Dernières étapes avant le sud du Portugal

Publiée le 04/04/2025
14.03.25 → Sesimbra 16.03.25 → Tróia

Il n’a jamais été question de se rendre et de rester très longtemps à Cascais. D’ailleurs, elle ne s’est même pas posée du tout. En réalité, nous avons été contraints d’y faire un stop puisque le vent a cessé de souffler de manière inattendue jeudi 13 mars au soir. Notre but était de rejoindre Oeiras à 5 milles plus loin. Notre motivation première, au-delà de faire une pause, était de profiter des petits pains servis gracieusement par le port. Ce n’est quand même pas tous les jours que cette occasion se présente et certainement pas dans une marina ! Dommage … Mais peut-être aujourd’hui quem sabe ?

Nous sommes vendredi 14 au matin je me réveille et entre deux trois clignements des yeux, essaie de remettre de l’ordre dans mes idées alors que je ressens Yes Aï dans une dynamique différente d’un bateau sagement amarré à un ponton… Mais que se passe-t-il ce matin ? J’entends quelqu’un qui s’affaire sur le pont. Des pas lourds et brutaux claquent la fine couche de polyester séparant le milieu extérieur à celui de ma cabine. Retentit le battement d’une écoute frappant la plage avant et le cri strident et étranglé d’un winch qu’on serait venu réveiller trop tôt . C’est en tout cas la manière dont ces bruits,  je qualifierais plus exactement de turbulences, parviennent à mes oreilles en cette chaude matinée juste après l’aurore. Le trémoussement de ma demeure n’est maintenant plus reçu comme un message alertant, j’ai bien compris ce qui se passait. Marvin s’est réveillé 1 heure plus tôt et a décidé de prendre le départ, voulant me laisser dormir encore un peu. Ma maison prend de la vitesse et penche nerveusement sur la gauche !  Pour essayer de tenir debout, mon corps encore endormi et endolori par la traversée d’hier conjugue ses forces intérieures avec celles l’entourant telle que la table du carré central. À peine sorti de mon lit sandwich, je me saucissonne et me barricade dans ma tenue de quart en jouant les équilibristes. Quelques minutes plus tard, je suis dans le cockpit toujours hébétée mais assez dégourdie pour soumettre l’idée à Marvin de naviguer aujourd’hui 30 milles de plus. Plutôt que de frôler l’étouffement dans la ville calfatée d’Oeiras, pourquoi ne pas profiter de cette journée ensoleillée pour fendre les flots et trouver une nouvelle respiration, reclus dans le village reculé de Sesimbra ? Il n’en faut pas plus pour le convaincre, lui qui y avait déjà pensé quelques minutes plus tôt !  Très vite, nous nous retrouvons à l’entrée de l’estuaire de Lisbonne, à la jonction de l’océan atlantique et du fleuve Tage. Le plus long de la péninsule Ibérique, il mesure 1 078 km. Prenant sa source en Espagne, il parcourt ce pays pendant 802 km avant de longer la frontière avec le Portugal sur 48 km. Reste 228 km sur les terres Portugaise avant d’atteindre le surnommé “mer de Paille”. Les Lisboètes surnomment leur estuaire de cette façon à cause de sa couleur en fin de journée, lorsque le soleil couchant fait scintiller de jaune cette vaste étendue d'eau. Et quand les eaux d’un fleuve rencontrent les eaux d’un océan, ça donne en général un brassement assez festif. Par endroit, les hauts fonds (ici des bancs de sables) soulèvent les 2 mètres de houle pour les transformer en 2 mètres de vagues déferlantes. C’est exactement ce que nous observons côté tribord, à 500 mètres de là où nous sommes et vers lesquelles nous sommes en train de dériver doucement. Sur une vitesse d’1.5 nœud, nous nous faisons “dépaler” par l’action du fort courant de jusant. Dans une molle arrivée à point nommé, le bateau perd alors de sa manœuvrabilité et dévie dangereusement de sa trajectoire. Manifestement, nous nous livrons à une lutte sans fin ou, s’il en existe une belle et bien, elle s’annonce définitive pour tous les 4 !

