Je ne pense pas que dans nos grands ensembles HLM , il soit possible de laisser son linge dans les espaces communs. Je me trompe peut-être. A Kalinina, aucun souci, le linge peut sécher au grand air, à l'ombre et en un clin d'oeil, puisqu'il fait environ 35°.
Après six mois sur le parking, je ne pensais pas que la petite redémarrerait au quart de tour. Mais une fois la batterie rechargée, le moteur hoquetait légèrement avant de s'éteindre, épuisé. L'affaire était grave. J'ai donc eu recours à notre grand spécialiste S mécanique, Pierre, qui m'a dispensé à distance quelques conseils très précis. En premier lieu il fallait une batterie neuve, puis vérifier l'amorçage de la pompe à injection. Je pensais acheter la batterie au garage concessionnaire et la ramener en taxi. J'ai donc commandé un taxi et expliqué mon problème. Valeri, le chauffeur, a levé les bras au ciel : j'allais payer la pièce beaucoup trop cher, ce n'était pas un bon plan. Il a alors pris les commandes et m'a conduite, sans traîner, dans un magasin de pièces détachées sérieux pour l'achat d'une bonne batterie pas cher (que demander de plus?). Valeri, puisque c'est de Valéri qu'il s'agit, a présenté sa carte pour que je profite d'une remise et m'a ramenée au parking, pour l'installer lui-même. La petite est partie au quart de tour et roule comme une horloge réparée par Pierre. J'ai payé 2euros la course du taxi, et il n'a jamais voulu accepter un griven (monnaie ukrainienne). Il était presque choqué par ma proposition. En Ukraine, tous des bandits?
J'ai retrouvée la merveilleuse Tamara (voir portrait étape "Ukraine"). Elle n'en peut plus de vivre en appartement communautaire avec des locataires qui se succèdent à un rythme de plus en plus rapide. Elle a décidé de vendre sa chambre et les parties communes partagées pour trouver un logement à la campagne. A la ville c'est inenvisageable. Alors nous sommes allées faire un petit tour du côté de Soukhodol à 60 km de Poltava où la fille de son amie, Tania, habite. Là il y aurait un appartement à vendre pour l'équivalent de 1800 euros. Elle pourrait vendre ce qu'elle possède pour environ 5000 euros. L'affaire est jouable il suffit d'aller voir. J'étais ravie de la proposition : l'étude du marché immobilier en Ukraine, quel plan!
Famille recomposée. Le papa de Nastia (Anastasia) est à Moscou. Maria, le bébé, est arrivé cet hiver. Tout s'est bien passé. Comment vivent t-ils ? Comme toujours je ne sais pas. Il y a un grand jardin et l'on vend quelques légumes à Poltava. Pas suffisamment en tous cas pour réparer la maison qui est très délabrée à l'intérieur. Il y a 3 pièces, une cuisine et deux chambres. Les toilettes? une cabane à l'extérieur, comme en Mongolie. Les toilettes à l'intérieur c'est un projet, mais quand il n'y a pas d'argent comment faire?
Ils m'auraient tout donné, poupée, tracteur... comme des petits chats, ils sont calins et malicieux. Ils voulaient que je dorme à la maison , comme Tamara,. En partant Nastia s'est inquiétée ; "Tu pars en France et tu connais le chemin?". Ils sont vraiment craquants.
Le village se compose de petites maisons entourées de jardins ouverts, , des fleurs, des arbres croulant de fruits, des buissons rouges de baies (on comprend que l'Ukraine est un pays de cocagne), une école, un hôpital, un magasin...sur la route, des oies, des poules. Le bania (superbe et immense) et la prison ne fonctionnent plus. L'appartement que vise Tamara, nous n'avons pas pu le voir, le propriétaire n'était pas là, ce sera pour demain. Le bâtiment de deux étages, en briques, entouré d'arbres et de fleurs est en bon état. Qu'en est-il de l'intérieur? Ce serait le rêve, il y a deux chambres et une cuisine. Elle vivrait enfin seule, après des dizaines d'années dans l'appartement communautaire. Un souci,les habitants de l'immeuble que nous avons croisés ont l'air un peu... spéciaux. Comment ne pas retomber dans une galère? Ah, si j'avais 10 000 euros sur mon compte, j'achèterai tout de suite un appartement avec Tamara à Poltava et je viendrai de temps en temps me ressourcer avec cette belle personne pour parler une langue qu'elle manie avec force et élégance (quelle voix!) .Elle s'applique à me faire saisir les nuances et la richesse de sa langue (elle est russe), mais il y a là un petit chantier. Comme l'écrit Emmanuel Carrière dans "Un roman russe" : "Parler russe me fait du bien, et ne pas y arriver me fait du mal."
Tolia c'est Anatol. Lui aussi, je vous l'ai déjà présenté à l'étape Ukraine. Tolia est amoureux de moi. Comme il me dit en russe "de la pointe des pieds à la pointe des oreilles". Nous en rions. Nous sommes donc ensemble retournés au cimetière et dans sa maison. Il avait préparé un repas de fête, mais a souhaité que je me mette aux casseroles sans doute pour verifier si je savais cuisiner !
