J'ai toujours aimé voyager de nuit. Le visage collé à la vitre, une balade des RHCP dans les oreilles, et le paysage obscur dont seule la lune peut percer le secret. Tout le monde dort, dans ma couverture, j'observe. Cette sensation d'être le seul éveillé est excitante. Il reste 9h de trajet donc je ne culpabilise pas de perdre mon temps : je suis bloqué dans cette cage de fer. J'écoute; le bruit du moteur et des pneus sur la route. Je scrute; le paysage en quête d'indices sur le parcours. J'attends; la vie passe lentement la nuit ce qui me laisse plus de temps pour réfléchir. Mes paupières s'alourdissent et la musique de mes écouteurs s'atténue progressivement. Je me laisse tomber dans les bras de Morphée en attendant avec impatience la prochaine journée.
Le lendemain je retrouve Alex à Bogota. Je rigole seul parfois de l'ironie de certaines situations. Je n'ai jamais vraiment partagé un moment seul avec lui, nous nous connaissons de cette bande d'amis que je me suis forgé en classe préparatoire. Mais demain nous commençons ensemble ce qui sera pour nous un voyage d'une rare intensité. Je sais que tout se passera bien avec lui. Il est de ces personnes dont on sait que l'affinité sera vite liée.
Alex revient de Guyane Française, où il a cherché pendant 6 mois de l'or dans le cadre de ses études de géologue. Il a remonté seul le fleuve Amazone en pirogue pendant 3 semaines pour me rejoindre en Colombie. Il représente à sa manière le fantasme de l'explorateur moderne. Souvent il pense être né trop tard, que toutes les découvertes ont déjà été faites. Je trouve au contraire qu'il s'ancre parfaitement dans son présent, et que ce voyage lui fera trouver sûrement de belles pépites. C'est tout le mal que je le lui souhaite.
Est-il capital de passer à Bogota pendant un voyage en Colombie? La réponse qui m'a été donnée par les voyageurs est toujours la même : Non. Tout d'abord car il y fait froid comparé au reste de la Colombie. Bogota est la 3ème plus haute capitale du monde (après Quito et La Paz, que je vais faire aussi). Comme toute grande ville, les gens aussi y sont plus froids. Enfin il n'y a pas beaucoup de choses à y voir. Hormis quelques musées et attractions touristiques, la plupart de la surface de cette mégalopole de 8 millions d'habitants est réservée à l'habitation.
Finalement j'ai bien aimé cette ville. Le quartier de la Candelaria dans lequel nous vivions est très animé, et possède un charme certain. Les tags, la musique et la vie en extérieur reflète plutôt bien l'ambiance du pays. Les quelques musées sont assez pauvres en contenu, je me rends compte du pouvoir culturel que possède la France... Un musée retiendra néanmoins mon attention : celui de l'or. Passage obligé pour Alex, ce musée retrace le rôle de ce métal dans la culture pré-colombienne. Je comprends réellement la fascination que peut susciter une telle couleur.
Nous partagerons avec un ami français une soirée de Téjo (jeu de pétanque avec des explosifs), et l'ascension d'une colline à 3500 mètres d'altitude. Déjà à cette hauteur, l'effort se fait ressentir de façon plus intense et nous devons réaliser un certain nombre de pauses pour rejoindre le sommet. En comparaison, les stations de skis où j'ai l'habitude d'aller culminent entre 1600 et 2400 mètres, et le sommet des Pyrénées est à 3400 mètres... petits joueurs !
Nous finirons cette escapade sur une petite leçon de mathématiques... au Casino ! Une première !! Nous avons mis au point une méthode pour gagner à la roulette que nous avons nous-mêmes baptisée "la double grande martingale inversée". C'est une méthode statistique complexe qui nous a permis de doubler facilement notre mise sans risquer de perdre beaucoup d'argent. Nous gagnerons ainsi de quoi nous payer quelques verres de rhum, heureux que les cours servent pour une fois à quelque chose ;)