Cap sur Camaret

Publiée le 16/11/2024
Jamais il y a un échec, soit nous gagnons, soit nous apprenons

5h00 du matin “Bbbbrrrrzzzzbbrr”, vibration du portable sur la table, départ dans 30 minutes. Difficile de se ôter de dessous de la couette, où il fait bien chaud et alors que dehors le froid est plutôt saisissant. À mi-chemin entre le sommeil et l’éveil, nous enfilons nos équipements de navigation. En ce qui me concerne, la question ne se pose même pas : c’est leggins et salopette de quart par-dessus, direct ! La raison pour laquelle nous nous sommes contraints de nous lever si tôt suffit à nous donner de l’énergie et de la motivation  ! 

Après 2 jours complets et 3 nuits au petit port de l’Aber Wrac’h, ballotté par un vent de force 7 sur l’échelle Beaufort (BF) (outch, ça cogne!) Jeudi 14 novembre, 5h40, nous quittons le port aussi discrètement que lorsque nous étions arrivés. Enfin presque.

Marvin : Ok Océ, tu peux hisser la grand voile (GV) !

Océane : Attends, je ne vois rien, je ne sais pas ce que je fais là … Oooh je me suis trompée de bout !

Marvin : T’as tirer celui du ris … (bout permettant de réduire la surface de la GV en la repliant en partie sur elle-même)

Océane : AAAh c’est ça !

Un quart de tour sur nous-même et en avant Guingamp !

Grand voile hissée haute et petit bout de génois à contre, Yes Aï se cale et vient s’appuyer sur son ¾ arrière tribord. On borde la grand voile (GV), on empanne le génois (changer d'amure c’est-à-dire le côté duquel le voilier reçoit le vent en passant par le vent arrière) et en avant Gingamp !! Ah je l’ai déjà dit ? Oups …

En avant mais pas trop vite tout de même. “Il ne faudrait pas réveiller les poissons et tous les oiseaux marins qui dorment encore” nous chuchote Yes Aï. La nuit, on s’offre le privilège d’écouter le silence… Seule, la coque effleurant la surface de l’eau laisse émerger un léger et continuel frémissement. Le gazouilli de l’écume n’interfère en rien cette quiétude. Elle nous rappelle simplement que c’est de ce silence que naît le son. 


1h30 plus tard, le vent est toujours très faible et faisant cap à l’Ouest nous n’avons d’autre choix que de le recevoir vent arrière, voiles en ciseaux, une fois de plus. La mer encore bien démontée par le vent très fort qui a soufflé ces 2 derniers jours, crée une houle inconfortable et anarchique. Yes Aï se prend quelques fessés venant faire claquer ses voiles et nous faisant parfois quitter notre état de bohème. Nous restons concentrés tout de même car nous devons suivre et passer plusieurs balisages à ne surtout pas manquer ! Entre autres pour ne pas se retrouver le nez planté dans la caillasse ! Sur ce début de parcours, nous assistons à un merveilleux couché de lune ! Quelques minutes durant, les sombres nuages jusque là les rois du ciel abdiquent et se prosternent face à cette grande reine de la nuit. Un rond presque parfait, de couleur orangeâtres semblable aux couleurs de la braise vient trancher avec celles obscures venant des ténèbres. S'ensuit ultérieurement sans surprise le levé du jour où quelques farandoles de fous de bassan, dont notre présence ne semble pas les perturber (pas plus que celle des cormorans se tapant l’incruste dans leurs danses) tracent leurs routes d’un air décidé ! C’est là encore un spectacle de la nature : Le soleil prend place et fait jaillir sa lumière juste derrière le phare du Four, Forcément, tout juste au moment où on y passe à côté :)