C'est la campagne à la ville. Des "domiki" toutes imbriquées les unes dans les autres., un puits, un petit ruisseau, des framboisiers... Une toute petite porte pour rentrer dans une toute petite cuisine. Une disposition un peu étrange pour nous puisque l'on passe par la chambre pour aller dans la salle à manger. Une table est préparée avec la vaisselle des grandes occasions et sur la bouteille de cognac (russe), les petits rubans de couleur qui entouraient le cadeau que je lui avais fait pour Noël. Enfin, tout cela est charmant.
Il nous a raconté une histoire étonnante, Son arrière grand-mère habitait dans une ville au bord de la Volga au nord de Novosibirsk. Dans la maison mitoyenne s'agitait un petit garçon turbulent.C'était Lénine. Des turbulences il y en a eu encore après.
Le papa de Tolia a été arrêté au moment de la "repretsia" sous Staline alors qu'il avait lui-même un an. Il a été fusillé quelques années plus tard à Vladivostok. Tolia ne l'a jamais connu. Sa maman (ravissante), ne s'est jamais remariée.
Ils sont tous là. Les étés on ne les passe ni à la mer, ni à la montagne, ni en voyage. Certains vont à la Dacha, mais la plupart restent en ville. Ceux qui travaillent travaillent. On ne s'arrête pas lorsque l'on n'a une famille à nourrir. ¨Le retour a définitivement scellé notre amitié. Ils se sont bien habitués à cette française un peu folle qui a souvent la tête ailleurs et qui perd tout : lle permis de conduite est perdu, il devait être dans le sac en Mongolie, on va dire ça comme ça, car il peut être ailleurs aussi. Enfin avec cette explication ça fait moins désordre. Pour le prochain voyage je partirai à pied, les mains dans les poches. Quel bonheur ce sera!.
Il s'est, paraît-il, installé dans un autre coin de la ville. Le nouveau bottier a fait place nette et la boutique est vide. et propre Vide de son âme, vide de sa clientèle pittoresque (la boutique était toujours pleine, pas pour les réparations de chaussures mais pour le petit verre de vodka avalé rapidement derrière le rideau noir qui séparait la pièce en deux, le rideau a disparu et la clientèle pittoresque aussi).
Elle fait toujours ses 12h par jour tous les jours de la semaine. Cet hiver, il faisait froid, cet été il fait très chaud dans sa petit boîte en fer. C'est bizarre de penser qu'elle est restée dans sa boîte tout le temps où je parcourais le monde. Je lui ai apporté des petits cadeaux avant de partir, un pendentif en résine avec un dessin d'Agathe et une carte postale du Mezenc. J'aime bien la façon dont elle prononce "Le mont Mezenc". Elle devrait être douée pour les langues.
C'est lui dit qui le dit. Il faut bien simplifier les parentés improbables.Victoria, sa belle fille, la charmante jeune fille qui avait choisi dans le troc vêtement -photo la robe fleurie des années 50 (voir étape Ukraine), vient d'avoir un bébé, Stanislas. Le papa ? nietou, comme disent les russes. Elle a 19 ans. Qui va subvenir aux besoins de ce petit ? Vova, il en fera un peu plus (il est maçon, il travaille déjà beaucoup pour pas grand chose!). Il adore Vita, la fille de son ex femme et quand on aime, on ne compte pas. Il a acheté des bières et un poisson pour fêter l'évènement (comment envisager des bières sans poisson?). Ce tout petit bébé l'émeut et le ravit.
Il m'a proposé de venir voir les peintures de son papa qui est musicien et peintre.Je suis donc montée à l'étage au dessus où il vit avec son oncle aveugle depuis sa séparation. Des peintures très touchantes. Il y en a plein l'appartement. En partant sur le palier pour se dire au revoir, il m'a soulevée de terre comme une plume. Il faut dire qu'il est costaud. Nos discussions politiques enflammées nous les reprendront...
Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter l'une de ses anecdotes préférées : un petit vers de terre est avec son papa dans la terre, une terre pleine de caca. Il regarde en haut vers le pommier où un autre vers mange une pomme. Il demande : "Pourquoi papa, sommes nous ici dans le caca ? Ne pourrions nous pas, nous aussi, être dans la pomme? ". Le papa répond " non, mon fils, car ici c'est notre terre natale.."
Belle, dans tous les sens du terme (voir étape Ukraine). Elle m'a accompagnée tout le long de voyage en se connectant régulièrement sur skype. Que ce soit en Russie, en Mongolie ou en Corée ce n'était que rire, quelles que soient les circonstances. J'ai déjà écrit que c'était un soleil;elle adore le jaune est-ce hasard?
Pour réaliser le volet "conserves " dans le projet de Perm, il me fallait apprendre (je tiens à faire les conserves selon le mode ukrainien, c'est un pur délice et les compositions dans les bocaux, un régal pour l'oeil aussi). Elle a passé 3h à me coacher, alors que sa maison était pleine de monde. J'ai fait un film, je suis très contente des rush, elle a une réelle présence à l'écran. Sur you tube, la conserve ukrainienne devrait faire un tabac.
Pourquoi tout ça me direz vous? Bonne question, je me la pose aussi. Un an me paraissait un délai énorme.En fait ce n'est rien du tout, un automne, un hiver, un printemps et un été. Je pensais sans doute affronter tempêtes de neige, ouragans, canicule, ours, bandits de grands chemins. ..En fait chez les autres; c'est comme chez nous (il y a aussi pas mal de matériel de camping et je n'en n'ai pas beaucoup fait. Peut-être sur le chemin du retour en Hongrie).