Si à Matosinhos nous n’étions pas franchement convaincu par la beauté du paysage (bien que si on cherche bien, on trouve toujours des mignonneries ici et là !), nous le sommes en revanche déjà avant même d’avoir posé un pied à Nazaré. Nous entendons bien évacuer une bonne fois pour toute le port de Leixões où transitent environ 14 millions de tonnes de marchandises par an. Pas étonnant qu’on eut failli se prendre un cargo à notre arrivée 🤭
100 miles nous séparent de cette destination rêvée ! Soit une vingtaine d’heures sur une moyenne de 5 nds. Un grand saut vers le sud aisément réalisable au vu des jolies et semblerait-il fiables conditions annoncées. Nous partons vendredi 28 février sur une navigation “pépère” dès les premières heures en mer. Avec des alternances vent arrière et grand largue, puis des houles longues de moins de 2 mètres, Auto notre pilote se charge de tenir la barre pour notre plus grand bonheur ! Une saveur nouvelle pour nous qui avions l’habitude “d'escalader” des surfaces préférablement (ou pas !!) bossues et chahutées. Lorsque nous sommes vent arrière, notre Bostick est de sortie. Nous avons aujourd’hui le plaisir de constater la stabilité des voiles sans que nous n’ayons à intervenir. Pas même le petit doigt 😊 Dès lors, le bateau est complètement stable ce qui nous offre le loisir, pour la première fois depuis que nous sommes partis, d’écrire et de lire durant une navigation. Des associations absolument géniales donnant aux unes et aux autres une manière originale de les aborder 🤩 Plongés dedans, nous levons de temps à autre la tête pour admirer des paysages naturels parfois déserts, retirés de toutes vies humaines et de toutes habitations. Parfois sobrement empreintes de sommaires bourgades ou de quelques bicoques. Aussi, notre embarcation devient plus grande. Par cette douce traversée, nous voilà décloisonnés du cockpit permettant à nos corps mous de se laisser bercer par les flows. Assis ou en position allongée sur la plage avant du bateau ou bien sur des passes avant, ces derniers, profusément exposés à la chaleur et la lumière du soleil. Hummm, il y a du changement dans l’air 😌 Nous avons le sentiment d’avoir passé une ligne frontalière imaginaire, entre le Portugal civilisé et le Portugal originel.
À l’approche de la soirée, nous sommes toujours sous spi. Nous filons droit devant sans efforts et sans aucun problème tandis que naît l’idée dans la tête du capitaine d’affaler Bostick. Nous ne sommes jamais très prudents. Il faut s’assurer d’une stabilité météorologique pour que de nuit, nous puissions le laisser se dandiner. Or, ce n’est pas d’actualité ces derniers temps.
Avait-il eu le nez fin ? Décision prise, au moment d’aller s’afférer à la tâche, Marvin remarque une anomalie pas très rassurante. L’écoute de spi côté tribord est sur le point de lâcher. Son aspect laisse penser qu’elle a été rongée par une souris. Une souris ? Dans notre bateau 🤔 ? Cette hypothèse ne tient pas la route. Par contre, la possibilité que la mâchoire du tangon venant l’attraper et l’enserrer ait causé ce dommage, là tout de suite, ça prend du sens ! Il faut agir.“Océane, regarde bien l’anémo pour que l’on reste vent arrière et pour déventer le spi” me demande Marvin. Je m'exécute alors que lui-même s'empresse d’aller libérer l’écoute en question. Trop tard. Apparemment, elle ne tenait plus qu’à un fil. Se livre alors sous nos yeux un jeu de résistance de ce bout de ficelle dans les dernières secondes, sa première danse désinvolte dans les suivantes. Le ragage trop avancé a fini par rompre le lien qui les unissait et maintenant, le seul homme sur ce bateau devient un singe. Marvin essaie d’attraper l’écoute qui se fait la malle et il y parvient assez rapidement. L’épreuve suivante : celle qui devait être la première, c’est-à-dire affaler Bostick.Toujours à la barre, je m’assure qu’il reste bien déventé derrière la GV. Marvin libère la drisse de spi et passe à bâbord pour le faire dégringoler. En général sur un bateau, tout doit se faire rapidement si on ne veut pas commettre d’accidents. Ceci est vrai mais ne dispense pas le matelot chargé de cette opération, d’observer tout ce qui se passe et tout ce que ses manœuvres induisent. Dans la précipitation, il omet de porter le regard en haut du mât qui nous aurait bien éviter des heures futures et à venir de travaux de réparation. Une petite roulette anti-ragage le long du bas-étai n’est visiblement pas d’autre part, un “anti-déchirage”. À proprement parler, l’affaire est dans le sac ! Malheureusement, elle l’est avec une déchirure d’une dizaine de centimètres. Je suis navrée pour mon capitaine, aussi mon ami, pour Bostick qui s’en sort tout de même avec une plaie raccommodable.
