Salta est le coeur de la région. Tout s’y passe ou presque. Il est incontournable d’y séjourner lors d’un passage dans cette région. Nous restons une nuit à Salta entre nos deux excursions, l’occasion d’aller visiter le marché de la ville, forcément animé, et d’aller errer dans les rues très fréquentées jusqu’à tard dans la soirée.
Nous nous laissons tenter par des accessoires de Gauchos argentins : chemises, foulards, et même chapeaux pour certains. Après les pull en laine d’alpagas récupérés à la Paz, nous reviendrons beaux comme des camions en France !
Le repas sera aussi 100% argentin : empenadas de viande (sorte de chaussons de viande, que nous vous ferons gouter à notre retour), et pièces de boeuf cuites « vuelta y vuelta », très saignantes. Patrick et Sylvie font des progrès remarquables en espagnol, ils ne se trompent plus que 3 fois sur 4 pour demander de l’eau sans gaz et l’addition.
Le train des nuages (el tren a las nubes) est le train le plus célèbre d’argentine. Il part de Salta et traverse les vallées de la « quebrada del toro » en passant par des viaducs hauts perchés, surplombant des paysages de western. En une journée, le train propose l’aller retour entre Salta et son terminus, mais en pas moins de 17h de trajet ! Pour des raisons techniques, il est en ce moment arrêté (même s’il s’arrête quand même normalement pour la saison des pluies, un peu plus tard), ce qui ne nous empêche pas de longer ses rails lors de cette première journée de boucle nord, depuis notre van.
Les kilomètres s’enchainent, et nous grimpons toujours plus en altitude. Le train des nuages est un des trains les plus hauts du monde : nous dépassons les 4000m d’altitude, toujours en longeant les rails, et nous pouvons observer au loin les sommets enneigés dépassant facilement les 5000m d’altitude. Evidemment, à cette altitude, il n’y a plus rien d’autres que de la terre, de la roche, et des cactus, même si ces géants piquants disparaissent lorsque nous atteignons les plus hautes altitudes.
Nous mangeons à San Antonio de los Cobres, l’occasion de connaitre un peu plus les bourgades du coin. Ici, on vit de mines, encore… C’en est même la capitale minière de la « puna » argentine. Les eaux en sont d’ailleurs complètement polluées depuis plusieurs années, suite à un accident avec des produits chimiques. Les rues sont très terreuses et on se demande ce que les enfants et ados d’ici font pour se changer les idées… On ne détecte pas vraiment de lieux de loisirs, la vie doit être rude ici.
Les étendues qui bordent la petite ville sont aussi l’occasion pour Sylvie et Patrick de rencontrer leurs premiers troupeaux de lamas. Ici, ils errent même sur les stades de foot. Lors d’une séance photo avec les camélidés, nous nous ferons même remonter les bretelles par un des agriculteurs qui voulait une « propina » (un pour-boire) pour avoir photographié ses bêtes. Son air très peu aimable ne nous aide pas à accepter un comportement que nous trouvons disproportionné. La photo coutera 10 pesos argentins.
Les argentins sont très à cheval (sans jeu de mot) sur les « propinas ». Après un repas, il est habituel de laisser 10% de la note. Lors d’un trajet en bus, il y a toujours quelqu’un qui étiquette tes bagages avant de les charger en soute. Si tu ne penses pas à lui donner un petit billet, la personne te le rappellera en frottant les doigts pour te faire comprendre qu’il faut donner quelque chose. Gare à toi si tu ne donnes rien ! Ce n’est pas encore la mafia napolitaine qui te demande de payer pour qu’il n’arrive rien à ta voiture, mais… quand tu as vu comment sont baladés les sacs des propriétaires à la poche un peu trop cousue, tu te dis qu’il vaut mieux donner quelques pesos.
Nous roulons désormais dans l’altiplano, cette région au proche des 4000m d’altitude qui se divise entre la Bolivie, l’Argentine, et le Chili. Nous croisons des vigognes, ces camélidés au style raffiné que nous avons déjà croisé lors de précédentes excursions.
Le nord de l’Argentine possède aussi son grand désert de sel. Evidemment, il n’est pas aussi grand et pur que celui de la Bolivie, que nous avons traversé il y a une semaine. En revanche, c’est une belle occasion pour nous de s’amuser à refaire des jeux de perspectives sur les étendues blanches de sel.
Ici, on exploite le désert pour en obtenir des kilos de sel. Les étendues sont zébrées de piscines qui reflètent le ciel pour en faire cristalliser les précieux flocons de sel. Le vent souffle fort, mais nous prenons quand même le temps de nous amuser.
