Notre chasse aux rayons solaires a fini par porter ses fruits. La vallée du café sous un ciel dégagé a une saveur bien différente. Pour profiter des rares éclaircies il nous fallut partir tôt à l'aurore, mais cela en valait la peine. Cette journée nous marcherons 10 heures dans le climat unique du Paramount qui a favorisé l'expansion d'une forêt vierge en altitude, et de palmiers de 80 mètres d'envergure. Au rendez-vous l'observation d'une faune et flore uniques dans le calme des montagnes : colibris, aigles, ... puma! Suivre le rythme d'Alex durant l’ascension ne fut pas de tout repos, juste le temps de profiter de la chaleur d'une " aguapanela con queso" au sommet, et nous voilà déjà repartis pour la descente. Comme un vrai guide de montagne il maîtrise le timing à la perfection. Nous rentrerons au village au soleil couchant, 2min avant le départ de la dernière Jeep. Les jambes sont épuisées mais en fermant les yeux je revois la beauté des décors, je sens l'odeur de la forêt qui prend vie, j'entends le son des animaux s'animer autour de moi, et je profite de la chaleur d'une soupe pour réchauffer mon corps et ravir mes papilles. Des sensations qui resteront des jours durant.
Le lendemain est plus reposant avec comme seul programme la visite d'une ferme de café. Notre guide Daniel nous équipe dès notre arrivée d'un panier en osier pour partir à la cueillette des grains de café, de quoi nous plonger directement dans l'ambiance. Il nous explique ensuite tout le processus de fabrication ainsi que l'histoire du café. La Colombie est le 3ème plus grand producteur au monde et (d'après Daniel) le premier en terme de qualité ! Je ne me rendais pas bien compte de l'importance qu'une telle ressource peut avoir dans l'économie d'un pays. Par exemple en 1990, une maladie est apparue dans les champs caféiers : la Roya. Celle-ci provoque la mort des feuilles de l'arbre et donc l'impossibilité pour ce dernier de réaliser la photosynthèse. 90% de la production est ainsi perdue, et le pays est plongé dans une crise économique sans précédent ! A la fin de la visite nous dégustons une tasse d'un café issu de la production de la ferme. Je ne sais pas si c'est l'ambiance ou la qualité du café, mais pour être honnête j'ai adoré alors qu'habituellement je n'apprécie guère le goût.
Le soir nous voulions prendre un bus de nuit pour rentrer sur Cali, mais quelle ne fut pas notre surprise de tomber nez à nez avec une queue d'environ 2/3h. Nous ne pouvons même pas espérer avoir le dernier bus, condamnés à rester sur place jusqu'au matin suivant. Nous levons alors le pouce et 5 petites min plus tard, une voiture s'arrête et nous propose de partager l'arrière avec leur chien. Nous gagnerons ainsi le prix du trajet, la nuit d'attente, et quelques baisers de tendresse de la part de Loki, le chien. Je rigole en laissant la file d'attente dans mon dos tout en me disant que ce mode de transport devrait être bien plus démocratisé !