Il est 8h30 ce samedi 1er mars et déjà là, l’humeur bougon d’Eol s’est envolée pour laisser place à des conditions semblables à la navigation d’hier. Cool et relax, l’orage, pour autant, s'installe peu à peu. Insidieusement, le ciel s'assombrit sans jamais mettre le soleil sur la touche. Le petrichor cependant nous met la puce à l’oreille. On se prépare à recevoir cette fois les fureurs de Zeus. C’est d’abord un agréable spectacle tant le jeu des couleurs s'étoffe au fil de l’eau. Je quitte ma sieste, agrippe mon appareil photo et ne l’abandonne plus durant une bonne heure. On dirait un chien qui ne veut pas lâcher son os. Ce n’est pas grave, je profite de l’instant sans modération. La prise de photos ne me coupe pas de la contemplation bien au contraire. Elle sollicite chez moi davantage de présence, une observation accentuée, une concentration renforcée et une attention soutenue. Je scrute l’horizon dans le moindre détail, rien d’autre ne compte, rien d’autre n’existe sinon le tableau qui se présente sous mes yeux. Le spectacle n’est que meilleur et déjà là le sentiment d’accomplissement éclôt.
Vient le moment où il faut tout de même décrocher ! Le ciel noircit d’épais nuages laissant échapper maintenant des pluies torrentielles que même un geyser de l’espace ne réussirait pas à nous tremper de la sorte ! Un premier éclair éclate écorchant la résolution de l’image définie par nos pupilles. Pour quelques secondes, nous devenons aveugles. 1, 2, 3, 4 et survient maintenant le grondement sourd brisant le son taciturne de la mer dans ses beaux jours. L’orage est à moins de 500m de notre position. Heureusement, le mât nous protège en nous servant de paratonnerre, quelle aubaine ! S’il se prend la foudre, Yes Aï prend feu. Qui dit pas de moteur dit pas d’essence 👍 Qui dit cuisinière dit alcool à brûler, un puissant inflammable 👎 Faisons les choses bien, accostons aussi vite que possible notre ponton d’accueil ! Et pendant que le tonnerre gronde, le déluge s’amplifie, le vent tombe sensiblement, ralentissant notre vitesse à 2.5 nds. Mais voilà, nous y sommes. Spongieux et saucés comme jamais nous y sommes malgré tout. Cela suffit à étancher nos esprits échauffés par le feu de Zeu venu nous balayer d’un revers de main !
Ancien village de pêcheurs, Nazaré comptait autrefois ses habitations sur les parties hautes de la ville Sítio et Pederneira uniquement car les fréquentes attaques des pirates algériens faisaient de la grève un lieu peu sûr. Par ailleurs, j’ai lu que jusqu’au XVIIe siècle, l’océan couvrait toute l’aire aujourd’hui occupée par la Praia Da Nazare et les plus récentes maisons. De rapides transformations géologiques auraient provoqué le recul de la mer et l’ensablement de l’aire, découvrant ainsi la baie.
Je me demande si étymologiquement parlant, Nazaré vient du prénom “Nazar” d'origine hébraïque venant lui-même de « nazir » signifiant « mis à part, consacré » mais il est vrai que déambuler dans ses petites rues ou sur ses longues plages donne une impression d’être “hors du temps”. Nous apprécions ces lieux et surtout la nature qui prédomine ici, sa falaise vertigineuse où repose le fort de São Miguel Arcanjo, une terre riche de couleur ocre sur laquelle une végétation bien verte semble garder de sa fraicheur toute la journée. Bien sûr, le pourtour océanique qui ne se lasse pas de mettre en pâture ses forces surnaturelles que tant d'hommes ont péris en s’y étant frottés..l'Entrudo est célébré au Portugal depuis le XVe siècle. Chaque année s’organise ce carnaval représentant l'un des « cycles » festifs les plus importants du pays. Avec leurs propres caractéristiques dans chaque localité, les carnavals portugais les plus célèbres comptent notamment celui de Nazaré. Nous assistons à son démarrage et ne sommes pas mécontents de repartir finalement assez expressément comparé à nos habitudes forcées ! 3 jours plus tard, nous avons de toute façon profité de tout ce que nous souhaitions faire ici en prime, eu le plaisir d’avoir pu admirer des surfeurs se jetant dans la mâchoire jamais en reste de viande humaine ! Ces jours-ci, elle avait un petit appétit : 6 à 8 mètres seulement 😅
Prochaine gare maritime : Péniche. Réputé aussi pour ses spots de surf, nous espérons bien être cette fois acteurs plutôt que spectateur des surfeurs 😛
Insha'Allah !Ci-après, bonus avec un rose crépuscule où tout devient silence.
Les teintes s'atténuent, accompagnent l' indolence
D'une nature qui s'endort comme le jour au couchant
Laisse place à la nuit en attendant l'aurore
🌸