manger, nous n'avons vu personne l'apostropher. Le samovar installé au début du wagon nous donne de l'eau bouillante toute la journée, cela nous permet de boire café, thé, tisane, soupes et pâtes chinoises que nous avions emportés.
Nous partageons notre temps entre plusieurs activités : lecture, écriture, contemplation des paysages, siestes, rangement, repas, Discussion avec nos co-voyageurs. Surtout ne pas tout faire à la fois, nous voulons ressentir chaque minute qui passe. Nous sommes en automne et la nature russe, évidemment, nous offre, comme nous l'avions pressenti en préparant notre voyage, ses plus belles couleurs.
Ce matin le ciel était couvert mais à 16h il s'est dégagé et le soleil colore la nature de tous les tons or qui existent dans sa palette. Nous avons bien fait de venir en automne.
Yora nous a quitté nous laissant son adresse mail. Au revoir chaleureux.
Notre Provodnitsa passe devant les voyageurs comme s'ils n'existaient pas. C'est un cliché décrit dans tous les romans et blogs et bien nous confirmons : inutile de tenter de lui arracher un sourire !
Elle a en main tous les billets de trains (que ce cher Youri est venu chercher cette nuit) et elle les rend à chaque voyageur lorsque le terme de son voyage approche. Il est temps pour lui de ranger ses affaires, ses draps et couettes !
Organisation très efficace et rassurante !
Arrêt de 20 minutes à КНРОВ, je suis descendue marcher un peu, Claudette dormait.
Lorsque je rentre dans le compartiment pour lui dire qu'elle peut venir marcher, qu'il ne fait pas trop froid je me retourne et me trouve nez à nez avec 2 « gamins » je dirais 20 ans environ. Nous ignorons où ils vont mais ils n'ont pas de sac, ils ne vont pas rester longtemps. Ils se sont installés sur les couchettes du haut, Je suis repartie prendre l'air. Je ne peux m'empêcher de provoquer Youri, je me suis plantée devant lui en lui disant : « how do you feel ??? » avec un grand sourire, je l'avoue un peu moqueur, ça le saisit, il me regarde, visiblement en se demandant si je me moque de lui. En réalité il m'attendrit ! Claudette m'a dit de ne pas trop le provoquer mais c'est tentant , c'est un gosse.
La provodnitsa a fait le ménage. Tout à l'heure elle nous a ordonné de ramasser nos affaires qui jonchent le sol du compartiment, a enlevé le tapis, type descente de lit et a passé la serpillière. Ça rigole pas. Par contre, elle, elle, commence à nous devenir sympathique.
Et nous nous disons qu'elle pourrait bien nous être utile pour faire face aux deux jeunes que deux copains ont semblé vouloir rejoindre avec une bouteille de whisky. Ils sont finalement repartis et Claudette a décidé qu'on prenne le contrôle de la cabine : j'ai versé discrètement dans nos verres notre première vodka ! Enfin ! Bof elle n'est pas très parfumée, lorsque nous l'avons achetée nous avons demandé conseil et il nous a été répondu « elles sont toutes bonnes ! » ? nous avons donc acheté la bouteille qui nous plaisait le plus? !
Quel pays... Au fond du couloir devant le compartiment de la provodnitsa et du géant de 110 kg un homme semble être en mauvaise posture : il est « accompagné » de 2 jeunes flics qui lui interdisent de s'assoir. Il est debout dans le couloir depuis 3 heures. Nous l'avons vu demander à s'assoir sur son sac. Refus. Nos pauvres âmes ont du mal à supporter ça, rentrons donc dans notre cahute car nous ne sommes pas en position de donner notre avis !!!!
Il est minuit, nous sommes à présent le 5 octobre. Nous avons
passé 24 gares et un fuseau horaire. Les 2 petits jeunes sont
descendus du train, nous sommes à nouveau seules dans le compartiment.
5 h du matin, la porte du compartiment s'ouvre alors
que nous dormons profondément, voici nos nouveaux co-voyageurs. Ils ont essayé d'être les plus
discrets possible pour s'installer sur les couchettes du haut. Nous
avons fait leur connaissance au réveil. Ils sont montés à Perm (là
où il y avait un célèbre goulag), le jeune Maxime va à
Iekaterinbourg passer un examen, il est ingénieur informaticien, il
parle anglais et Alexandre ingénieur en travaux public va jusqu'à
Krasnoïarsk, on n'a pas compris ce qu'il va y faire mais c'est un déplacement professionnel.