Cali fut principalement des visites, des rencontres, et de la salsa. Un jour parmi tant d'autres, deux colombiennes nous proposent de passer l'après midi dans un endroit encore inconnu des touristes : une rivière dans les montagnes pour profiter de la fraîcheur des eaux. Nous ne les connaissons pas vraiment mais tout de suite nous approuvons tous deux cette sortie ! Quelle joie de la partager avec des locaux! Nous partons en bus sur des routes très abîmées où les villages et les habitants se font rares. Alejandra et Lisa nous proposent de la "chicha" une boisson locale pas très appétissante mais cela rajoute au folklore ! Nous descendons après 1h30 d'égarement le long d'une route pour entamer une randonnée vers une vasque qu'Alejandra affectionne particulièrement. Nous avons complètement baissé notre garde et laissé la magie de la rencontre opérer mais tout d'un coup le doute surgit... Depuis quand connaissons-nous ces filles? Où sommes nous ? Qu'y avait-il dans la bouteille? Sommes-nous sûrs de la destination? ... La voix d'Alejandra nous crie au loin "Llegaaaaamos chicos !" Et je la vois sauter habillée dans la rivière Pance, pure et glacée. Ouf ! Je me détends d'un coup et profite de l'eau à mon tour. Serviettes oubliées et le soleil à nouveau caché par d'épais nuage, rien ne viendra sécher nos corps glacés et la pluie recommence à tomber. Nous partons au pas de course prendre le bus pour rentrer mais ce dernier nous passe sous le nez. Dans l'impossibilité de rentrer, nous faisons de nouveau du stop dans la remorque d'une camionnette avec comme seule compagnie des bonbonnes de gaz, sous une pluie battante et le corps tremblant. Personne ne parle mais les regards en disent long sur ce moment hors du temps que nous partageons. Nous nous séparons à Cali avec un sourire complice, comme des enfants venant de réaliser une grosse bêtise, et nous partons chacun de notre côté pour nous réchauffer sous une douche brûlante. Quel voyage !
Dernière étape avant l'équateur, la ville blanche de Popayan. En arrivant nous pensions faire l’ascension du volcan Puracé, encore en activité. Malheureusement la météo nous en empêchera, une force invisible nous pousse à avancer dans le voyage. Il est temps de partir. Nous profitions des derniers jours pour déambuler dans les rues de la ville dont le centre est d'un blanc à en faire pâlir les villages de Grèce. Nous réalisons une excursion à Silvia pour visiter un marché indigène. La première sensation qui me frappe est la taille moyenne des exposants (environ 1m50) ! Je suis un géant et tout le monde me regarde. Cette sensation risque d'être de plus en plus présente au fur à et mesure de l'avancement du voyage avec le point d'orgue en Bolivie ! J'espère ne pas passer pour un ogre !
Je profite de ce voyage notamment pour apprendre de nouvelles choses mais aussi pour réfléchir à des sujets auxquels je n'avais pas encore pris le temps de réfléchir. Les lectures que j'affectionne particulièrement en ce moment sont de différents types et je compte partager par l'intermédiaire de ce blog certaines d'entres elles.
Après le passage dans le désert, je me suis épris d'un goût certain pour la mythologie grecque et les étoiles. Au delà de l'attrait scientifique que je porte aux astres, l’histoire que les hommes leur ont associé est fascinante
Au dessus de nos têtes trône glorieusement la constellation d'Orion. Je la repère désormais du premier coup d’œil dans le ciel. Orion est un grand chasseur de la mythologie, né de la peau d'un des plus puissants taureaux grecs. Il fut en admiration devant 7 sœurs, "les Pléiades", qu'il essayera de traquer dans la foret. Pour les sauver Zeus les transforma en colombes et les envoya dans le ciel. Orion mourut de la piqûre d'un immense Scorpion qu’Héra mandata pour le punir de sa vanité, lorsqu'il défia les dieux en déclarant qu'il pourrait défaire n'importe quel animal. C'est pour cela que les constellations de Orion et du Grand Chien (qui compte l'étoile Sirius, le chien d'Orion) sont proches l'une de l'autre, et que le Scorpion fut placé de l'autre côté sur la voûte céleste, le héros et le monstre se poursuivant sans cesse sans jamais se rattraper.
Une autre histoire est celle de Persée. fils de Zeus il est celui qui décapita la méduse avec l'aide du bouclier d'Athéna, des chaussures ailées d'Hermès et du casque d'Hadès. Un jour Cassiopée eut la mauvaise idée de déclarer que sa fille Andromède était d'une beauté supérieure aux Néréides de Poséidon. Ce dernier dans une colère à la hauteur de la provocation envoya Céphée, un terrible monstre marin menacer la côte grecque réclamant le sacrifice d'Andromède en compensation. Cette dernière fut accrochée à un rocher en attendant la venue du monstre. Mais Persée surgit du ciel chevauchant Pégase pétrifiant Céphée avec la tête de la méduse, sauva puis épousa Andromède. Aujourd'hui dans le ciel est reproduite cette scène, avec la présence de la constellation de Thésée tenant la méduse, Pégase, Andromède, Typhon et la plus connue : Cassiopée. Anecdote scientifique, la constellation d'Andromède contient la galaxie du même nom, qui est l'objet céleste le plus lointain que l'on peut observer à l’œil nu.
