En ce mardi 24 décembre, le vent annoncé tarde à venir. En attendant, nous sirotons un petit café, partons faire une petite cueillette de citrons, revenons au bateau et dégustons un copieux riz au lait agrémenté d’amandes et de pruneaux.
13h, voilà le vent ! Et bien allons-y ! Départ au près tout schuss tout joyeux vers le Cap De Bares. Alternance grand largue et vent arrière ensuite vers le cap Ortegal, dans une mer hachée et un vent moyen de 10 nds. Beurk, le mal de mer refait surface. Dire qu’il suffirait de peu pour que l’angle à la houle n’ait aucun impact sur moi ! Un vent plus fort, quelques degrés ajoutés ou soustraits au cap actuel pourraient par conséquent éradiquer les hauts-le-cœur. Mais non, nous n’avons d’autres choix que de poursuivre vers la même direction étant donné qu’en chemin, il n’existe aucun port de substitution à celui que l’on vise… Quel délicieux réveillon me dis-je alors non sans humour évidemment et avec une pointe d'amertume, je l’admets. Je commence franchement à me lasser d’être mal en point à chaque traversée. Mon corps n’a pas encore appris de ses expériences passées et récentes. J’ai l’estomac en vrac, les viscères et les organes qui se tordent semblant ne plus savoir quelle est leur place dans ce corps allongé; le sang glacé propageant des vagues de frissonnement fortuites et les muscles tétanisés. Encore et toujours les mêmes symptômes après au moins 4 mal de mer déjà accusés. Terrassé par le mal, mon cerveau lui fonctionne encore très bien ! Je le savais déjà mais en navigation je me rends bien compte de ces permanents échanges intérieurs. Certaines personnes disent être plusieurs dans leurs têtes. En ce qui me concerne, nous sommes deux. Mais vindiou ce qu'elles sont bavardes !! Dans ces détestables circonstances, je reconnais l’éternel optimiste versus le méprisable pessimiste.
À l’approche du Cap Ortegal, le vent forcit à mon grand soulagement !
Pour finir, descendante vers le cap Prioriono puis vers la ria d’Ares. Notre allure varie avec alternance de molles dues au relief montagneux et de risées. Deuxième round, je suis de nouveau mal fichue. 1 fois, 2 fois, 3 fois et puis 4. On se fait encalminer jusqu’à 4 fois au moins avant l’atteinte de l’entrée de la ria. 23h, ici même dans cette nuit étoilée, nous distinguons un vieux gréement à deux mâts. C’est bien lui, ce sont bien eux. Le magistral “Tres Hombres” et son équipage dont nous connaissons un couple rencontrés au port de Morlaix. 2 confrères travaillant sur ce dernier comme Second pour l’un (Jules) et Cook pour l’autre (Julia) avec qui nous sommes restés en contact. Ce superbe bateau est un brick-goélette néerlandais relancé en 2009 sur la base d'un démineur allemand de 1943. Il est aujourd’hui exploité par la société néerlandaise Fairtransport Shipping & Trading comme navire de transport de fret à voile et navire-école. Il dessert aussi bien la côte Atlantique de l'Europe que les îles canaries, le cap-vert, les Antilles, la Manche, la mer du nord ou encore la mer Baltique et transporte des produits de qualité, essentiellement issus de l'agriculture biologique et du commerce équitable (vin, bière, rhum, café, cacao).
Nous tournons autour de ce superbe navire, le temps de saluer ces braves gens qui attendaient notre arrivée et avant de terminer notre journée, amarrés à un nouveau ponton, dans un nouveau port, sur un nouveau territoire pour une nouvelle nuit de sommeil écrasante.Le lendemain, nous sommes mercredi 25 décembre. Nous n'avions rien espéré et attendu de ce jour de fête. Néanmoins, c’est avec joie que nous acceptons l’invitation de passer le jour de Noël sur le Tres Hombres. De loin, peu importe depuis quel angle de la côte vous le contemplez, son apparence de bateau de pirate s'inscrit divinement bien dans le paysage. Que vous le vouliez ou non, il apparaît en arrière plan sur toutes vos photos sans jamais les enlaidir bien au contraire !
