De l'or, du marbre à profusion, et le talent de dizaines de sculpteurs convaincus ou non de la grande mission à accomplir, On peut voir ces images avec nostalgie, comme un certain nombre de russes, ou avec une émotion esthétique comme un certain nombre d'occidentaux. Pour ma part elles m'effraient. Que de souffrances, que de martyrs derrière ces images héroïques. Si l'on s'intéresse à l'image, on comprend que Staline a choisi de reprendre les codes de l'art baroque du XVIIe siècle. En effet, les jésuites avaient intégré (comme beaucoup d'autres) le pouvoir des images pour galvaniser les foules : donnez de belles images au peuple, de l'or ,du marbre et les brebis rentreront au bercail. Les temps n'ont pas changé, si l'on songe au rôle des images dans notre société et, en particulier,celui de la télévision grâce à ses images de plus en plus belles et sophistiquées (on retrouve encore une fois Philippe Muray " après le fashisme, le disneyisme")
Ce jour là, j'avais choisi d'éviter la foule du centre ville pour rejoindre la périphérie et trouver un centre d'art (associatif) situé dans une ancienne usine de papiers.. L'affaire n'était pas simple. Les rues relativement désertes et sinistres en ce 31 décembre. Le froid glacial (-15°). Dans le labyrinthe des blocs tous imbriqués les uns dans les autres et dont la numérotation ne renvoit à aucune logique occidentale, j'étais prêtre à baisser les bras lorsque j'ai croisé Viktor.
Viktor est légèrement vêtu. Le froid ce n'est pas un problème pour lui, il est de Murmansk à l'extême nord de la russie. Il est avocat et rentre chez lui pour les fêtes (Une semaine entre le 1er janvier et le le 7 janvier qui est le Noël orthodoxe). Sur ce temps de congé il a 36h de train aller et 36h retour. J'espère qu'il a quelques dossiers dans sa serviette! .A Murmansk en ce moment il y a beaucoup de neige. Il ne part que demain, il aura le temps de troquer ses chaussures de ville pour des bottes de neige,à moins que.... Il a vraiment été adorable. Il n'a pas hésité à sortir son GPS et un crayon pour dessiner le trajet sur un morceau de papier. Nous avons fait un petit bout de chemin ensemble. C'est fou tout ce que l'on peut se raconter en si peu de temps! (il a visité la France et il a adoré, et il était surpris que je sois aussi enthousiaste sur les pays de l'est).
Pour la papeterie, c'était fermé (c'est le 1°de l'an). Un endroit super. Un responsable fermait la porte avant de partir, il s'est occupé très gentiment de moi et il m'a mise, par téléphone, en contact avec un designer avec lequel j'ai rendez-vous la semaine prochaine. C'es Alexi, il a l'air sympa.
Valeri est un des gardiens de l'immeuble. C'est lui qui m'a accueillie le premier jour. Il est très curieux et cette française en vadrouille sans homme et sans domicile fixe, ça l'intrigue. On a de grande discussions (il a le temps devant ses videos de cages d'escaliers vides). Tout y passe, la politique, la France, la vie des gens.... Je lui est promis un dessin, je ne sais pas si j'y arriverai. Pourtant cette image m'inspire.
J'ai oublié, Valeri est né dans les îles Sakhaline, comme Svieta la vendeuse de cigarettes de Poltava. Comme on dit chez nous, ils" sont pays" et il se retrouvent presque ensemble sur le blog.Je devrais aller voir ,au large de Vladivostok, leur " Rodina"(Terre natale) et savoir s'ils ont eu raison de la quitter.
Une petite parenthèse : un message de Tamara qui m'attend à Vladivostok. Elle nous a déjà inscrites à l'Institut français pour des cours de langues. Elle le français, moi le russe.. Elle me fait passer cette belle image. Il ne me reste plus que 10 000 km, je n'en n'ai fait que 5000. D'ici là, dans le port la glace aura fondue!
Evidemment il y aurait de quoi remplir des pages et des pages. J'ai choisi de vous faire partager seulement quelques coups de coeur.