J'ai passé exactement 40 jours en Colombie et il est temps de dresser le portrait que j'ai perçu de ce territoire. C'est un pays qui regorge de paysages éblouissants, de personnalités bienveillantes et d'un climat (quasiment) idéal. Sur le plan culturel il est en plein essor. On ressent l'influence forte des colons espagnols et plus récemment des Etats-Unis, mais malgré tout la Colombie cherche à affirmer son identité. Elle y parvient petit à petit grâce notamment à des artistes qui font rayonner sa culture comme le prix nobel Gabriel Garcia Marquez, le groupe de salsa Yuri Buenaventura ou encore son équipe de football. Néanmoins elle souffre encore sur la scène internationale d'une réputation sulfureuse de drogue, de violence et de corruption politique.
En réalité, les habitants eux-mêmes sont encore aujourd'hui victimes de ces points. Je me suis presque toujours senti en sécurité, mais malgré tout, les avertissements des locaux sont quotidiens. Les habitants ont encore peur pour bon nombre d'entre-eux. Mais cela ne les empêche pas d'être extrêmement accueillants avec les touristes. Il est souvent préférable sous plein d'aspects d'être un "gringo" en Colombie. Certes on profite de notre argent, mais les portes qui nous sont ouvertes sont malheureusement plus nombreuses qu'aux locaux. Les gens nous accordent plus facilement leur confiance. Et cela a des résultats positifs car le tourisme se développe petit à petit dans le pays et bon nombre d'européens restent y vivre.
Il est vrai que la drogue est omniprésente ici, autant dans les esprits que dans la rue. Chose incroyable, il est même possible de réaliser un tour touristique pour apprendre à fabriquer sa propre cocaïne ! Toutes les maisons de Pablo Escobar sont visitables et certaines sont mêmes transformées en Hôtel de luxe. Et combien de fois m'a t-on proposé un petit rail dans la rue... Le fantasme du narcotrafiquant est bien réel et il est dur de déterminer si les colombiens en ont peur ou les envient. Je pense un peu des deux, ils sont des modèles pour beaucoup de jeunes mais l'ancienne génération fait tout pour s'extraire de leur image. La drogue semble encore avoir de beaux jours devant elle.
Enfin la corruption policière y est aussi une triste réalité. Quand on discute politique avec un colombien on ressent vraiment le dégout que certains peuvent avoir pour les forces policières et le gouvernement. Cependant la situation a tendance à s'améliorer depuis quelques années. En prenant l'exemple de Medellin, où les politiques sont extrêmement investis dans l'évolution de la ville. Elle est l'exemple même de la réussite colombienne, avec des infrastructures à la pointe de la technologie et un réel rayonnement en Amérique du sud. En 20 ans nous sommes passés d'une ville provoquant la honte d'un pays, à la fierté nationale. Beaucoup d'autres villes tentent de suivre la dynamique et c'est encourageant !
La Colombie est à mon sens un pays qui souffre de nombreuse cicatrices : orpheline d'un passé et de richesses volées par les européens, victime d'une image à l'international impliquant cartels et radicalisme politique, et une économie reposant sur des bases caféières fragiles. Néanmoins depuis 20 ans elle est parvenue à devenir l'un des pays d'Amérique du sud prenant de plus en plus d'importance, et je ne doute pas que d'ici quelques années elle devienne un must-see de l'Amérique latine. Alors dépêchez-vous d'y aller avant que la vague de touristes ne déferle sur les côtes paradisiaques de ce beau pays.