De près, son aspect général est fichtrement impressionnant et chaques pièces observées nous amuse puisqu’on ne peut s’empêcher de les comparer à celles de notre petit Yes Aï. La taille de chaque élément de son accastillage, l’envergure de ses gréements dormant et courant sont juste démesurés. Nous avons droit à une visite guidée et nous nous perdons dans chaque recoin. C’est un labyrinthe merveilleusement bien organisé.Un pied sur le Tres Hombres et vous entrez dans un autre monde, une autre dimension, une autre temporalité…. Autre qui me fait penser au pays imaginaire de Peter Pan. Marvin Cahuette et moi-même serions alors Wendy et ses frères et sœurs. Nous aurions été capturés (soit dit en passant, à l’aide d’un zodiaque) par le garçon désireux de rester un enfant à jamais et transportés vers ce monde fantastique et féérique où ses habitants ne seraient que des enfants, s’amusant en tout temps, vivant à tue-tête que de jeux et d’exploits.
Autre chose qui peut-être me renvoie par ailleurs à l’âge d’or de la piraterie. Pour parfaire cette impression, vous côtoyez les membres de l’équipage vêtus d’habits de laine, de chanvre, de lin, que de matières nobles et robustes. Jolis et commodes pour affronter le gros temps, les grosses mers, finalement envers et contre toutes laborieuses météos. Dotés de personnalités différentes, c’est un groupe uni où chaque matelot est reconnu, respecté, honoré. Étaient-ils tous bons avant de prendre part à cette aventure de convoyage ou est-ce l’univers dans lequel ils baignent qui les rendent ainsi ? Nous rencontrons et discutons avec les uns et les autres, tour à tour. Ils sont 15, sortent de nul part et de partout à la fois. Dehors sur le pont du bateau à la fraîche autour d’un verre et après avoir participé à la confection du délicieux repas (ravioli maison si on peut le dire ainsi !), je remarque chez les uns et chez les autres leurs spécificités. leurs attitudes, leurs traits de caractère qui leurs sont propres. Ils ne semblent pas jouer des apparences, ne pas rechercher la similitude ou la différence, ils sont eux mêmes. Cela ne m’empêche pas de relever des équivalences comportementales, des affinités physiques ainsi que des corrélations sur des esprits libres, des pensées énigmatiques ou originales… Dans tous les sens du terme, nous avons bien à faire à un groupe. Tous singuliers, simultanément ils sont tous ensembles. Sous une seule et même identité et dans une parité exemplaire.
Miro, un allemand de l’équipage avec qui nous avons sympathisé la veille vient nous rendre visite sur Yes Aï ce jeudi 26 décembre. Jour très ensoleillé qui nous a permis une marche matinale méditative sur les longues plages alentour, durant laquelle je me suis laissée aller à ramasser de très jolis coquillages. Dorés et rosâtres pour certains à la coque très fine comme une feuille de papier, je partage ma volonté à Marvin de leur attribuer un avenir décoratif. Il n'eût fallu que quelques heures pour entrevoir mon souhait se réaliser avec le passage de Miro muni h24 de fils en tous genres et de ses instruments destinés à la création d’ornement. Un bel après-midi en compagnie d’un sympathique camarade partageant un même “mood” : lenteur, sérénité, créativité.
Par chance ou mérite qui sait, le soleil accompagne nos activités en ce moment. Et un peu plus d’exercices nous fait le plus grand bien. Lorsque nous ne sommes pas en train de faire le ménage de printemps dans notre maison flottante, nous somme en train de faire de l’escalade en grimpant sur le haut du mât pour vérifier une réparation, courir les petit kilomètre séparant le port du parc avec ses installations sportives, donner un bain à notre mousse (activité physique à son commencement, relaxante pour finir) et discuter en espanglais avec la serviable et aimable employée du port (activité également sportive pour la durée que pouvait prendre ces échanges !!). En outre, bien entendu, de nos activités régulières composant notre vie de nomade du 21ème siècle.
