Mekong Elephant Park

Publiée le 18/12/2019
Le Mekong Elephant Park se trouve face au port de Pak Beng sur le Mékong. Ce village est situé à mi-chemin entre Luang Prabang et Huay Xai à la Frontière thaïlandaise. C'est une étape obligatoire pour les navires qui remontent ou descendent le fleuve...

Au pays du million d'éléphants....

Le Laos avait, par le passé, une importante population d'éléphants à la fois sauvage et domestiquée. Aujourd'hui, celle-ci est estimée à un chiffre d'à peine 600 à 800 individus dont la moitié serait domestiqués. Les éléphants étaient très majoritairement employés pour les travaux de débardage. Mais depuis 2004, le Laos, qui a vu sa surface forestière réduite à peau de chagrin en quelques dizaines d'années, a interdit l'exportation du bois réduisant ainsi l'activité de ce secteur. Faute de labeur, beaucoup des ces bêtes traînent sur les bords des routes en attente d'être revendues aux voisins chinois pour devenir des bêtes de foire ou être "transformées" en une énième poudre de perlimpinpin...

Mékong Elephant Park

Les racines du ciel...
Pour rien au monde Valentin n'aurait voulu rater ce moment; côtoyer une matinée entière les derniers éléphants d'Asie. 
C'est ce que propose le Mékong Elephant Park que gère l'hôtel Sanctuary Packbeng Lodge. 
C'est même une affaire de "passionnés"; Benoît gère l'hôtel et Wendy, sa compagne, le parc. Entourée des mahouts et de leurs mastodontes, Wendy présente à Valentin, très intimidé, les 4 éléphants du Park et le projet de reproduction et de récupération d’éléphants. Nous les suivons le temps d'une randonnée en forêt, et assistons à leur bain et à aux soins.
Wendy est captivante et elle défend avec passion un projet éco-touristique mûri car il ne se limite pas à une volonté de préservation mais y associe une dimension économique et sociale en proposant une alternative aux cornacs et à leurs familles.
Cet enthousiasme nous a rappelé Morel, le héros des Racines du ciel de Romain Gary. 
Alors les 40$ de la visite sont une infime contribution à une cause qui mènera à la sauvegarde de l'éléphant qui représente à la perfection tout ce qui est aujourd’hui menacé d’extinction au nom du progrès et d’un certain usage inhumain de la raison et de la logique.

Comment se rendre au Mékong Elephant Park?

Où dormir? Où manger?

SANCTUARY PAKBENG LODGE
So British ce magnifique hôtel aux allures de lodge kényan qui domine le Mékong et la forêt primaire, domaine des éléphants du parc. Le cadre est exceptionnel, le jardin tropical joliment paysagé, et la piscine bien agréable à la saison chaude.
Question confort, l'hôtel mérite bien ses 3 étoiles. Notre chambre, à la décoration raffinée, est spacieuse et parfaitement équipée. De la terrasse sous la galerie, nous avons assisté au bain des pachydermes et au coucher de soleil dans un calme que seuls égayent les tintements lointains des cloches à éléphants. C'est juste magique!
Placé sous un hall à colonnades, le restaurant offre, lui aussi, une vue époustouflante sur le fleuve et les potagers qui l'approvisionnent. La carte n'est certes pas infinie, mais les plats proposés sont savoureux.  Il y a même un menu à 12$ comprenant entrée, plat et dessert comme dans les lodges d'antan.
Attachant cet hôtel du bout du monde, qui s'évertue à offrir à ces clients un chez soi. A sa tête, Benoît, attentif et chaleureux, Pet la délicieuse serveuse qui parle français et l'ensemble du personnel serviable et souriant.
Merci pour ces 3 jours inoubliables.

Extrait des Racines du ciel de Romain Gary.

Dans cet extrait, Morel explique à Minna pourquoi il a choisi de vivre parmi les éléphants, et de consacrer sa vie à leur protection.  

