Dernière étape en Espagne : Baiona

Publiée le 09/02/2025
"Le temps est trop lent pour ceux qui attendent, trop rapide pour ceux qui ont peur, trop long pour ceux qui souffrent, trop court pour ceux qui se réjouissent, mais pour ceux qui aiment, il n'existe pas." Gregg Braden

Nous sommes samedi 22 janvier, il est 16h30. Le vent est Est et assez fort, convenable pour tracer vers Baiona, relevant du défi pour sortir de notre emplacement. Nous l’avons dans le nez rendant difficile la manœuvre. Nous sommes aidés de notre ami Benoît et un voisin de ponton français qui tentent de pousser le bateau depuis les pontons. Rien à faire, après plusieurs tentatives, Yes Aï tergiverse et ne fait que dériver dans tous les sens sauf celui souhaité. Nous finissons par renoncer et le ré-amarrons au catway. Quelques minutes plus tard, nous sautons sur l’occasion de voir un homme typé espagnol et typé “pêcheur” sur le ponton voisin et lui demandons un remorquage. “Pas de problème” nous répète-t-il avec une gestuelle on ne peut plus claire. Il nous fait signe de retourner à notre bateau et nous fait comprendre qu’il revient dans quelques minutes. Comment ? Avec quoi ? Avec qui ? Lui seul le sait ! Juste le temps pour Marvin de se faire couler un caf’ (sans le boire) et voilà notre bienfaiteur faisant réapparition assis dans un petit bateau de pêche. L’opération qui suit ressemble comme deux goûttes d’eau à notre sortie du port de Morlaix au commencement de notre voyage. Nous nous mettons à couple et 15 minutes plus tard, nous remercions Francisco de son aide en lui offrant notre dernière bouteille de vin français. Il est 18h, nous présumons arriver à Baiona à 1 heure du matin au vu de la vitesse à laquelle nous sommes littéralement soulevés. Une houle de 3m50 ¾ arrière et un vent portant d’une moyenne de 7 nœuds… La nuit est tombée et nous distinguons à peine les vagues du ciel. Dans de telles conditions, les perceptions sensorielles sont en éveils dans leurs plus haut point. Il nous manque toutefois la vue. Agitée comme tous les autres sens, celle-ci trouve difficilement ses repères. Par miracle, nous ne sommes pas malades. Manque de pot cependant, c’est ce soir, en plein milieu de cette débandade acharnée que mon corps déclenche l’alerte rouge. Dans ces circonstances, je me sens fatiguée, fragile physiquement et mentalement et je cède même à la peur sur les grosses pointes de vitesse. L’une d’entre elles atteint le record des 13 nœuds. Je peine à me projeter 6, 7h sur l’eau, affrontant à la lampe frontale les éléments déchaînés. C’est pourquoi survient la “partielle” mauvaise décision : Changer le cap pour réduire notre trajet. Ribeira est une commune qui longe la Ria de Arosa. Plus proche de notre position actuelle que la Ria de Vigo. Cette nouvelle direction cependant nous oblige à faire du près pendant 2 heures sur une moyenne de 4.5 nœuds. Résultat, au lieu d’arriver à Baiona sur les coups d’1 heure du matin, nous arrivons à Ribeira à 00h soit seulement 1 heure plus tôt que prévu... En outre, l’allure de près est la plus dépensière d’énergie. D’une part, la gîte nous demande plus d'efforts pour garder l’équilibre et d’autre part, nous recevons le vent glacial en pleine poire. Je parle ici du vent apparent. Il s’agit du vent réel ajouté à celui créé par le bateau. 

Le lendemain matin, nous trouvons tous les arguments possibles pour donner raison à notre décision prise la veille. 

Revigorés par une bonne nuit de sommeil, il devient tout suite plus facile de les reconnaître. Ce matin, les conditions météos et celles pour la navigation sont au top, bien meilleures que celles endossées hier ! En ayant d’or et déjà parcouru 20 milles, nous avons gagné du terrain et raccourcit la traversée d’aujourd’hui. (Non négligeable en hiver où les journées sont plus courtes et la pénibilité accrue). De jour plutôt que de nuit, nous pouvons admirer la vue sur A Illa de Arousa, longer l’île de Sálvora et passer à côté du Parc national des Îles Atlantiques de Galice ainsi que l’archipel Cíes. Pour la première fois depuis notre départ de Bretagne, l’intensité lumineuse nous oblige à sortir les lunettes de soleil, c'est dire ! Nous arrivons en début de soirée à la hauteur des îles Cíes quand tout à coup… pétole ! Nooon si près du but !! Pourquoooii ? Pas encore ! 😭😆


Nous aimerions bien être davantage entendu des dieux Zeus, Olympe, Paulolon et compagnie car trop souvent, à l’approche de l’arrivée, tandis que la destination est bien en ligne de mire, on se fait tout bonnement encalminer. Une Française vivant en Espagne nous a donné sa théorie sur ce phénomène jouant lourdement sur les nerfs.

Globalement, elle nous explique que des poches de pétoles peuvent apparaître et seraient le résultat de la rencontre du vent établi avec un vent thermique venant de la direction opposée. C’est dans ces épisodes que l’on passe d’un 6 ou 7 nœuds bien solide à un 0 tout rond !

