Ce sanctuaire est l’œuvre d'Octavian Grigoriu, qui a décidé il y 3-4 de tout arrêté pour se consacrer à sa forêt. Un projet ambitieux, courageux, inspiré et magnifique. De quoi s'agit-il? protéger une forêt native et les espèces vivantes qui y sont abritées, notamment, et surtout, les kiwis. Comment? On parle ici d'une forêt native, donc dont les espèces sont originellement présentes en Nouvelle-Zélande, mais ne sont pas forcément endémiques. C'est aussi une forêt secondaire, car elle n'a que 100 ans et a repoussé sur des terres qui avaient été rasées pour des fermes. Une relativement jeune forêt donc, mais sauvage, non ouverte aux touristes. Donc pas de sentiers rien. Pour protéger les kiwis, il faut se débarrasser des nuisibles, ici les possums, les rats, les furets, les souris, les hermines, les chats, qui peuvent soit attaquer les oeufs des kiwis, les poussins, ou juste manger la même chose que les kiwis. Alors oui, il y a ce côté peu sympathique où l'on est bien obligé de tuer certains animaux pour en protéger d'autres. On les tue par du poison, ou par des pièges. Pour cela, on coupe des sentiers (étroits et discrets) dans la forêt le long desquels on installe à intervalles réguliers les différents pièges selon les espèces visées.
Pour s'assurer que cela fonctionne bien, on détecte ensuite la présence des nuisibles par différents moyens. Par exemple, pour les rats, les furets, on dispose des petits tunnels en plastique à l'entrée et à la sortie desquels on dispose du beurre de cacahuète, et au milieu une éponge imbibée de colorant. Le rongeur, attiré par le beurre de cacahuète, va entrer dans le tunnel, voir encore plus de beurre de cacahuète à la sortie, et donc va traverser le tunnel en trempant au passage ces petites pattes dans le colorant et laissant ses empreintes sur du papier soigneusement disposé à cet effet. 24h après avoir installé les tunnels, on va récupérer les papiers pour voir s'il y a des empreintes quelconques.
Je résume?
1) tailler les chemins et les marquer
2) disposer les pièges
3) armer les pièges
4) détecter la présence des nuisibles
On est satisfait si le taux de présence des nuisibles est inférieur à 3%.
L'installation du sanctuaire peut paraître précaire dans un premier temps, mais quand on se rend compte du travail effectué par Octavian et les précédents volontaires, c'est en fait assez confortable.
Les installations sont séparées en deux parties: le côté "vie commune" et le côté "dortoirs". Les différentes pièces sont créées dans des containers. Ainsi, on a un container pur la cuisine, pour la salle à manger, pour les douches. On a aussi un genre de salon qui partage la façade d'un container, et les 3 autres façades ont été construites à partir d'arbres "Ponga", des arbres-fougères.
une centaine de mètres plus loin, après avoir traversé un pré, on trouve les dortoirs, composés de 3 "porta comm", des pièces facilement amovibles (portatives?).
Alors il n'y a pas d'éléctricité, même si on arrive à recharger les téléphones portables et autres avec des panneaux solaires, et de temps en temps on a le droit de prendre des douches chaudes, mais il faut lancer un générateur (tout comme pour faire la vaisselle). On récupère l'eau de pluie dans un grand bidon, du coup, pas de gaspillage!! enfin, les toilettes sont sèches. Mode de vie économe, écolo et responsable, donc. Qui implique également des douches tous les 3 jours. Mais oui je sens très bon.
On se fait très vite à ce mode de vie, et tout d'un coup le confort d'un appartement me parait (trop) luxueux, et surtout, source énorme de gaspillage!
Bon on triche un peu, on va prendre nos douches et faire nos lessives à Trounson, une des bases du Departement Of Conservation (DOC) (je réutiliserai souvent ce sigle, donc souvenez vous-en!!)
Et sinon, le site est tellement bien placé, avec une vie à couper souffle sur les collines environnantes, et au loin la mer, nous offrant des couchers de soleil incroyables et une lumière absolument magique, que l'on oublie le confort basique, mais suffisant.
