Nazaré, la loi du plus fort !

Publiée le 11/03/2025
28.02 --> Figueira Da Foz 01.03 --> Nazaré "Le vent du matin souffle sans cesse, le poème de la création est ininterrompu ; mais rares sont les oreilles qui l'entendent" Henry David Thoreau

Si à Matosinhos nous n’étions pas franchement convaincu par la beauté du paysage (bien que si on cherche bien, on trouve toujours des mignonneries ici et là !), nous le sommes en revanche déjà avant même d’avoir posé un pied à Nazaré. Nous entendons bien évacuer une bonne fois pour toute le port de Leixões où transitent environ 14 millions de tonnes de marchandises par an. Pas étonnant qu’on eut failli se prendre un cargo à notre arrivée 🤭


Durant ce voyage, nous apprenons à nous contenter de peu, à supporter avaries et tempêtes mais vient un temps où il faut empoigner le destin. Trouver la juste mesure entre être heureux de ce que l’on a déjà sans jamais oublier ses rêves et en aucun cas les laisser tomber. L’effort et le courage se déploient dans le lancement de cette quête. Par la suite, j’ai tendance à croire que la vie nous récompense d’emprunter le chemin du cœur dans le but de suivre nos aspirations. Cela peut prendre la forme de bonnes rencontres, de belles synchronicités, toutes choses qui iront dans le sens de nos désirs. La seule condition pour que cela fonctionne est de s’investir dans un projet répondant strictement à ses désirs les plus profonds, les plus sincères, ainsi donc les plus réels et pures. Si tout semble aller de travers, je ne pense pas que ce soit une fatalité, un genre de punition ou parce que l’on se trompe de chemin. À mon sens, la vie est déjà dans l'exactitude et nous oriente toujours vers nos véritables besoins. S’il existe un décalage entre ce que nous souhaitons faire et ce que nous sommes en train de vivre, il me semble que c’est plutôt le résultat d’une inconsidération (le plus souvent inconsciente) de notre vérité intérieure. Pour une raison ou une autre, un manque d’écoute de soi, une énergie excessivement orientée vers le corps mental autrement dit, un emploi abusif de notre pouvoir de raisonnement bannissant totalement au pire, partiellement du moins l’intervention de notre messager providentiel : le cœur. Ce n’est certes pas toujours facile de recevoir, entendre, écouter ou reconnaître ses messages d’autant plus qu’ils évoluent dans le temps. Ce qui est vrai à un instant T peut ne plus l’être le lendemain. D’où l’intérêt de continuellement être présent à soi et si on ne le peut pas, se donner au moins régulièrement du temps pour soi. Être seul avec soi-même dans un contexte serein permettant de diriger son attention vers sa vie intérieure.

Nous en sommes là. Ensemble et chacun de notre côté à faire un point et essayer de ressentir qu’elles sont aujourd’hui nos aspirations mutuelles et nos propres besoins actuels.  Après 5 mois de voyage, nous faisons le constat suivant : Nous voulions passer l'hiver au chaud, nous l’avons passé à descendre jusqu’ici, côte nord-ouest du Portugal. Nous n’allons pas revenir sur le passé et voyons bien là où nous pourrions avoir fait les “mauvais” choix (plus exactement, ce que nous prenons pour vrai de mauvais). Par contre, nous ne nous leurrons pas et admettons que nous sommes sérieusement fatigués. Fatigués d’être en lutte (plus intérieurement que extérieurement) contre la météo, en recherche perpétuelle d’aller plus loin. Nous lâchons finalement les armes et  petit à petit, acceptons notre conjoncture actuelle. Nous irons là où les vents nous portent, plus au sud, vers Madère ou les Canaries, ça nous est égal puisque les 3 sont merveilleux. 🤩 Nous n’irons probablement pas au Cap Vert, ne traverserons probablement pas l’Atlantique et ne verrons pas cette fois-ci, les Antilles et l’Amérique du Sud mais nous irons, voguerons et tâcherons d’être heureux. Un point c’est tout. D’ailleurs, nous vivons déjà beaucoup de choses que nous rêvions de vivre, une certaine liberté et une forme d’insouciance notamment. Au contact de l’océan, des animaux sauvages et domestiques, une parenthèse pour justement revenir à soi. Découvrir d’autres pans de soi etc. etc.