Nous passons le point culminent de notre boucle : 4170m d’altitude. Le vent y est terrible, mais il n’y pas de neige à cette distance de l’équateur. Patrick et Sylvie prennent gout à la coca, et ne s’arrêtent plus d’en mâchouiller, en mettant toujours plus de feuilles sèches contre la joue. Elle les aide à s’habituer au mal de l’altitude et à luter contre la fatigue plombante qu’il amène subitement quand on dépasse les 3500m de hauteur. Cela fait plus d’un moins que nous ne sommes presque pas descendus en dessous des 4000m d’altitude, alors de notre coté, nous sommes rodés !
Si tu restes sceptique quant au mal de l’altitude, regarde l’état d’une bouteille d’eau à moitié pleine (à moitié vide, ou deux fois trop grande, ça marche aussi) qui a fait l’ascension avec toi : compressée, presque à plat : la différence de pression est grande, elle fait son effet sur ton crâne de la même façon que sur une bouteille.
Nous faisons une halte d’une nuit dans le (tout) petit village de Pumamarca. Tout ici est rouge : les montagnes offrent une terre utilisée dans les bâtisses qui colore les murs. Les petites huttes dans lesquelles nous passons la nuit ne font pas exception : bienvenue sur la planète Tatouin’ !
La grande attraction de la ville de Pumamarca, c’est ses formations géologiques incroyables. Les érosions et dégradés de couleurs sont uniques au monde. On nomme le mont derrière la petite bourgade « la montagne aux 7 couleurs ». Justement nommée, cette montagne affiche en un seul panneau vertical 7 couleurs distinctement identifiables : un paysage de carte postale, pour ne pas dire de science fiction. Nous traversons depuis quelques jours de nombreuses polychromies géologiques, mais celle ci est définitivement la plus impressionante.
La « quebrada de Humahuaca » est notre nouvelle destination. Elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Des ruines de petites forteresses peuvent être visitées tout au long de la vallée. Suite aux informations données, il est facile de déceler les anciennes forteresses, pourtant perchées à droite ou à gauche de la gorge. En effet, si tu regardes bien en passant par ici, tu seras interpelé par des flans de collines où les cactus sont en très grand nombre. L’explication est simple : le fruit des cactus est comestible, l’ancienne civilisation qui vivait ici s’en servait d’ingrédient. En rejetant les graines par voies naturelles (sur les flans de collines, donc), des nouvelles pousses de cactus pouvaient s’ériger. C’est comme ça qu’on peut trouver, en sommet des collines peuplées de cactus, des ruines d’anciennes petites citées.
Nous prenons le temps d’errer au milieu des ruines de la forteresse précolombienne du Pucara à côté de Tilcara dont quelques maisonnettes furent restaurée récemment.
Dans les ruines que nous traversons, un monument fut érigé en l’honneur des deux scientifiques italiens qui accordèrent tout leur temps à ces vestiges : il s’agit d’une pyramide… Aztec ! T’imagines bien qu’ici, ça fait grincer les dents ! Quel amalgame !
Lors de l’invasion espagnole, les locaux usèrent d’ingéniosité pour résister à l’envahisseur. Imagine toi en très grand sous nombre par rapport à de farouches conquistadors. Tu vas te prendre une déculottée, et prendre part à un combat ne changerait pas l’issue de l’Histoire. Que fais-tu ? Tu utilises tes neurones ! C’est ce que les habituants de la gorge d’Humahuaca ont fait. Dans la vallée, des milliers de cactus géants poussent de partout. Grâce à eux, la légende pouvait être écrite : coupés à hauteur d’Homme, transpercés d’une branche, vêtus de ponchos et coiffés de sombreros, ils faisaient partie de l’armée désormais décuplée des résistants. Ces forêts de cactus traversées de chevaux excités pour en élever une épaisse poussière paraissaient depuis les points de vue espagnols comme une armée aux manches remontées et prête à en découdre. Sans combattre, les espagnols ne s’y sont pas essayés, et le scénario était déjà prêt pour un film digne des meilleures bandes d’Hollywood.
Nous sommes aujourd’hui à une demi-terre de chez nous, puisque nous passons le tropique du Capricorne ! Un monument est dressé ici pour marquer la ligne imaginaire séparant les régions tropicales et sub-tropicales.
Nous mangeons à Humahuaca, avant de profiter d’une petite heure de digestion dans ses rues vivantes et pavées, découpant les quartiers de maisons en pisé, et ses places pittoresques. De nombreux marchants de souvenirs mettent l’ambiance.
La période de Carnaval nous est comptée par Pablo comme particulièrement savoureuse : « Ce qui se passe pendant le carnaval, reste au carnaval », dit-on !
Nous nous rendons au croisement de deux rues respectivement empruntées par filles et garçons, où chaque année la tradition souhaite qu’ici, les gens entrent en collision. Les couples éphémères formés par un simple contact à ce croisement seront scellés pour toute la durée du Carnaval ! Peut importe si les personnes que le destin a choisi ne soient pas partenaires dans la vie de tous les jours, la tradition, c’est la tradition !
