C'est pas dans nos habitudes de vous raconter nos voyages en transport en commun. Souvent longs et monotones, il ne s'y passe rarement grand chose. Seulement au Laos, tout est un peu différent...
Nous avons donc quitté Luang Prabang en bus de nuit VIP.
Attendez attendez, je sais ce que vous vous dites.. "Ça fait à peine 3 mois et déjà ils abandonnent le style de vie local et prenne des bus VIP.."
Non non, un bus de nuit VIP, c'est un bus, ni plus ni moins. Ni couchette ni toilette, ni nourriture, ni télé (non là vous rêvez). Et c'est parti pour 350 km avec un temps de trajet estimé à ... (roulement de tambour)...11h soit 32 km/h.
"Non, madame il y a erreur, on va à Ventiane la capitale, pas à l'autre bout du pays."
Trois heures plus tard et seulement 40 km de parcourus, nous nous résignons, la petite dame avait raison.. Cela dit, avec un arrêt toutes les 5 à 10 minutes, pour des raisons aussi diverses que récupérer d'autres voyageurs ou des poussins dans un carton, il n'y a rien d'étonnant.
A minuit notre bus s'arrête. Le staff s'adresse aux passagers qui commencent à se lever et fini par nous lancer un prometteur "Quittez le bus"..
Suivant le reste de la troupe nous sortons du bus en pleine nuit. Nous sommes dans les montagnes, il fait noir et assez froid, le tintement des cloches à vache se fait entendre en contrebas. Ah oui et chose que l'on avait pas précisé avant, la route est assez chaotique.. Oh rien de bien méchant, juste des trous de 3 m de large pour 30 cm de profondeur..
Le chemin est étroit et sinueux et camions et bus ne peuvent se croiser. De peur de tomber dans le ravin, notre capitaine nous a fait abandonner le navire. Agglutinés dehors, les passagers commencent à allumer des feux pour se réchauffer (on croit rêver) et rapidement les rumeurs vont bon train.. "il y a une station de bus dans la vallée, on devrait peut être y aller?"
De notre côté ne voulant rater pour rien au monde la suite du spectacle nous décidons de rester en bord de route. Pourtant, sans plus de péripéties que quelques glissades de 35T, ce n'est qu'au bout d'une heure d'attente que notre bus fini par se frayer un chemin entre les trous de 40 cm et ceux de 140m. Les moussaillons éparpillés à droite à gauche sont récupérés auprès des flammes et le trajet reprend son cours.
Chose étonnante, les événements ne semblent en aucun cas inquiéter ou surprendre les locaux. Le doute nous prend alors; et si ce foutoir géant c'était monnaie courante ici...?
Nous arrivons le lendemain à Ventiane après 15 heures de bus.
Une heure de tuktuk plus tard et 7:30 de train couchette (mais de jour) nous voilà à Thakhek, au centre du pays en bordure de Mekong. La ville est paisible, les voyageurs de passage. Et pour cause, suivant le mouvement nous louons un scooter/moto pour 3 jours à la découvertes des caves, cascades, lagons et rivières souterraines qui façonnent les paysages environnant.
L'engin à vitesse apprivoisé, le séjour découverte se passe à merveille. Nous passons notre première soirée dans une auberge en compagnie de plusieurs jeunes français et la deuxième chez l'habitant, dans une maison de bois, au beau milieu d'un petit village. La nourriture est bonne, nos hôtes accueillants, l'hébergement rudimentaire, l'authenticité est au rendez vous et nous la savourons...
Jusqu'au matin.
Après avoir avalé nos nouilles matinales nous enfilons nos chaussures direction la grotte de Kong Lor. Sans raison apparente Clément se met alors à crier en enlevant sa chaussure droite.. Notre voisin de chambre roumain se risque à l'humour: "Un moustique ?".
"J'ai l'air de m'être fait piquer par un moustique?"
Esperant se tromper sur ce qu'il pense l'avoir piqué il secoue sa chaussure et nos visages se décomposent en voyant ce qui s'y logeait...
un scorpion !