5 octobre : nous perdons la notion du temps qui passe. Ce matin les paysages ont changé, nous traversons une zone plus aérée où des plaines succèdent aux forêts. Ici les arbres ont perdu leurs feuilles, il y a moins de couleurs. Le froid a du s'accentuer. Cette nuit Youri s'est moqué de moi sur le quai : « cold ??? » (tiens Youri connait quelques mots d'anglais) après que j'ai répondu « yes » il a bombé le torse et dit de sa voix grave un emphatique « Russia », mais ça donnait un résonnant « rlllllousssschiaaaa ». J'ai compris Youri, dans ton pays ça rigole pas, il faut être fort pour y vivre et affronter le froid et je rajouterais même la rudesse des relations humaines. D'ailleurs les flics sont partis avec l'homme qui avait interdiction de s'assoir, son triste sort n'est plus exposé dans un wagon plein de voyageurs..
Midi, Iekaterinbourg. Maxime est descendu du train, dommage il parlait anglais ça aide quand même pour communiquer . En descendant nous aérer sur le quai (il fait très chaud dans le train) nous nous sommes rendues compte que nous avons encore changé de fuseau horaire. C'est le deuxième depuis Moscou
Nous restons avec Alexandre et un jeune qui a remplacé Maxime : Anton, 24 ans, marié, on lui a dit : « 24 ans et déjà marié ?!!!! », ça l'a fait rire. Alors Alexandre a installé une usine à électricité dans le compartiment : il a branché une multiprise après la prise du couloir, ainsi il met à disposition de tout le wagon une multiprise, il a branché une autre multiprise avec un cable qu'il a collé sous du gros scotch pour que personne ne se prenne les pieds dedans. On a donc dans le compartiment à disposition 3 prises et la multiprise dans le couloir! Il nous fait rire ! Le type il se balade dans le Transsibérien avec son gros rouleau de scotch, comme quoi le contenu de nos sacs à dos était perfectible ! Bien sûr la provodnitsa est venue mettre son grain de sel, il l'a rembarrée, elle est repartie en le laissant faire ses branchements. Tout à l'heure elle a poussé violemment la porte des toilettes que Claudette avait du mal à ouvrir ( elle bloque donc on se demande toujours s'il y a quelqu'un dedans ou pas). Bref Claudette trouve qu'elle avait l'air de dire : « alors tu l'ouvres cette porte espèce de gourde », c'est contrariant mais par contre elle a laissé Alexandre s'installer! Bon il nous a mis de la musique grâce à son installation sophistiquée, on s'en serait dispensées, pourvu qu'il ne nous installe pas la télé ! En fait on a entendu sa musique toute l'après-midi sans oser lui dire que ça nous fatiguait et à 16h je suis allée chercher ma tablette branchée sur une de ses multiprises, tout a suivi ! Et ça a éteint sa musique ! Du coup il est descendu de sa couchette supérieure, je me suis excusée mais Claudette m'a dit : « c'est pas grave, regarde il en avait marre aussi de sa musique ».
Étrangement nous ne ressentons aucun ennui et étrangement la promiscuité ne nous dérange pas non plus. Elle fait partie du voyage. Nous mangeons, dormons, passons la journée avec des inconnus sans problème. En fait il s'institue des codes de respect de l'autre et de son minuscule territoire. Nous communiquons toujours sur le même mode : nos prénoms et la ville où nous nous rendons. C'est ainsi que Maxime nous a dit ce matin en riant qu'en avion nous serions arrivées plus vite à Beijing. Dans le Transsibérien il y a une ambiance particulière : certains, comme nous, sont là pour plusieurs jours, il y a parfois 5 à 6 heures entre 2 arrêts longs permettant de sortir du wagon. Il semble, du moins c'est ce que nous ressentons, que, d'emblée, une sorte de fraternité et de cordialité s'installe et fait disparaître toute gène entre les voyageurs. Tout le monde se parle ou au moins se sourit. Nous aimons cette ambiance, elle est à la hauteur de nos rêves.
Ce qui est certain c'est
que, pour l'instant, nous ne faisons pas ce voyage pour les paysages
ou peut-être que si car nous ne pouvons que nous étonner de leur
unicité : des forêts de pins et de bouleaux, parfois un lac ou
un court d'eau vient casser cette monotonie.
Voyager dans le
Transsibérien c'est être d'accord pour rencontrer le peuple russe
et être hors du temps pendant plusieurs jours. Il nous reste, au
moment où j'écris, 40 gares à traverser. Ces chiffres n'ont pas de
sens, 40 gares, des milliers de km et encore 3 fuseaux horaires avant
Irkoutzk. Nous sommes entrées en Asie juste avant Iekaterinbourg. Nous sommes plus précisément en Eurasie.
16 heures, c'est le rituel, la Provodnitsa fait le ménage. Elle troque son bel uniforme contre une blouse et des socquettes dans ses claquettes. Cela ne la rend pas plus sympathique. Mais Claudette pense qu'elle se conduit de manière mécanique. Je lui fais remarquer que ce matin elle n'a pas été très sympathique lorsqu'elle lui a ouvert violemment la porte des toilettes : « toute mécanique a ses failles » me répond-elle.