Pour le moment, nous avons la possibilité d’atteindre le port de Nazaré. Et il est impossible pour nous d’imaginer passer au large de cette ville sans s’y arrêter. De renommée internationale dans le monde du surf, c’est ici que le record du monde de la plus grande vague jamais surfée a été enregistré. 30 mètres !! 😱 Rien que ça ! Établi par Garrett McNamara à Praia do Norte, au pied du fort en novembre 2011. Un waterman extrême de l’extrême 😆. Un warrior ou un fou je ne sais pas trop ! Entre parenthèses, il a surfé un tsunami d'icebergs brisés en Alaska et a aussi survécu à une vague monstrueuse à Jaws (Hawaï).

Leurs hauteurs à Nazaré s'expliquent par le canyon sous-marin de 5 kilomètres de profondeur à son point le plus bas qui remonte du fond de l'océan sur 210 kilomètres depuis le large avant de se refermer à quelques encablures de la côte. Ce spot et ces vagues que nous regardions depuis la France sur nos écrans d'ordinateur, comment passer à côté de cette occasion en or de rencontrer ce site, bien que nous le ferons uniquement depuis la terre. Surfeur à nos heures gagnées, nous ne sommes pas pour autant des “surfeurs de gros” comme on dit dans le milieu ! 😄

100 miles nous séparent de cette destination rêvée ! Soit une vingtaine d’heures sur une moyenne de 5 nds. Un grand saut vers le sud aisément réalisable au vu des jolies et semblerait-il fiables conditions annoncées. Nous partons vendredi 28 février sur une navigation “pépère” dès les premières heures en mer. Avec des alternances vent arrière et grand largue, puis des houles longues de moins de 2 mètres, Auto notre pilote se charge de tenir la barre pour notre plus grand bonheur ! Une saveur nouvelle pour nous qui avions l’habitude “d'escalader” des surfaces préférablement (ou pas !!) bossues et chahutées. Lorsque nous sommes vent arrière, notre Bostick est de sortie. Nous avons aujourd’hui le plaisir de constater la stabilité des voiles sans que nous n’ayons à intervenir. Pas même le petit doigt 😊 Dès lors, le bateau est complètement stable ce qui nous offre le loisir, pour la première fois depuis que nous sommes partis, d’écrire et de lire durant une navigation. Des associations absolument géniales donnant aux unes et aux autres une manière originale de les aborder 🤩 Plongés dedans, nous levons de temps à autre la tête pour admirer des paysages naturels parfois déserts, retirés de toutes vies humaines et de toutes habitations. Parfois sobrement empreintes de sommaires bourgades ou de quelques bicoques. Aussi, notre embarcation devient plus grande. Par cette douce traversée, nous voilà décloisonnés du cockpit permettant à nos corps mous de se laisser bercer par les flows. Assis ou en position allongée sur la plage avant du bateau ou bien sur des passes avant, ces derniers, profusément exposés à la chaleur et la lumière du soleil. Hummm, il y a du changement dans l’air 😌 Nous avons le sentiment d’avoir passé une ligne frontalière imaginaire, entre le Portugal civilisé et le Portugal originel.

Un capitaine exténué par les manœuvres à bord
Un mousse déphasé par la hargne du soleil
Quelle vision d'horreur !

À l’approche de la soirée, nous sommes toujours sous spi. Nous filons droit devant sans efforts et sans aucun problème tandis que naît l’idée dans la tête du capitaine d’affaler Bostick.  Nous ne sommes jamais très prudents. Il faut s’assurer d’une stabilité météorologique pour que de nuit, nous puissions le laisser se dandiner. Or, ce n’est pas d’actualité ces derniers temps.

Avait-il eu le nez fin ? Décision prise, au moment d’aller s’afférer à la tâche, Marvin remarque une anomalie pas très rassurante. L’écoute de spi côté tribord est sur le point de lâcher. Son aspect laisse penser qu’elle a été rongée par une souris. Une souris ? Dans notre bateau 🤔 ? Cette hypothèse ne tient pas la route. Par contre, la possibilité que la mâchoire du tangon venant l’attraper et l’enserrer ait causé ce dommage, là tout de suite, ça prend du sens ! Il faut agir.

“Océane, regarde bien l’anémo pour que l’on reste vent arrière et pour déventer le spi” me demande Marvin. Je m'exécute alors que lui-même s'empresse d’aller libérer l’écoute en question. Trop tard. Apparemment, elle ne tenait plus qu’à un fil. Se livre alors sous nos yeux un jeu de résistance de ce bout de ficelle dans les dernières secondes, sa première danse désinvolte dans les suivantes. Le ragage trop avancé a fini par rompre le lien qui les unissait et maintenant, le seul homme sur ce bateau devient un singe. Marvin essaie d’attraper l’écoute qui se fait la malle et il y parvient assez rapidement. L’épreuve suivante : celle qui devait être la première, c’est-à-dire affaler Bostick.