Et si je vous racontais un peu ma vie à présent?
Je suis arrivée le lundi 20 novembre au soir avec un magnifique coucher de soleil. Les 4 autres volontaires avaient préparé le repas quand je suis arrivée, un délicieux curry de légumes. Les 4 volontaires, Meredith et Juliette, deux belges francophones de Bruxelles, Rebecca, germano-américaine de Hamburg et Seattle, et Robert, anglais de Cambridge étaient arrivés tous ensembles 3 semaines auparavant et se connaissaient donc déjà très bien. Deux autres volontaires venaient juste de partir. J'ai donc du faire ma place dans ce petit groupe très accueillant, très sympathique, qui ne se prend pas du tout au sérieux (sauf quand il s'agit de la forêt bien sûr!). Mardi, mercredi et jeudi nous avons travaillé dans la forêt d'Octavian, "notre" forêt, où mon rôle a été essentiellement d'installer les boites à poison le long de sentiers différents, en faisant équipe avec Octavian, Meredith, puis Robert, avec qui on a également fait le tour des pièges à chat pour les réarmer.
Vendredi et samedi nous avons tous découvert un nouvelle forêt, Mataraua, dans laquelle on a installé et relevé les tunnels à rat. Cette forêt ressemble beaucoup à la notre, assez en hauteur et très humide, permettant au fameux "stable jack", des lianes très agaçantes (mais dont on peu manger les jeunes pousses) de se développer pleinement. J'en ai profité pour ramasser plein de feuilles des différents arbres. Et oui, la végétation ici est très différentes de celle en Europe, et j'aimerais arriver à retenir les noms des arbres, car je suis un peu perdue au milieu de tous ces noms Maori (Ponga tree, Pate, Mingi Mingi, Kawa Kawa, Maka Maka, Mako Mako, Rimu....). La première journée, où j'ai fait équipe avec Octavian était très fatigante car le sentier n'était quasiment pas taillé, c'était presque comme marcher dans un réseau très dense d'arbres. Le sentier du retour était même coupé par un arbre tombé au milieu, nous avons donc du le contourner en passant par de vraies zones non coupées de la forêt.. sportif!! Le deuxième jour était plus simple, j'étais avec Juliette et Robert, relevait les tunnels et changeait la couleur des rubans de marquage, pendant que les deux autres coupaient du staple Jack... ça me va!
Samedi soir, nous allons à Trounson pour aller observer les kiwis. Vers 22h nous quittons la base équipés de lumières rouges? Les kiwis sont des animaux nocturnes, timides, qui ne voient pas le rouge. Nous voilà donc partis, à la queue leu leu, marchant tout doucement (attention, ne pas emporter de vêtement bruyants!), guettant les bruits des kiwis. Nous arrivons finalement à en observer un!!! mon premier kiwi! les autres sont blasés (mais non), ils en ont déjà vu en de très près dès leur deuxième jour, et ont même pu le caresser. Pour moi, c'est fascinant.
Nous passons donc nos journées en forêt, ce qui est plutôt sympathique. Le soir, on se repose un peu, puis on fait à manger, et on regarde souvent un film, pour finalement aller se coucher vers 22h30/23h. Les trois premiers soirs, nous avons eu le droit à des couchers de soleil particulièrement dégagés, et pour ceux qui connaissent, nous avons pu observer le rayon vert trois fois d'affilée!! Nous avons également eu le droit à un arc-en ciel absolument splendide, où l'on pouvait voir de multiples petits arc en ciel se répéter à l'intérieur.... Si le ciel est dégagé, les nuits étoilées sont également à couper le souffle. On retrouve Orion, la voie lactée, mais autrement le ciel est bien différent de l'hémisphère nord....
Le dimanche, repos, dernier jour au sanctuaire pour Rebecca et Juliette, nous allons passer l'après-midi au bord du lac Taharoa, Nous nous baignons avec Meredith et Robert, fort agréable!!