« Je dois vous dire aussi que j’ai contracté, en captivité, une dette envers les éléphants, dont j’essaye seulement de m’acquitter. C’est un camarade qui avait eu cette idée, après quelques jours de cachot — un mètre dix sur un mètre cinquante — alors qu’il sentait que les murs allaient l’étouffer, il s’était mis à penser aux troupeaux d’éléphants en liberté — et, chaque matin, les Allemands le trouvaient en pleine forme, en train de rigoler : il était devenu increvable. Quand il est sorti de cellule, il nous a passé le filon, et chaque fois qu’on n’en pouvait plus, dans notre cage, on se mettait à penser à ces géants fonçant irrésistiblement à travers les grands espaces ouverts de l’Afrique. Cela demandait un formidable effort d’imagination, mais c’était un effort qui nous maintenait vivants. Laissés seuls, à moitié crevés, on serrait les dents, on souriait et, les yeux fermés, on continuait à regarder nos éléphants qui balayaient tout sur leur passage, que rien ne pouvait retenir ou arrêter ; on entendait presque la terre qui tremblait sous les pas de cette liberté prodigieuse et le vent du large venait emplir nos poumons. Naturellement, les autorités du camp avaient fini par s’inquiéter, le moral de notre block était particulièrement élevé, et on mourait moins. Ils nous ont serré la vis. Je me souviens d’un copain, un nommé Fluche, un Parisien, qui était mon voisin de lit. Le soir, je le voyais, incapable de bouger — son pouls était tombé à trente-cinq — mais de temps en temps nos regards se rencontraient : j’apercevais au fond de ses yeux une lueur de gaieté à peine perceptible et je savais que les éléphants étaient encore là, qu’il les voyait à l’horizon… les gardes se demandaient quel démon nous habitait. Et puis, il y a eu parmi nous un mouchard qui leur a vendu la mèche. Vous pouvez vous imaginer ce que ça a donné. L’idée qu’il y avait encore en nous quelque chose qu’ils ne pouvaient pas atteindre, une fiction, un mythe qu’ils ne pouvaient pas nous enlever et qui nous aidait à tenir, les mettait hors d’eux. Et ils se sont mis à fignoler leurs égards ! Un soir, Fluche s’est traîné jusqu’au block et j’ai dû l’aider à atteindre son coin. Il est resté là un moment, allongé, les yeux grands ouverts, comme s’il cherchait à voir quelque chose et puis il m’a dit que c’était fini, qu’il ne les voyait plus, qu’il ne croyait même plus que ça existait. On a fait tout ce qu’on a pu pour l’aider à tenir. Il fallait voir la bande de squelettes que nous étions l’entourant avec frénésie, brandissant le doigt vers un horizon imaginaire, lui décrivant ces géants qu’aucune oppression, aucune idéologie ne pouvaient chasser de la terre. Mais le gars Fluche n’arrivait plus à croire aux splendeurs de la nature. Il n’arrivait plus à imaginer qu’une telle liberté existait encore dans le monde — que les hommes, fût-ce en Afrique, étaient encore capables de traiter la nature avec respect. Pourtant il a fait un effort. Il a tourné vers moi sa sale gueule et il m’a cligné de l’oeil. « Il m’en reste encore un, murmura-t-il. Je l’ai bien planqué, bien au fond, mais j’ pourrai plus m’en occuper… J’ai plus c’ qu’il faut… Prends-le avec les tiens. » Il faisait un effort terrible pour parler, le gars Fluche, mais la petite lueur dans les yeux y était encore. « Prends-le avec les tiens… Il s’appelle Rodolphe. — C’est un nom à la con, que je lui dis. J’en veux pas… Occupe-t’en toi-même. » Mais il m’a regardé d’une façon… « Allez zou, lui dis-je, je te le prends, ton Rodolphe, quand t’iras mieux, je te le rendrai. » Mais je tenais sa main dans la mienne et j’ai tout de suite su que Rodolphe il était avec moi pour toujours. Depuis, je le trimbale partout avec moi. Et, voilà, mademoiselle, pourquoi je suis venu en Afrique, voilà ce que je défends. Et quand il y a quelque part un salaud de chasseur qui tue un éléphant, j’ai une telle envie de lui loger une balle là où il aime bien ça, que je n’en dors pas la nuit. Et voilà aussi pourquoi j’essaye d’obtenir des autorités une mesure bien modeste…
Il ouvrit sa serviette, prit une feuille de papier et la déplia soigneusement sur le comptoir.
— J’ai là une pétition qui demande l’abolition de la chasse à l’éléphant sous toutes ses formes, à commencer par la plus ignoble, la chasse pour le trophée — pour le plaisir comme on dit. C’est le premier pas, et ce n’est pas grand-chose. Ce n’est vraiment pas trop demander. Je serais heureux si vous pouviez signer là… »

Les racines du ciel de Romain Gary - p 54-56  - à lire collection Folio - Edition Gallimard

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