Plus personne ne rigole. La panique est à l'affût, prête à surgir.
"Mais bougez vous bordel, demandez à quelqu'un si je vais crever ou pas ?!" Ultime recours: la tentative d'aspiration du venin avec la bouche, en vain.. Le village se rassemble autour de lui. Les visages sont compatissant mais pas alarmés, à priori pas de décès prématuré en vue.
Ouf on se détend !
Une dame plutôt âgée applique alors sur la piqûre un mélange de feuille et de fourmis rouge écrasées.
On se pince pour être bien sûrs de ne pas rêver.. se rendant compte que nous sommes de l'autre côté de l'écran d'un épisode de "Man vs Wild" (l'homme contre la nature) l'hilarité nous prend. "C'est n'importe quoi ce qui se passe là".
La douleur ne disparaîtra que le soir, le souvenir, jamais !
Nous décidons de finir notre voyage par les îles du Sud. Un peu sado sur les bords nous repartons en bus local (vous jugerez l'état sur la photo ci avant) pour toute une nuit de route.
Et là, on atteint les sommets. A peine partis, les odeurs extérieures de poussières et d'essence viennent nous fouetter le visage depuis le trou béant de la taule qui remplace la vitre à côté de notre siège. A plus de 90 km/h les portes du bus s'ouvrent et se referment au rythme des nids d'éléphants sur lesquels nous roulons. Une partie des passagers vomissent dans leurs sacs plastiques (tout du moins on l'espère) tandis qu'un faux contact fait vaciller les lumières et les ventilateurs poussiéreux jusqu'à ce les ampoules n'éclatent littéralement.
Le staff s'arrête alors pendant plus d'une heure pour manger au restaurant. Hallucinés parce ce qui est en train de se passer nous observons les passagers qui attendent sagement en les regardant depuis la fenêtre.. Nous décidons de ne rien dire non plus.
Côté siège, notre assise se déboîte dès que nous tentons une position plus confortable et nous sommes écrasés par les bagages situés derrière nous. (Les photos sont plus parlantes)
5:30 du matin: nous pensons tenir la fin du supplice quand le bus s'arrête au milieu de nulle part et nous dépose tous les deux. Le conducteur nous indique un bateau pour rejoindre l'île de Don Det.
L'embrouille est flairée... à peine sortis du bus un homme nous indique qu'il faut payer 25€ (notre budget quotidien au Laos) pour rejoindre l'île avec son bateau.. Nous comprenons alors que nos formidables chauffeurs nous ont déposés à 20 km du vrai embarcadère pour faire bosser leur copain.
Épuisés, mais toujours pas vaincus, nous marchons alors sur 5 km afin de rejoindre un autre embarcadère (un vrai) et c'est après 2:00 d'attente et 1:30 de bateau que nous rejoignons l'île de Don Det. Nous ne sortirons pas du hamac pendant 3 jours.
Désormais nous avons retenu la leçon: pour découvrir le Laos il faut savoir slalomer entre la corruption et les arrangements de couloir.
Histoire de finir en beauté nous sommes actuellement bloqués dans la ville d'Attapeu, non loin de la frontière Vietnamienne. Triste sort.
L'administration vietnamienne n'avait pas prévu que quelqu'un pouvait avoir 3 prénoms... L'obtention du VISA de Clement a donc été repoussée et nous voilà coincés ici depuis 4 jours attendant l'embauche des fonctionnaires vietnamiens (en espérant que la pause café du lundi matin à l'embauche ne soit pas trop longue..).
D'un éternel optimisme nous prenons ça pour un signe du destin. Signe qu'il était temps de s'arrêter pour organiser la suite de notre voyage car après le Vietnam nous prendrons le large vers un autre continent .... !
Demain ou apres demain nous quitterons ce pays authentique qu'est le Laos. Un pays où même le réseau routier chaotique et la corruption omniprésente ne viennent effacer la douceur de vivre et l'intense chaleur véhiculée aussi bien par ses habitants que par ses paysages à couper le souffle.
Bises