Toujours à la barre, je m’assure qu’il reste bien déventé derrière la GV. Marvin libère la drisse de spi et  passe à bâbord pour le faire dégringoler. En général sur un bateau, tout doit se faire rapidement si on ne veut pas commettre d’accidents. Ceci est vrai mais ne dispense pas le matelot chargé de cette opération, d’observer tout ce qui se passe et tout ce que ses manœuvres induisent. Dans la précipitation, il omet de porter le regard en haut du mât qui nous aurait bien éviter des heures futures et à venir de travaux de réparation.  Une petite roulette anti-ragage le long du bas-étai n’est visiblement pas d’autre part, un “anti-déchirage”.  À proprement  parler, l’affaire est dans le sac ! Malheureusement, elle l’est avec une déchirure d’une dizaine de centimètres. Je suis navrée pour mon capitaine, aussi mon ami, pour Bostick qui s’en sort tout de même avec une plaie raccommodable.


Ce coup de speed qui nous a sortis plutôt rudement de notre léthargie à sonner la cloche biologie du réapprovisionnement stomacal. Ce soir au menu, patates douces et potimarrons revenus dans une huile coco avec de l’ail, du persil et de la cannelle. Coutume oratoire dans la confection de notre repas sous intonations à la Jamel Debbouze  : “ça va être bien” prononce l’un, “ça va être même très très bien” ajoute l’autre. Certes ! Pas mauvais du tout ! La dégustation commence sous un coucher de soleil. Intervient ensuite au crépuscule, la phase digestive durant laquelle nous envisageons une arrivée plus précoce au port de Figueira Da Foz.

Une conséquente “pétolisation” arrivant tard dans la soirée et jusqu’au lendemain matin se présente par un bleu foncé intense sur le site Windy. Sans grand étonnement… Cette séquence d'Heol “je m’absente pour un temps et je vous emmerde” ne nous est pas inconnu. Elle se profile pile poil près de la côte au niveau de Nazaré.  Nous optons par conséquent pour la sage solution d’accoster “Figara Da Fosse” (version Océane) vers  à 21h30. L’heureux hasard dans cette histoire est que nous entrons dans la rivière sur une étale/ début montante de marée. Une aide précieuse pour se rapprocher du port avec facilité. De plus, après une nuit paisible et requinquante, nous repartons dès le lendemain matin sur la marée descendante avant-même que le bureau du port n’ouvre. Et hop, une nuit gratis qui n’est pas de refus en ces temps qui courent ! 


Il est 8h30 ce samedi 1er mars et déjà là, l’humeur bougon d’Eol s’est envolée pour laisser place à des conditions semblables à la navigation d’hier. Cool et relax, l’orage, pour autant, s'installe peu à peu. Insidieusement, le ciel s'assombrit sans jamais mettre le soleil sur la touche. Le petrichor cependant nous met la puce à l’oreille. On se prépare à recevoir cette fois les fureurs de Zeus. C’est d’abord un agréable spectacle tant le jeu des couleurs s'étoffe au fil de l’eau. Je quitte ma sieste, agrippe mon appareil photo et ne l’abandonne plus  durant une bonne heure. On dirait un chien qui ne veut pas lâcher son os. Ce n’est pas grave, je profite de l’instant sans modération. La prise de photos ne me coupe pas de la contemplation bien au contraire. Elle sollicite chez moi davantage de présence, une observation accentuée, une concentration renforcée et une attention soutenue. Je scrute l’horizon dans le moindre détail, rien d’autre ne compte, rien d’autre n’existe sinon le tableau qui se présente sous mes yeux. Le spectacle n’est que meilleur et déjà là le sentiment d’accomplissement éclôt.