Ce soir séance photo avec Anton et Alexandre. Anton nous a présenté les membres de sa famille et sa très jolie femme mais comme il disait « brother-sister » en même temps, on se demande si c'était vraiment sa femme. Quant à Alexandre il nous a présenté sa fille mais comme il disait « miam miam » en même temps on se demande si c'était vraiment sa fille !!! nous avons présenté enfants, conjoint et chats, ils se sont extasiés!? Nous rions beaucoup !
6 octobre : Cette nuit arrêt de 20 minutes dans une gare. Quelques fumeurs sont descendus sur le quai. Ce sont des moments de grâce : silence, chuchotements, sentiment d'être au bout du monde. En remontant dans le train Youri m'a appelée : en russe il m'a demandé si nous sommes anglaises ? Allemandes ? "françaises !" Je n'ai pas compris la suite, Youri nous sourit maintenant, il ne sent plus d'hostilité en nous. Il semble être la mascotte de l'équipe, la provonidtsa lui remonte régulièrement les bretelles et dans ses moments là il la regarde d'un air piteux et coupable ! Nous nous sommes attachées à lui .
A midi arrêt d'une heure à Novosibirsk -НОВОСИБИРОКБ, nous sommes sorties de la gare. Il fait 15 degrés à Novosibirsk, soleil et ciel bleu sur la capitale de la Sibérie! A notre montre il est 11h, nous aurions donc encore passé un fuseau horaire, nous sommes paumées !!!. Svetlana, notre dernière connaissance nous a dit au revoir
Elle parlait très bien anglais (et chinois mais bon c'était moins utile dans les circonstances actuelles). Elle venait à Novosibirsk pour rendre visite à sa fille étudiante en médecine. Elle nous a expliqué que les universités de cette ville sont très célèbres pour la qualité de leur enseignement et les a comparées à celles de la Silicon Valley.
Novosibirsk est immense, nous traversons sa banlieue pendant de longues minutes. La plupart des maisons sont en bois, les isbas...Les forêts de bouleaux leur succèdent à nouveau, les arbres ici ont perdu leurs feuilles contrairement au début de notre voyage et le soleil fait briller les troncs blancs.
Dans le compartiment mitoyen du notre il y a une famille avec 2 fillettes d'environ 2 et 4 ans qui voyage depuis Moscou. A Novosibirsk une femme leur a rendu visite sur le quai de la gare, ils étaient heureux de se retrouver. Elle leur a offert un carton de poissons séchés que le père a entamé avec gourmandise dés qu'il est remonté dans le train.
Y a t-il un intérêt à ces paysages? Nous avons lu sur certains blog que traverser la Sibérie ne rime à rien, que c'est l'ennui assuré, des forêts de bouleaux pendant des milliers de km. Pourtant aucun ennui, nous avons le nez collé à la fenêtre et contemplons ces paysages et puis nous sommes complètement disponibles pour rencontrer nos voisins. Nous sommes dans un univers hors du temps. Ce voyage est définitivement à la hauteur de nos rêves.
En fait nous comprenons au bout de 4 jours de voyage pourquoi l'équipe de professionnels du wagon ne fraternisent pas avec les voyageurs et qu'elle se tient à distance: c'est vraiment la seule solution pour maintenir la paix dans ce grand train qui traverse des milliers de km parfois plusieurs heures sans s'arrêter. Ils ont une énorme responsabilité. Nous mesurons ça enfin... Ils ont sur leurs épaules de lourdes responsabilités. Nous en prenons conscience peu à peu.
Hier soir un jeune passablement éméché du wagon voisin est venu nous « taquiner » dans le couloir. Notre géant protecteur est arrivé et est intervenu. Du haut de ses 1m90 il lui a dit quelque chose calmement de sa voix grave. Le jeune a fait mine de pleurer sur notre épaule et a regagné son wagon. De même lorsque nous descendons du wagon il veille à ce que tout le monde remonte. Leur présence est discrète. Nous prenons conscience peu à peu que l'équipe veille sur tous les voyageurs du wagon dont elle a la responsabilité. En fait nous remarquons que certains fument dans les toilettes et boivent de l'alcool (vodka bien sûr!)malgré l'interdiction. On sent bien que c'est de la tolérance et qu'il ne faut pas franchir certaines limites. une veille est en place. Nous ne ressentons aucune insécurité. Alexandre va nous quitter cette nuit, à Krasnoïark. Alors ce soir on se fait nos adieux : on a fermé la porte du compartiment et on a sorti la vodka ! Puis on a chanté Pétrouchka, Souliko et Alexandre a mis ZAZ sur son téléphone. Il nous a fait des toasts avec sa tomate et notre pain et fromage.