Nous virons de bord et un souffle puissant venu de je ne sais où gonfle nos voiles. Vraiment ??? Dans l'incompréhension mais heureux nous rebroussons chemin et évitons le danger maintenant derrière nous à bâbord. Cette épreuve maintenant surmontée marque le début d’une expédition sous le signe de l’exploration comme nous en avions jamais fait auparavant.

Les plaines côtières boisées de pinèdes de la réserve protégée Costa de Caparica sont un régal pour nos yeux. Elles commencent à effacer les quelques pensées amères qu’il nous reste et nos humeurs moroses imputées par notre rencontre de la veille. Les longues plages sauvages se succèdent pour laisser place à de splendides falaises fossilifères. Au fur et à mesure que nous avançons, la terre devient plus aride, se verticalise et se transforme en de couches rocheuses de calcaire brun jaunâtre. Devant nous s’élève un escarpement rocheux vertigineux, en nous, un sentiment grandissant de gratitude et de consolation.

Aussi, un sentiment de paix et de sécurité qui je le sais me viennent à mesure où je m’éloigne d’un milieu civilisé. Lorsque je voyageais seule, je m'aperçevais effectivement d’une certaine ambivalence chez moi. Il y avait un côté rassurant à revenir ou ne serait-ce qu’à me rapprocher des espaces urbains. Comme s’il me fallait quelque fois me piquer d’un jus social pour apaiser une peur de trop m’éloigner de ma condition humaine ou rassasier un besoin de me sentir en communauté. Pourtant, c’est en extrayant cette fallacieuse liqueur de mes veines que la peur devient sécurité et que je sens m’imprégner et m’envelopper d’une exquise liberté.


Au niveau du Cap Espichel, nous apercevons une église qui se révéla être un sanctuaire. Un phare, qui se révéla être … un phare… en fait… ☺️ et une bâtisse. Petite d’ici mais grande de là-bas je pense 🧐 qui se révéla être un Posto de Observação que je traduirais comme étant être un poste d’observation 🤓 (Parfois, je m’impressionne de par ma haute perspicacité 😁). 

Je continue d’être fascinée par la beauté des fous de bassans qui commencent à intégrer le paysage. À les observer, je reconnais l’imitation que l’homme à chercher à réaliser en construisant des avions de chasse. Nous les voyons planer longtemps sans besoin de produire un seul battement d’aile, vriller sur eux-même à une vitesse folle et plonger à pique sur leurs proies, transperçant la surface de l’eau comme si c’était un revêtement de fibres de coton. Cela dit, du coton bleu. Un bleu dont les nuances parfois se superposent parfois se dénotent selon ce que le soleil en a décidé. Persiste tout de même ce bleu sarcelle, qui se fait de plus en plus présent et qui se rapproche graduellement de la couleur turquoise. Cela suffit à nous envoyer dans les Tropiques bien que ça ne soit en vérité qu’une impression 😌

Passé le Cap Espichel, ce n’est qu’un enchaînement de majestueuses et merveilleuses paroies rocheuses entre lesquelles s’interposent quelques plages féeriques où on aurait envie de s’y arrêter et jeter l’ancre ! “On aurait”, car ce n’est pas la météo trop incertaine de ces jours-ci qui nous encourage dans ce sens. C’est dans la direction de Sesimbra que nous avalons nos derniers milles et passons la barre des 1000 milles parcourus au total depuis notre départ de Morlaix ! 🥳

poste d'observation
phare du Cap Espichel
Cap Espichel & fou de bassans
Falaises qui se prêtent à l'escalade
Et à la photographie bien entendu :)
De grands et impressionnants dauphins

