Personne ne pouvait me dire comment me rendre à Kamkhut. Sur le GPS, une borne, mais pas de nom. L'affaire restait mystérieuse. En fait les noms des villages ont changé depuis l'éclatement de l'URSS et il est des lieux qui n'existent pas sur la carte, et pour cause. J'ai malgré tout réussi à me dépêtrer en defaisant noeud après noeud. Bien m'en a pris. Le fil tiré m'a permis de me rendre à la frontière avec la Turquie, là où l'armée russe, toujours sur le qui vive, est prête à tirer au moindre mouvement suspect. Les terres de Buniat Sargsyan se situent dans le no man's land entre la frontière arménienne et la frontière turque. Chaque jour son père passe la porte cadenassée et bien surveillée par les militaires pour aller faire paître son troupeau de 250 brebis. La porte qu'il a passée le matin, il la repasse chaque soir dans les mêmes conditions.
J'ai compris en fin d'après midi, avec video et photos a l'appui, cet attachement à ces bêtes splendides, impressionnantes et terrifiantes. Ces bergers du Caucase sont des guerriers qui partent vaillamment au combat. Et des combats il y en a. Ce territoire interdit aux hommes est un terrain de jeu idéal pour les loups, des ours, les lynx...
Nous avons bavardé avec Armine en attendant le retour des moutons. Il n'était pas question de débarrasser la table ni de faire la vaisselle. Nous avons évidemment remonté l'histoire. La ferme de 300 hectares c'est Buniat qui l'a achetée sur un coup de coeur il y a environ 8 ans. Lors de son service militaire, il a été en poste à la frontière. Il a alors repéré cet endroit plus ou moins entretenu par les anciens propriétaires. Son père travaillait à l'époque comme maçon en Russie, 6 mois de l'année pour faire vivre la famille et lui, avait terminé des études de pharmacie. Ils se sont lancés. La maman n'était pas chaude, et puis elle y a pris goût. Je crois qu'elle prend plaisir à dorloter ses hommes dont elle est très fière.