À ce propos, 8 jours à Arès, le temps est venu de migrer ailleurs ! Plutôt que d’attendre désespérément un nouveau flux d’est / nord-est pour bondir une nouvelle cinquantaine de milles plus loin voire plus et laisser derrière nous la côte nord galicienne derrière nous, nous choisissons de faire un saut de puce de 10 milles, soit 18 kilomètres, en guise de balade en mer pour ce dernier jour de l’année.
Par un vent de sud-ouest toujours aussi versatile dans cette région d’Espagne, il nous aura fallu 4h pour déclarer la Corogne comme étant objectivement le lieu de notre dernière soirée festive 2024. Pourtant, si peu de distance à parcourir pour passer de la ria de Betenzos à celle de La Coruña et propager notre sillage sur une surface d’eau clémente (c’est possible ça ?!).... Toujours est-il ! Nous sommes bien arrivés et 20h45 pétante nous nous mettons en marche pour rejoindre le restaurant Mexican Vlend. Nous qui avons pris l’habitude de manger entre 18h et 19h avant de nous coucher entre 21h et 22h (sans blague), nous avons dû nous armer de patience et nous ronger l’os avant de pouvoir assouvir nos besoins primaires. En règle générale, les espagnols font tout plus tard que les autres. Le dernier jour de l’an qui plus est, nous avons clairement bien choisi notre moment pour manger à la mode espagnole ! Un restaurant mexicain pour un dîner typique espagnol ? Bien sûr que oui ! En plus de piller d’autres territoires, les colonisateurs ont toujours ramené des habitudes du pays colonisé. La gastronomie n’en a pas été exclue c’est pourquoi en Espagne, c’est Tacos à gogo, Tortillas, en veux-tu en voilà, Fajitas double portion, que veux-tu que ça me fasse ?!D’accord mais un brownie par dessus, du vin rouge en accompagnement, un shot de Tequila, une flûte de champagne et un cocktail mexcain en digestif, le seuil de satiété est largement dépassé ! Sans parler des 12 raisins à engloutir sur les 12 gongs sonnants les 12 secondes avant la première de l’année 2025, soit-disant parce que c’est une tradition au Mexique, quand on a pas l’habitude de la profusion stomacale et intestinale, c’est feux d’artifice dehors mais aussi dedans !Bref, accueil chaleureux, soirée inattendue, retour au bercail pour une nuit qui caille !Les 2 jours suivants, je me réconcilie avec la vie citadine. En cette période hivernale, La Corogne est très calme. Les promenades tout autour des deux ports sont agréables. Effectivement, cette partie de la ville a semble t-il été pensée pour les piétons et cyclistes. Il y a de la place pour circuler et flâner le long de la côte, ceci à distance des voitures elles, peu nombreuses. La Corogne s’appelait Portus Britanniae au IVe siècle. Rien d’étonnant car paraît-il qu’elle aurait été fréquentée par des marins bretons. Aussi, lorsque l’on découvre cette côte rocheuse et sableuse sur laquelle viennent se heurter les vagues tumultueuses, on y trouve effectivement un air et une atmosphère particulièrement bretonnante !Non loin de là, nous croisons les gros bras du héros grec Hercule avant d’aller rejoindre la tour qui porte son nom. En réalité, il s’agit d’un phare, le seul dit romain et le plus ancien au monde datant de la fin du Ier siècle.
Ci-dessous, quelques photos en montage vidéo. Le résultat est flou... Il fallait bien (s') essayer 🤷 Bon visionnage tout de même 😘
Jeudi 2 janvier, un temps dépressionnaire est sur le point d’arriver sans possibilité de pouvoir naviguer .. Que faire ? Plusieurs idées en perspective… ! À suivre dans le prochain épisode des aventures de Yes Aï 😄