À l’avant port, voilà ti pas que l’on revoit encore de pitits dauphins en chasse, nullement préoccupés par le trafic des bateaux de pêche coupant leurs ronds dans l’eau. C’est sur une bonne note de fin que nous accostons le port aidés (encore) par un français prénommé Serges. Selon ses dires, nous avons atterri dans un endroit chaleureux, les gars du port étant très aimables et très serviables. Quelques minutes plus tard, un marinos se présente à nous et nous laisse une impression complètement inverse. D’un air boudeur et sur des phrases portugaises que nous ne comprenons guère, il semble nous grogner que nous ne sommes pas placés au bon endroit. Nous lui disons que nous voyageons sans moteur ainsi, par sécurité pour nous et celle des autres, nous avons choisi cette première place, la plus proche de la sortie du port. Cette nouvelle information passe on dirait bien pour une offense si les mains sur les hanches, la tête levée au ciel et la bouche grande ouverte laissant échapper un grommellement, témoigne vraiment de cela. Nous parvenons à comprendre finalement que nous sommes sur une place d’un voilier de 18m et en restant là, nous allons devoir payer le prix en conséquence. Au bureau du port, on nous réclame alors la somme de 43€ pour une nuit… Délirant ! 😮 On nous explique qu’un occupant “résident” mais actuellement absent répond à un loyer annuel, que le règlement veut qu’un bateau visiteur s’installant sur une place réservée pour un 18m, doit payer pour un 18m quelle que soit sa taille. Ainsi donc, ils se donnent le privilège d’un double gain sur un même emplacement et sans l’ombre d’une gêne, raquettent en quelque sorte de jeunes voyageurs vivants déjà à moindre coût sur un petit bateau. Eux qui pourtant, vivent à l’évidence richement sur une paillasse de billets à 3 ou 4 chiffres si on tient-compte de leurs infrastructures, le nombre d'employés et l’activité touristique bien présente bien que nous soyons actuellement hors saison. Cet événement sonne comme une injustice qui s’additionne à celle vécue la veille. Nous repensons à cette phrase que Montesquieu avait écrite « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi mais elle doit être loi parce qu’elle est juste.» Le plus décevant dans tout ça, c’est la conclusion que nous ne pourrons pas profiter aussi longtemps que nous aurions aimé de Sesimbra. Ses montagnes, son village, son port, la couleur de l’eau, le calme, tout semble être absolument… sexy ici ! 

Le lendemain, notre molosse de marinos toujours aussi mal-luné ne nous a guère oublié et semble s’amuser à jouer les trouble-fête de jour COMME DE NUIT, essayant par tous les moyens de nous faire dégager. Je vous passe les détails…Avant de devenir son bouc émissaire, comme de vrais pirates nous refaisons justice ce dimanche 16 mars... Au petit matin de ce jour saint, nous libérons la place de notre ponton de luxe pour rejoindre l’océan sans avoir payé notre dernière nuit. Et oui… L’océan, un territoire encore de nos jours relativement libre, non privatisé dont l’accès est illimité pour rallier la ville de notre exile : Setubal. 

À l'approche du port de Sesimbra
Cabo de Ares, pointe à l'est de Sesimbra
Sesimbra, port de pêche avant tout
L'avant port et les dauphins copains en chasse
Et où c'est qu'il est Yes Aï ?? :D
Au détours du balade à Sesimbra <3
L'homme met vraiment ses doigts partout ! Cependant,la beauté de la nature reste inchangée

Ce dimanche 16 mars, nous enquillons notre 29ème traversée. 10 milles nautiques dans de superbes conditions du début à la fin, sur une mer lisse sous spi et SANS PÉTOLE ! Quel gros kiffe !! 🙏 2h30 de promenade sur l’eau en longeant les derniers kilomètres de la chaîne de montagnes d'Arrábida avant d’entrer dans le large estuaire Do Sado séparé de l'océan par la péninsule de Troia. Ce banc de sable de plus de 25 km de long et de 0,5 à 1,5 km de large d’un côté nous attire comme un aimant. Setubal, de l’autre, beaucoup moins. À la question : Où allons-nous ? La réponse me vient illico de manière explicite. Il suffit que je tourne la tête à droite pour qu’une vibration agréable parcourt toute la partie haute de mon corps. En tournant la tête à gauche, celle-ci disparaît aussitôt.