L’objectif du jour est de profiter du courant favorable ainsi que du retour du vent de Nordé annoncé à 3 BF pour rallier Brest en 6, 7 heures. C’est sérieusement mal parti puisque ce dernier se fait aux abonnés absents pendant de longues heures. Capitaine Obi wan usant toujours de son implacable optimisme imaginait je cite, mots pour mots “une vitesse moyenne à 6 nœuds (+/- 11km/h) sur le fond nous envoyant sur le tapis roulant du Four avant 9h !”.Il va s’en dire que l’on s’est fait leurrer par les prévisions météos (pour changer ..). “Il est déjà 10h (écrit-il ensuite sur son carnet de bord) quand nous saluons la bouée latérale bâbord Valbelle, porte d’entrée du chenal du Four pour nous qui venons du Nord-Est. Le courant y est presque nul mais la bascule (passage d’une marée montante à une marée descendante, ou inversement) vient de se faire. Nous aurons donc désormais le courant dans le nez et il ne fera que croître pendant les 3, 4 prochaines heures.” Youpi ! À la hauteur de Lampaul-Plouarzel, le flot portant au nord s’est bien installé et le vent ne cesse de mollir jusqu’à tomber complètement...Ça pue ! Avec détermination et patience, nous faisons le “bouchon” , terme tout droit sorti du jargon marin pour dire que nous faisons littéralement du surplace.

Notre patience à ses limites, changement de plan, demi-tour : on vire et on remonte à Lanildut. Selon nos estimations, le port se trouve à 1h30 de notre position actuelle. 

Un petit quart d’heure plus tard, la nature se joue de nous : 

Océane : C’est moi où le vent est revenu ?

Marvin : Ce n’est pas toi. Ça s’est levé et avec le flot on fait maintenant du 6nds sur le fond. On sera finalement à Lanildut dans moins d’1 heure. Ça donnerait presque envie de réessayer de forcer le passage du Four non ? Ça peut encore le faire si le vent ne nous lâche pas cette fois…

Océane : Allez on essaie !

Marvin : Paré ?

Océane : Paré !

Marvin : Çaaa viiirreeee !

Et nous voilà donc repartis dans le sens inverse, cap au sud, à contre-courant mais avec suffisamment d’air dans les voiles pour filer un bon 2, 3 nœuds et passer enfin la Pointe Saint-Mathieu. 

Océane : Coucou Béguinette !

Marvin : Ce n’est pas plutôt Béniguette ?

Océane : Ah oui rooohh.. Tu peux rire toi avec ton “directionner” de ce matin 😛

Tout ça c’est bien joli mais avec le retard que nous avons pris, il est quasiment inenvisageable de viser Brest. Avec une allure de près, on ne peut pas viser le goulet d’une traite,  il nous faudrait sans arrêt tirer des bords pour arriver de nuit par-dessus le marché !

Sans une once supplémentaire d’hésitation, nous faisons alors cap sur Camaret. Babôrd amure, 6 nds, belle gite, ouhhh ça change ! Ouhhh ça pulse ! 

Nous usons des dernières cartouches d’énergies qu’il nous reste pour se payer le luxe d’accoster un ponton intérieur au cœur de la marina, de quoi pour Yes Aï étendre ses longues nageoirs dans une eau calme et pour nous, passer des nuits dans une approximative immobilité. Sous les yeux des équipages des Glénans, nous exécutons une parfaite manœuvre il faut bien le dire ! Sous nos allures de pirates, nous approchons le ponton sous voiles (puisque sans moteur je vous le rappelle). Marvin à la barre, moi côté tribord amarre à la main, je bondis avec grâce dans une élégance semblable à un saut de biche (non je n’en fais pas des caisses) et “tchoc” amarre au taquet (on saura d’où vient cette expression maintenant !), le bateau est désormais en sécurité pendant 2 jours au moins. Repos bien mérité !

l'Aube sur la côte Nord, ça remue !
Au revoir  lune, bonjour soleil
"Quand le Four prend feu" Obi wan
Phare du Conquet
Pointe Saint-Mathieu
Grand ciel bleu à Camaret-sur-Mer 15.11.24
Méduse Pelagia Noctiluca, les "piqueurs mauves"
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