Si jamais tu as la chance de venir à Humahuaca, rends-toi au clocher de la place centrale à midi ou à minuit : une interaction mécanique anime son horloge avec une marionnette de taille réelle de San Francisco Solano.
Au sommet de la ville, se dresse le Monumento à la independencia, dominant les ruelles pavées de la ville.
Après avoir emprunté des pistes sinueuses ou la nature impose son rythme et ses couleurs, nous nous arrêtons à Iruya, petit village fondé en 1753 et encore imprégné des cultures Aymaras et Quechuas. Il n’est pas possible, en voiture, d’aller plus loin. Il n’est même pas possible de venir ici par tous les temps…
Nous profitons des quelques heures de soleil qu’il reste pour marcher dans les rues qui ne sont pas sans rappeler celles de la Paz, tellement elles sont inclinés.
Malgré que ce petit village soit le fin fond de la vallée, l’activité y bat son plein, et il y a étrangement beaucoup d’ados.
Le point de vue qui surplombe la ville permet de profiter du haut d’une falaise l’encaissement de la vallée. De là haut, il faut chaud et sec, la petite brise est appréciable et nous avons même une belle vue sur la fête de l’école du village !
Le cimetière du village est particulièrement coloré. Chaque stèle est décorée de fleurs et d'ornements faits de... bouteilles en plastique ! C'est ici une façon de déposer auprès des défunts des choses qu'ils aimèrent pendant leur vie sur terre (paquets de cigarettes, bouteilles de boisson, sachets de coca...).
La coca, c’est bien, mais ce soir, Patrick n’est pas au mieux de sa forme : le mal d’altitude a frappé. Yoyo n’est pas à 100% non plus, le repas est très léger, accompagné de maté de coca pour seul remède.
Au petit matin, tout est rentré dans l’ordre, chacun a retrouvé la forme ! Nous pouvons profiter du retour sur Salta. Iruya, la ville où nous avons passé la nuit, est le terminus de la gorge : nous prenons donc le chemin inverse.
Une des forces de la quebrada de Humahuaca est sa polychromie changeante au fil des heures et de l’ensoleillement. Le retour, malgré qu’il soit sur la même route que la veille, offre différents aspects de couleurs. La « palette du peintre », au dessus du village de Maimara, est particulièrement fascinante avec les lueurs de l’heure du retour. Ces dégradés de couleurs ne sont pas sans rappeler les formes géologiques rencontrées lors de notre sortie dans le cratère autour de Sucre. En revanche, ici, les couleurs sont plus nombreuses et nettement plus marquées.
Une fois de plus devient coutume, les barrages de grévistes (les mêmes que lors de notre arrivée en Argentine) nous forcent à emprunter une route secondaire pour rejoindre Salta. La pluie battante remplace les rayons chauds du soleil, tous les signes sont là pour indiquer qu’il s’agit bel et bien de la fin de la semaine Saltena.
Tu n’es certainement pas sans savoir que l’Argentine vit au rythme du football. Ici, c’est une religion. Il est impossible de se promener quelque part en argentine sans avoir au moins une personne avec un maillot de football ou un tatouage à l’effigie de son club de coeur.
Deux équipes se tirent particulièrement la bourre : Le club de Boca Juniors et celui de River Plate. Deux rivaux de Buenos Aires qui s’affrontent dans des derbys bouillants qui mettent la vie du pays en pause. Ici, on appelle ce match le « super classico », celui qu’il faut voir au moins une fois dans une vie dans un des stades respectifs des deux clubs. Notre guide, Pablo, nous a parlé toute la semaine de sa passion pour le club Azul y Amarillo (bleu et jaune) de la Boca Juniors, lui aussi a son logo tatoué sur l’épaule. Ronron est aussi un amoureux du ballon de cuir, les discussions avec Pablo étaient celles de vrais passionnés !
Figure toi que ce soir… les deux clubs s’affrontent dans la demi-finale de coupe d’Amérique du sud… Un équivalent d’un Lyon-Sainté ou d’un PSG-OM en coupe d’Europe : de quoi en émoustiller plus d’un ! Ronron équipé de son maillot de la Boca, nous pouvions aller diner devant un écran géant pour suivre ce super-choc tant attendu par les argentins.
La semaine autour de Salta s’achève. Les parents de Yohanna s’envolent vers le sud de l’Argentine, et nous reprenons notre allure à nous. La semaine fut "Maravilliosa", comme disait Pablo.
Nous souhaitions nous diriger vers le désert d’Atacama, au Chili, mais les horaires de bus n’étaient pas du tout concordantes avec notre planning (les bus ne partent pas tous les jours pour cette destination)… Nous décidons, avec chagrin, de sauter cette étape, et de descendre directement sur Mendoza, la région viticole par excellence de l’Argentine.
Mendoza, prépare tes tire-bouchons, nous arrivons !
N.B : petite erreur remarquée dans la vidéo... à 1'30", ce n'est pas les ruines de Quilmes, mais la Pucara à proximité de Tilcara...