J'adore descendre quand la durée de l'arrêt le permet. Je suis fascinée par ce train la nuit et par les vies qui se croisent.
A chaque arrêt un homme passe avec une sorte de piolet, il tape sur les essieux, nous supposons que le bruit que renvoie ce choc lui indique que tout va bien. La police passe également à chaque fois et interroge rapidement chaque chef de wagon. Nous supposons qu'ils demandent si tout va bien et s'il n'y a eu aucun incident.
7 octobre : cette nuit la physionomie du wagon a changé. Beaucoup sont descendus. Après le départ d'Alexandre vers 5 heures, 2 autres jeunes se sont installés discrètement dans le compartiment.. Nous étions écrasées de sommeil, le décalage horaire nous tanne. A 3 heures du matin nous étions en train de discuter comme en plein jour. Ils ont repartis dans la matinée et ont été remplacés par Génia. Il a 28 ans et cherche à discuter avec nous, il descend dans 3 gares ou dans 3 heures on n'a pas compris. Il travaille pour la société de chemin de fer russe, la RZD, sur laquelle nous voyageons. Les paysages ont changé même si nous voyons encore quelques forêts de bouleaux. L'horizon est vallonné alors que pendant des milliers de km ce n'était que platitude. Les villages de bois sont très jolis, beaucoup d'isbas sont peintes, généralement en bleu ou vert. Ce sont des images d’Épinal. Génia rit quand nous lui disons que c'est beau. Aujourd'hui il y a du turn over dans le compartiment on ne prend même plus la peine de se présenter !!!
Gare de Zima : on a encore pris une heure de décalage, 5 au total. Et on a aussi attaqué le froid sibérien, j'ai du remonter dans le wagon chercher mon blouson, ma veste polaire ne suffisait plus. Nous arrivons à Irkoutsk dans 5 heures après 5 arrêts. Sur le quai, des femmes passent rapidement avec des sacs sur les bras annonçant ce qu'elles vendent. Cette vente à la sauvette est interdite. L'une d'elle s'est faite haranguée violemment par un policier. Les trains de marchandises sont incroyablement longs. J'avais déjà vu ça en Chine. Je viens de compter 70 wagons. Notre Transsibérien en compte 14.
Dans un des compartiments voisins une maman voyage avec son fils d'environ 9 ou 10 ans. Il a un problème respiratoire et elle branche régulièrement une machine sur la prise du couloir dans laquelle il respire. Cette nuit vers une heure nous avons fait un long arrêt. Lorsque je suis remontée dans le wagon j'ai parlé en français avec lui. Il me regardait avec ses grands yeux bleus et je lui ai dit que je m'appelle Chantal , il a compris, il m'a répondu avec un sourire "Maxime". Je suis contente de lui avoir parlé car ce matin lorsque nous nous sommes réveillées Maxime était descendu du train. J'ai beaucoup de tendresse pour nos voisins de compartiment.
Fin de la première partie de notre voyage en train, nous arrivons bientôt à Irkoutsk. Nathalie, Roman et André, à quelques compartiments du notre, nous ont invitées, on a fini en beauté à coup de verre de vodka. Ils se sont rencontrés dans le train, ils voyagent dans le même compartiment. Roman et André sont militaires, Roman voyage en train jusqu'en Corée du Sud pour son travail, André est pilote d'hélicoptère et Nathalie est manager. Roman fume dans les toilettes, il nous fait rire. Il y a une ambiance très joyeuse dans ce compartiment.
Mon roman a pris cher
Nous aussi nous avons pris cher avec la vodka! Nous avons à nouveau entonné Souliko (la chanson préférée de Staline) et André, de sa belle voix grave nous a offert une chanson à l'air nostalgique digne des coeurs de l'armée russe! Notre chère provodnitsa est arrivée au milieu de ce chahut pour passer la serpillière et ces grands gaillards ont levé leurs pieds, soumis à son autorité! ces moments sont des petites perles! Puis l'heure a sonné, elle nous a porté nos billets, geste annonciateur de notre arrivée à notre destination: Irkoutsk. Il y a 2 arrêts à Irkoutsk, nous nous sommes précipitées mais notre géant est venu nous rassurer de sa voie posée: nous descendons au second arrêt et pouvons profiter de quelques minutes de plus avec nos nouveaux amis... et d'un verre de vodka de plus! Pincement au cœur. Nos nouveaux amis ont porté nos sacs sur le quai et nous ont dit au revoir à la russe en nous serrant dans leurs bras chaleureusement. Nous avons tenté de faire sourire la provodnitsa mais pas moyen! Mais le géant, lui, nous a fait un bel au revoir de la main accompagné d'un gentil sourire. 4 nuits et 4 jours ensemble, on avait fini par s'attacher. Regret: nous n'avons pas trouvé notre cher Youri pour lui dire au revoir!