Je m'étais présentée la veille et avait fait demi-tour devant la queue immense. Des centaines de personnes piétinaient par -15° devant la nouvelle galerieTietrakov. J'étais à la fois déçue et ravie : Les russes s'enthousiasmeraient pour leurs avant-gardes historiques (suprématisme, constructivisme...) qui sont pour moi (et pour beaucoup) au sommet de l'art moderne (tout autant que la renaissance italienne pourl'art ancien). Ils étaient prêts à patienter des heures pour les découvrir de visu. Je suis revenue le matin à l'ouverture, il y avait dejà du monde, mais beaucoup moins. A ma grande surprise, le flot de personnes s'est engoufré dès le 1er étage dans une exposition temporaire et les escaliers monumentaux qui accédaient aux étages supérieurs étaient vides. L'exposition? Un artiste sans doute célèbre, que je ne connais pas. Un impressionniste du début du XXe siècle, enfin quelque chose qui ne présente aucun intérêt (pour moi et les mêmes qui apprécient l'avant-garde). J'ai regardé deux ou trois oeuvres et suis partie sans avoir envie d'en voir plus. Les petits bricolages de Tatline, les français ont du mal à s'y habituer, mais les russes aussi. Quel dommage! Pas tout à fait, j'étais pratiquement seule dans le musée et j'ai pu y rester 4h sans voir le temps passer.
J'ai traversé le boulevard pour entrer dans le parc Gorki. Après avoir regardé les patineurs tournoyer sur la glace (en hésitant devant la caisse car j'adore ça), j'ai découvert au détour d'une allée le "Garage", un centre d'art contemporain géré par la femme d'un oligarque. Un endroit de rêve pour qui aime l'art contemporain. Tout est gratuit. Une exposition magnifique de Louise Bourgeois (je croyais connaître par coeur, mais j'ai encore découvert des choses). Quelle bonne femme! Les traumatismes de l'enfance comme levain de la création (l'araignée, on a la même dans le jardin des Tuileries)
Petit détour par le magasin des Beaux-arts qui était plein à craquer. Je voulais de l'or et une plume très fine avec de l'encre de chine.(oh la la, Agathe, prise de risque maximum pour le sac à dos). Alina et son charmant sourire a passé un temps infini à sortir les boîtes de feuilles d'or. Toutes les deux accroupies dans un petit coin, le nez juste à la limite de l'espace qui se situe entre le haut de la botte et le bas du manteau de fourrure,, nous avons fouillé dans les fonds de placard. Pour la plume, ce n'était pas plus simple, puisqu'il fallait trouver le porte plume qui s'adaptait. Alina c'est la douceur même. L'or ce n'est que de l'imitation, vous êtes déçus?
La maison de bain Sanduny serait la plus ancienne maison de bain de Russie (1808). Elle est à 10mn à pied de l'appartement. Avec le froid, les muscles se tendent et ont besoin de retrouver leur élasticité. Les russes ont une vraie technique pour des résultats indiscutables. De la chaleur (très forte), de la vapeur, des senteurs, des baquets d'eau glacée, en hauteur, basculés à l'aide d'une chaîne, (il y a le son avec, puisque l'on ne peut pas s'empêcher de crier), des branches avec du feuillage sec pour se fouetter le corps, et beaucoup d'autres petites coquineries. C'est un peu cher pour un budget serré (30 euros) mais on y passe malgré tout 3h et l'on est tout neuf en sortant.
Cette fois je connaissais le chemin. Plusieurs métros, pas mal de marche à pied, mais le temps était moins froid ( seulement -12°). Très peu de monde dans cet énorme bâtiment et les pesronnes que j'ai rencontrées n'avaient jamais entendu parler d'Alexi le designer. C'est un peu comme dans le roman de Boulgakov que je suis entrain de lire, on ne sait jamais si les personnages existent ou si on les a rêvés. Pas grave. J'en ai profité pour me balader dans ce bel endroit où effectivement il doit se passer énormément de choses.... sauf le jour de Noël
L'esprit du lieu me plaît : au détour des innombrables couloirs et sentiers qui zigzaguent entre les bâtiments j'ai trouvé de quoi faire une synthèse de l'histoire de l'art assez irrévérencieuse. Dans la chronologie : le suprématisme ( le carré noir sur fond blanc de Malevich dégouline), le réalisme socialiste (Le travailleur a endossé la carcasse d'un playmobil), l'art contemporain (superman se fracasse contre un mur). ça fait du bien. Dommage pour le rendez-vous manqué..
Laure et sa famille rentrent dans 2 jours. Je vais faire mes bagages pour qu'ils puissent defaire lrs leurs.