J'ai hésité à rédiger cette étape pour ne pas appuyer le doigt là où ça fait mal,mais l'image serait tronquée et les images tronquées sont pléthores dans nos systèmes de communication. Hier c'était la commémoration de l'entrée en guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Dans les rues d'Erevan ont défilés des (?) de personnes (je ne me prononce pas sur les chiffres), comme dans celles de Bakou pour honorer la mémoire des 5000 morts du Haut Karabakh l'année dernière. Je ne me suis pas jointe au défilé, bien que je sois indirectement concernée puisque ma voisine de chambre est réfugiée. Elle souffre de dépression, elle est dans le dénuement le plus complet (enfin presque, elle a un lit et de la nourriture en échange d'un travail à la réception un jour sur deux) Tous les soirs elle appelle sa maman qui est restée là-bas dans une maison ravagée (seulement les fenêtres ont été changees). Je ne suis pas allée à la commémoration parce que, tout simplement, je ne comprends pas, malgré les nombreuses explications qui m'ont été données,et lorsque je ne comprends pas je ne me prononce pas. Et puis une crainte aussi :ces commémorations n'attiseraient-elles pas la haine pour raviver le foyer de la guerre. Hier dans le ciel d'Erevan, le bruit assourdissant d'avions de chasse.
Les pouvoirs de ces nouvelles "démocraties" multiplient les gestes symboliques en édifiant des cathédrales, en installant des statues équestres monumentales pour remplacer celles de Staline et de Lenine qui sont parties à la benne et, dans le même grand nettoyage, les plaques de rues rues ont été réécrites pour honorer les héros nationaux exhumés de l'époque moyenâgeuse.
Lorsque je parcours ces labyrinthes je ne suis pas en manque de surprises ni d'interrogations. Quel est la fonction de ces petites boîtes toutes pareilles. Pour certaines complètement rénovées à l'intérieur, on y bichonne une Audi ou une BMW, dans d'autres, plus delabrees, on survit. Pour Etiennette l'arménien préfère vivre dans des conditions précaires et avoir une belle voiture. Je ne suis pas convaincue. On trouve aussi entre les voitures qui s'entassent de façon anarchique des petites échoppes, des cafés, des fast food et des amoureux qui se font des câlins. Les parkings c'est tout un monde (sans parler des gardiens improvisés qui viennent d'on ne sait d'où et gèrent on ne sait quoi, mais qui, de toutes façons réclament des sous.)
Lorsqu'ils poursuivent leurs études ils semblent se diriger pour beaucoup vers l'économie, la finance et l'informatique (un peu moins vers les Beaux Arts, auxquels on préfére architecture et design)
Les enfants sont rois en Arménie. Une soirée avec des enfants est, paraît-il, un cauchemar. Ils font tout et n'importe quoi et tout le monde en rit. En tout cas être enfant à Erevan c'est la belle vie: les parcs, les manèges, les confiseries, des babioles en plastique à profusion.
Ce sont les laisser pour compte. On s'occupe des soldats (revenus traumatisés ou blessés du front) et des enfants (les consultations médicales sont gratuites pour les enfants ( ce qui veut dire qu'elles sont payantes pour les adultes ? À creuser). Liliana habite sur son petit sac sous son arbre en bas de la rue. Elle ne tend pas la main et ne lève meme pas les yeux sur le passant indifférent. Elle dort dehors. Je me suis assise à côté d'elle et nous avons causé.
Tout le monde s'en fou. L'important "c'est de faire de la tune" comme dit quelqu'un que je connais, de remplir son caddie au supermarché, d'acheter une grosse bagnole et... de voir Paris. Dans tous les pays de l'est c'est pareil. Ceux qui rêvent d'amour et d'eau fraîche sont plutôt rares. On peut les comprendre, nous qui remplissons nos caddies au supermarché, avons de grosses bagnoles et avons vu Paris... On peut penser à l'écologie.
D'ici là semaine prochaine, vous devriez avoir des nouvelles des moutons. L'affaire est compliquée, mais " ça devrait le faire".