Dans ces terres naturellement inhospitalières, Tromsø est un havre de par sa position géographique qui la protège des colères de l’océan. En elle se concentrent tous les rapports de l’être humain aux pôles, pour le meilleur et pour le pire. Le pire : la chasse intensive et la quasi-extermination de populations entières d’animaux (baleines, phoques, morses, renards arctiques, ours polaires, yacks du Svalbard [disparus], rennes du Svalbard, cabillauds, etc.). Le meilleur : l’exploration extraordinaire de l’arctique puis de l’antarctique (la majorité des expéditions les plus fameuses sont parties de Tromsø). Plus récemment l’étude de la faune et de la flore, des aurores boréales et le développement des activités sportives d’hiver comme d’été.
Pour approcher la ville, nous allons la parcourir rapidement d’abord, puis nous ferons un focus sur deux de ses principaux aspects, qui ont particulièrement retenu notre attention : le Polar Museet et la « cathédrale de glace ».
Dans cette ville paisible, presque nonchalante mais extrêmement agréable, une place particulière est réservée à la musique, comme un peu partout en Norvège. Ici, un jazz band. Les plus attentifs remarqueront à la fin de l’extrait filmé que l’ombre de la guerre est là.
L’enterrement de vie de garçon peut aussi avoir lieu en musique. Ici, ce sont tous ses collègues de l’entreprise Karl’s Fiske og Skalldyr qui accompagnent un futur marié dont l’épreuve est d’avoir à chanter dans toutes les rues du centre-ville. Reconnaissons, en l’écoutant quelques secondes, qu’il aura fait de son mieux !
Mais prenons maintenant le chemin des musées.
Après toute une partie consacrée aux grands chasseurs des XIXe et XXe siècles, qui ont laissé leur nom dans les annales essentiellement pour la quantité record d’animaux qu’ils ont tués, le musée se consacrait pour l’essentiel aux aventures extraordinaires des grands explorateurs du pôle nord et du pôle sud dont deux des plus fameux sont Norvégiens.
Comme explorateur, il s’est d’abord fait connaître comme le premier européen qui a su traverser le Groenland d’est en ouest sur la calotte glaciaire. Puis il a eu le désir d’atteindre le premier le pôle Nord. C’étaient les années 1890. Les dernières terres inexplorées étaient les « terres » polaires. On ne savait même pas exactement s’il y avait une terre ou non sous la banquise arctique. Et il y avait une grande émulation pour atteindre les pôles. D’abord le Nord, qui semblait moins inaccessible. Or Nansen a une idée très originale pour réaliser le projet.
Au bout de plusieurs mois, ils n’avancent pas assez, bien qu’ils soient montés plus au nord qu’aucun navire avant eux. Nansen prend alors la décision de quitter le navire et partir avec un homme qu’il choisit, deux pirogues, des traîneaux, 14 chiens, pour marcher vers le pôle nord. Il confie à son second le poste de capitaine.
Au début ils avancent bien en direction du pôle. 17 kms par jour. Puis le rythme se ralentit. La banquise centrale se révèle être « un véritable chaos de blocs de glace qui s’étend aussi loin que l’horizon ».
Les semaines sont comptées. Ils avancent désormais de 2 à 3 kms par jour. Ils sont montés à 86°13.6 de latitude nord. Record. Mais pas le pôle nord. Il faut renoncer à moins d’aller à une mort assurée, car ils ne trouveront plus de nourriture et n’auront surtout pas le temps de revenir vers une première terre (Archipel François-Joseph) avant le retour de la nuit, des très grands froids et des tempêtes.
Ces grandes expéditions sont fascinantes par le courage qu’elles supposent et par l’exploration de l’inconnu qu’elles impliquent. Il s’agit toujours d’une conquête, mais pour se confronter au monde, l’éprouver, le découvrir, plutôt que de mettre la main dessus et se servir sans limites et sans égards. Certes, Christine fait remarquer qu’elles impliquent toujours l’esprit de conquête (et la recherche de la gloire). Mais au moins elles ne comportent pas en elles le saccage et le massacre transformés en titre de gloire.
De ce point de vue, les deux aspects de cet important musée donnent beaucoup à réfléchir.
Également luthérienne, et construite en 1964-65, elle a pour caractéristique d’être toute blanche et d’imiter des blocs de glace fracturés.
Le vitrail monumental de Sparre le rappelle avec ce Christ accueillant et un être humain bras ouverts vers lui : le christianisme est avant tout une « religion de salut ». Mais la question est de savoir : qui a encore le sentiment de devoir être sauvé parmi nos contemporains ? Beaucoup en Europe occidentale ne comprendront même pas la question. Mais ceux qui la comprennent, et qui pensent devoir éventuellement être sauvés, ou désirent l’être, sont confrontés à une autre question, pas plus simple : devoir être sauvés de quoi ? Certainement pas de l’occupation et de l’oppression romaines, comme les premiers chrétiens. Mais alors de quoi ? Cette question mérite peut-être que l’on ouvre les yeux sur notre monde en pensant à elle…
Pour repartir vers le Cap. Mais nous avons appris en soirée une étrange nouvelle. Une canicule est annoncée dans le Grand Nord. Où que vous soyez le réchauffement climatique vous rattrape. C’est 30 degrés et plus qui sont annoncés sous les latitudes polaires. Qu’est-ce que cela va donner et signifier ? Nous le verrons sur la route d’Alta.
A bientôt !