Nous changeons donc d'avis. Setubal, c’est tout bien, c’est de la balle mais ce n’est pas pour nous ! Après 2, 3 tentatives, nous finissons par entrer dans l'étroit passage menant donc au petit port sur pilotis de Trioa..

Tout spi dehors !
Arrivée à Troia

Nous y séjournons 8 jours, entre une nature sauvage très présente et des immeubles futuristes. Ce lieux ne nous laisse pas indifférents. Marvin fait le lien avec le film de science-fiction américain Elysium, écrit et réalisé par Neill Blomkamp. L’histoire se passe en 2154 et raconte la vie d’une petite partie de la population humaine, les plus riches, sur une immense station spatiale puisque la terre surpeuplée est entrée en état de décomposition.  Charmant n’est-ce pas ? Figurez-vous qu’il n’était pas très loin de la réalité ! Nous apprenons plus tard que cette commune nouvelle pourrait être l’œuvre d’une sorte de Mafia Portugaise 😂 Je lis sur Wikipédia : En 1999, SC Investments (anciennement Sonae Capital) a repris la gestion de la station touristique, en investissant directement plus de 300 millions d'euros dans la rénovation des hôtels, du golf, de la marina et du service public de ferry depuis Setúbal. En 2025, la famille Azevedo a vendu les actifs de Troia au fonds britannique Arrow Global.

En attendant, la vie ici nous est douce et reposante. Les rues en ce moment sont totalement vides à en oublier de marcher sur les trottoirs et à en laisser Cahuette vaquer seule à ses occupations. En résumé, traquer des odeurs et pister les nombreux chats habitants le port sont ce à quoi ressemblent les journées de notre cher toutou chasseur. Pour autant, l’équilibre et le respect de la nature semble être une priorité pour les propriétaires des lieux qui lui reconnaissent un écosystème particulier. Une passerelle notamment est empruntable protégeant la vulnérabilité des dunes et reliant la marina aux plages. Entre les étendues de sables, les forêts de garrigues et les zones herbeuses, tout comme la Huette (Cahuette), nous nous laissons aller à un jeu de piste en découvrant une multitude d’empreintes de renards, quelques autres assez grosses de cervidés ou encore certaines de résidents à plumes. Immergés dans cet environnement régénérant, nous redécouvrons ce que c’est d’être réellement dans un havre de paix. De ce fait, on ne boude pas quelques beaux instants méditatifs, coupés du vent sous un réchauffant et généreux soleil printanier. 

Enfin, pour couronner le tout, l’occupation d’un bout de ponton ne nous revient cette fois qu’à 20€ la nuit sur une place pourtant réservée à un 18m. Si si ! Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences !

Jusque là, il était inimaginable d’espérer une semaine de tranquillité dans une station balnéaire comme celle-ci, même en basse saison. C’est exactement ce qu’il nous fallait avant de passer à la prochaine étape qui sera de rejoindre la côte de l’Algarve.

Passerelle Troia
Colonie de chats semi-sauvages avec leur abri derrière devenu une attraction touristique
Entre mer et terre, dunes et rivière..
longues étendues de sables blancs
Des étoiles de mer et de gros coquillages
Des renards et des Alouettes (je crois)
Montagnes au loin, diverses plantes pionnières en avant plan
Passage involontaire dans un "eco-village" Moana, mon prénom en Maori
Et de l'autre côté de la dune
Une faune pas méconnue :p
Une flore exceptionnelle
1 commentaire

Mouette

Que d aventures décidément !! En seulement quelques mois ! .. que la bônne étoile vous protège encore jusqu au bout de l aventure ! Bravo et bisous !
A bientôt !
Mouette ,maman

  • il y a 6 jours
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