Agite-nous, agite-moi, fais l'arpège, sature le son .. Qui de nous deux, inspire l'autre..
Foudre, tu n'as nul part où aller ? Vient, sonner les cloches de mon clocher.
L'éclair scie l'orage et signe l'éclaircie

Vient le moment où il faut tout de même décrocher ! Le ciel noircit d’épais nuages laissant échapper maintenant des pluies torrentielles que même un geyser de l’espace ne réussirait pas à nous tremper de la sorte ! Un premier éclair éclate écorchant la résolution de l’image définie par nos pupilles. Pour quelques secondes, nous devenons aveugles. 1, 2, 3, 4 et survient maintenant le grondement sourd brisant le son taciturne de la mer dans ses beaux jours. L’orage est à moins de 500m de notre position. Heureusement, le mât nous protège en nous servant de paratonnerre, quelle aubaine ! S’il se prend la foudre, Yes Aï prend feu. Qui dit pas de moteur dit pas d’essence 👍  Qui dit cuisinière dit alcool à brûler, un puissant inflammable 👎 Faisons les choses bien, accostons aussi vite que possible notre ponton d’accueil ! Et pendant que le tonnerre gronde, le déluge s’amplifie, le vent tombe sensiblement, ralentissant notre vitesse à 2.5 nds. Mais voilà, nous y sommes. Spongieux et saucés comme jamais nous y sommes malgré tout. Cela suffit à étancher nos esprits échauffés par le feu de Zeu venu nous balayer d’un revers de main !

Port paisible de Nazaré
Entre le port et la plage
Sortie du port, ça bouge à Nazaré !
Chat va plutôt bien pour certains habitants du coin 😛
Une invitation à embarquer
Parking à jet-skis pour le surf tracté

Ancien village de pêcheurs, Nazaré comptait autrefois ses habitations sur les parties hautes de la ville Sítio et Pederneira uniquement car les fréquentes attaques des pirates algériens faisaient de la grève un lieu peu sûr. Par ailleurs, j’ai lu que jusqu’au XVIIe siècle, l’océan couvrait toute l’aire aujourd’hui occupée par la Praia Da Nazare et les plus récentes maisons. De rapides transformations géologiques auraient provoqué le recul de la mer et l’ensablement de l’aire, découvrant ainsi la baie.

Je me demande si étymologiquement parlant, Nazaré vient du prénom “Nazar” d'origine hébraïque venant lui-même de « nazir » signifiant « mis à part, consacré » mais il est vrai que déambuler dans ses petites rues ou sur ses longues plages donne une impression d’être “hors du temps”. Nous apprécions ces lieux et surtout la nature qui prédomine ici, sa falaise vertigineuse où repose le fort de São Miguel Arcanjo, une terre riche de couleur ocre sur laquelle une végétation bien verte semble garder de sa fraicheur toute la journée. Bien sûr, le pourtour océanique qui ne se lasse pas de mettre en pâture ses forces surnaturelles que tant d'hommes ont péris en s’y étant frottés..  

végétation Nazaré
entre terre et mer
Une palette de couleurs resplendissante !
Fermez les bouches où vous allez gober une mouche :)
Plus vallonné et plus sauvage que le Portugal du Nord 👍
Cahuette ! Drapeau rouge, tu peux y aller !
À l'aube
quartier Rio Novo
Je préfère le vieux au neuf
Un peu de hauteur
De la hauteur à qui sait en prendre !
Fort Do Morro Da Nazaré

l'Entrudo est célébré au Portugal depuis le XVe siècle. Chaque année s’organise ce carnaval représentant l'un des « cycles » festifs les plus importants du pays. Avec leurs propres caractéristiques dans chaque localité, les carnavals portugais les plus célèbres comptent notamment celui de Nazaré. Nous assistons à son démarrage et ne sommes pas mécontents de repartir finalement assez expressément comparé à  nos habitudes forcées ! 3 jours plus tard, nous avons de toute façon profité de tout ce que nous souhaitions faire ici en prime, eu le plaisir d’avoir pu admirer des surfeurs se jetant dans la mâchoire jamais en reste de viande humaine ! Ces jours-ci, elle avait un petit appétit : 6 à 8 mètres seulement 😅

spectacle en direct live
Oh bah dis ! Les cerfs aussi viennent tâter la vague à Nazaré 😂
8ème édit° du Tudor Nazaré Big Wave  24/25. Passé de peu. Petites vagues aujourd'hui 😅
Entrudo, la fête de l'année au Portugal
Fête où tout le monde se déguise

Prochaine gare maritime : Péniche. Réputé aussi pour ses spots de surf, nous espérons bien être cette fois acteurs plutôt que spectateur des surfeurs 😛  

Insha'Allah ! 


Ci-après, bonus avec un rose crépuscule où tout devient silence.

Les teintes s'atténuent, accompagnent l' indolence 

D'une nature qui s'endort comme le jour au couchant

Laisse place à la nuit en attendant l'aurore

🌸

Praia Do Sul 1
Praia do Sul 2 🌸
Praia Do Sul 3
Praia Do Sul 4
5
6
7
Et 8
0 commentaire