Benoit désormais épaulé par Anaïs une française qui l’a rejoint hier  à Muros apparaît derrière nous comme notre sauveur. Vraisemblablement, il est entré dans notre vie comme notre messie providentielle car le coup du sort fait qu’il se trouve toujours au bon endroit au bon moment pour nous épargner de longues nuits à la dérive. Merci cher ami belge, grâce à toi, nous allons pouvoir baisser notre vigilance et dormir paisiblement au Monte Real Club de Iates de Baiona 💤

Lorsque le soleil manque à nos journées, vivant là dans un bateau, on réalise toute l’importance qu’il a pour nous et toute la place qu’il prend dans notre vie. Dans cette vie et bien plus que dans tous autres, notre joie de vivre en dépend. Dans ce contexte, son absence nous retire bien plus que sa lumière. Il représente en effet notre énergie, notre booster, une nourriture, nos sorties, nos balades, nos respirations même etc. Après deux fabuleux jours passés ici à Baiona (première localité européenne à avoir appris la nouvelle de la découverte par Christophe Colomb de ce que le navigateur considérait, à tort, comme la route des Indes) et contre toutes attentes, la tempête s’installe violemment pendant près d’une semaine. Nous ne pensions y séjourner que 2 ou 3 jours avant que n’arrive la prochaine fenêtre météo permettant de dévorer toujours plus de milles et enfin rejoindre le Portugal. Quel leurre !  Quelle supercherie ! Sans parler des avis de grand frais, ça n’est que la 4ème tempête que l’on essuie depuis 2 mois et demi. Essuyer oui, littéralement. S’en est trop aussi pour Yes AÎ qui maintenant, présente des fuites ici et là. À ma connaissance, un bateau est fait pour être SUR l’eau non pas SOUS l’eau. 🙆

Benoit et Anaïs participent à nous remonter le moral. On s’invite à manger, à prendre un café et nous passons des heures à discuter. Le soutien d’un entourage est précieux dans de tels moments. De plus, c’est très agréablement de parler avec de nouvelles têtes lorsque l’on partage entièrement sa vie avec une seule et même personne. On a beau entretenir de très bons rapports Marvin et moi, nous n’échappons pas à la nécessité de se séparer quelque temps ou de fréquenter d’autres gens. Cette nouvelle compagnie est très réjouissante car ce sont des personnes très positives, d’une grande tolérance et qui participent à nous ouvrir l’esprit. Avant notre départ, j’ai intérieurement posé l’intention de rencontrer au cours de ce voyage, des individus dotés d’une “grande sagesse”. Bien que je ne les connaisse que très peu, je ne pense pas insignifiant le fait est que je me souvienne de cela en ces moments précis. Je peux m’apercevoir et aussi déjà noter quelques enseignements qu’elles m’ont apporté (consciemment et inconsciemment). Merci la vie 🌹

Digue et plage attenantes au port de Baiona
D'un autre point de vue
Promenade autour de la pointe où se trouve le  "Castelo de Monterreal"
Vestige
Vue sur l'île "Estela de Dentro", les îles Serralleiras et la "Torre do Príncipe"
La tour vue de plus près
La plage par tous les temps c'est amusant :)

Quelques jours plus tard, retour au calme, à la détente. Là commence l’authentique repos. 2 jours de farniente, de lentes et requinquantes promenades avec réciproquement la réapparition du soleil. 2 jours à l'issue desquels, le 18ème départ s’entrevoit sur nos écrans de téléphone !

Depuis un monument représentant la vierge Marie  "Virxe da Rocha"
Panorama sur Baiona
Plage autour du château médiéval
Plage à l'est des deux ports de Baiona
Vue sur la Pinta; 1 des 2 caravelles de la 1ère expédit° de Christophe Colomb en Amérique

Vendredi 31 janvier, pas un pète d’air. C’est un contexte idéal pour tester notre installation godille. Nous quittons le port pour rejoindre le second de la même ville, à moins de 300 mètres plus loin . Alors que la majorité de nos interlocuteurs restaient dubitatifs quant à notre projet de faire bouger de cette manière, notre bateau pesant près de 3.5 tonnes, nous sommes à présent récompensés de notre ténacité et optimisme 😁. Déterminés et entraînés par cette réussite, nous décidons de partir demain en fin de matinée ! Ok, c’est risqué étant donné les 4 à 8 petits nœuds annoncés. Qu’à cela ne tienne ! Si le vent manque au rdv, nous reviendrons sur nos pas tels des godilleurs expérimentés…


Chose dite, chose faite ! 🤣 2h à l’aller jusqu’à la mi-distance entre les îles Serraleiras et le continent et 2h retour par la seule force de nos bras ! Que dis-je, nos bras et nos corps tout entier. Tout comme mes apprentissages passés en matière de massage, instinctivement, je comprends qu’il faut engager aussi bien les membres supérieurs que les membres inférieurs. Il s’agit d’une danse, d’un mime. Les mains empoignant le manche de la godille, comme un mollusque accroché à une algue. L’algue au contact des courants comme étant le reste du corps, se balançant lentement de gauche à droite et de droite à gauche…

À défaut d’être arrivés à notre prochaine destination, nous avons poussé le contrôle de la solidité de notre système de godille home made, au passage, poli le 1er ponçage de la structure en bois où se loge cette dernière et enfin, peaufiner notre maîtrise de l’exercice !

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