L'Ukraine

Publiée le 15/11/2015
Je me pose pour deux mois en Ukraine. Hébergée chez une amie qui vient régulièrement en France et plus particulièrement à Yssingeaux (la diaspora russe en France). Elle habite depuis plus de 40ans à Poltava. Elle a programmé quelques jours à Kiev début décembre. J'ai prévu de progresser en russe avec cet excellent professeur.

La maison est joyeuse

Poltava

Veronica est très dynamique et a un moral d'acier malgré les (énormes) difficultés de la vie. Pour compléter sa retraite qui est l'équivalent de 50 euros par mois, elle donne des leçons d'anglais (40 grivi de l'heure,  un peu plus d'1euro). Comme personne n' a d'argent ici, certains enfants viennent en groupe ce qui divise le prix.  Elle cuisine des petits plats, et m'a cédé la moitié de son appartement de 2 pièces.

Les chats occupent beaucoup de place

 Le 14 novembre  attentats à Paris. Je suis attentivement les évènements sur internet. Tout bascule. Ne dois-je pas faire demi-tour pour aller m'occuper de mes petits ? Ce voyage a t-il encore du sens ? 

Appartement 35, 40 Kalinana Poltava

L'appartement chaleureux de Veronica, ce sont les deux fenêtres éclairées sur la gauche. A chaque étage des habitants très différents, célibataires, familles  décomposées et recomposées. Tout le monde se connaît et s'entraide. Certains cours d'anglais sont rémunérés avec des pommes de terre qu'on rapporte de la campagne.

Un parking bien gardé

Le parking est à 1/4 d'heure de la maison. J'essaye de prendre chaque fois des chemins différents pour naviguer entre les blocs d'immeubles et découvrir des petits trésors cachés. Veronica adore que je la promène en voiture. Elle en parle à toute ses copines au téléphone. Elle en raconte un peu trop à mon avis. J'aimerais un peu plus de discrétion. C'est une russe!

les trésors cachés

Le pneu est l'unique matériau utilisé pour la décoration dans cet énorme ensemble de  bâtiments.  Il a aussi une fonction signalétique, jeux d'enfants jardinière pour les petits arbustes et les fleurs.  Les habitant d'un "bloc" investissent de toutes sortes de façons les espaces disponibles à l'extérieur (ils sont vastes et arborés).

Je suis arrivée le week-end des élections municipales

"VENEZ VOTER,  NE FAITES PAS CADEAU DE VOTRE  VOIX AU BUREAU DE VOTE" (inscription en ukrainien)

Un samedi ordinaire

Au dehors tout est gris et bouilliasseux, dedans c'est chaleureux. Lisa est descendue du 2ème étage jouer du piano. Sa maman Galia est venue la rejoindre pour nous couper les cheveux. Vladimir est passé faire le fou.

les vêtements ça continue en Ukraine

Agathe, les chaussures Palladium toutes neuves ont ravi Lisa, notre pianiste, Victoria (Vika) est repartie avec des petites étoiles dans les yeux : dans son paquet, la veste que je portais pour la soirée d'adieu aux Estables, et la robe vintage de Tote (années 60?) Liouba (amour en russe) un cardigan rouge de Suzanne Agnessa, une petite veste d'Agathe et un très joli ensemble de Suzanne. C'est noël!

Sur mon chemin j'ai rencontré...

Stanislas, le chevalier des déchets,  se bat contre les ordures, cuirassé de sacs poubelles. Il s'y connaît en photographie. Il m'a demandé quel objectif j'avais et a aimé le Polaroïd. Je lui ai donné sa photo qu'il a glissée sous le pull.

Dans la rue

Les babouchki posent leurs petites affaires un peu partout. Elles proposent au passant deux pots de conserves, une botte d'oignon, des tisanes et d'autres choses que je ne connais pas. J'ai acheté un petit sac de poires(il n'y en avait pas deux)  à la dame qui est en photo Sous la jolie lumière d'hiver la scène peut paraître charmante, mais il faut savoir que ces ukrainiennes usées avant l'âge (les soins ne sont pas ce qu'ils sont chez nous) peuvent planter une journée entière dans le froid et le vent pour 100 ou 120 grivni ce qui fait 5- 6 euros

Oui, j'adore les camions (les voitures aussi). "Beau comme un camion", l'expression doit avoir été inventée en Ukraine ! Veronica n' en revient pas. Nous qui avons de si belles machines en France, s'attarder sur ces vieilleries? Pourtant les choses évoluent, elle commence à regarder son patrimoine un peu différemment, surtout grâce aux petits dessins.Elle était morte de rire (elle rit beaucoup) lorsque je me suis intéressée aux poubelles. Elle a, en fait, beaucoup aimé le dessin des poubelles et m'a, du coup, raconté leur histoire.  C'est un pays où l'on a envie de dessiner, alors, j'ai repris mes crayons. J'essaye un petit dessin par jour (ou par nuit). Une vie de rêve je vous dis.

Dans les rues toujours
Les français arrivent en Ukraine, l'islamisme gagne du terrain

Tout le monde suspecte tout le monde. Un mini bus en mauvais état a pris feu sur l'avenue puis explosé pas  très loin . Pas de blessé, ni de victime, mais "on" aurait vu une femme aux yeux noirs toute   habillée de noir (le diable en personne) partir tranquillement avec les autres passagers.  Bien sûr les habitants du quartier  sont convaincus de la véracité de l'histoire. Emettre des doutes semble inutile.

La bataille de Poltava...

Comme si vous y étiez. En fait il ne valait mieux pas y être! André  a fait un petit crochet entre le Puy en Velay et le nord-est de la Russie pour me saluer. Nous avons pris quelques cafés ensemble au Majestic en partageant  notre engouement pour les pays de l'est (un voyage à Prague ensemble il y a plus de 20 ans aussi). Et voilà, il était là ce week-end. Vika a voulu nous faire visiter le musée de la bataille de Poltava (voir Wikipedia si vous ne savez pas). Pour ma part, je ne suis pas très friande des musées d'histoire (ils foisonnent dans les pays de l'est). Je suis aussi mal à l'aise que certains dans les musées d'art contemporain. Je n'y comprends rien : trop de choses à lire (en plus en ukrainien), pas suffisemment de culture de l'objet pour voir la différence entre deux pétoires...mais, par contre, j'adore les maquettes, et en particulier, dans celle-ci, les paniers peints sur le décor et les vrais paniers qui dégringolent. Nous sommes rentrés à la maison par un  petit froid cinglant et beaucoup d'humidité sur les épaules. Vika a mis la table dans la chambre-salon, car dans la cuisine c'est vraiment trop petit à son goût. Nous avons bu une bouteille de crémant, mangé du confit de carnard du sud-ouest (merci Clementine) avec des petites pommes de terre ukrainienne  et dégusté les délicieux zakouski de Vika. André veut la recette, ça y est, je l'ai. Nous avons fini la soirée tous les deux dans une taverne qui brasse sa propre bière (excellente). Lorsque je suis rentrée Vika était sans dessus dessous. Elle est terrorisée par la faune qui traînerait la nuit ici et le parking est un peu loin. Pourtant j'avais l'autorisation de sortie. C'est vrai j'ai pris froid, alors aujourd'hui elle me soigne avec des tisanes. Ah ces enfants!

Kiev

Trois jours à Kiev. Une chance! Kiev est une ville surprenante si on la compare à Paris. Pas de précipation, une circulation fluide aussi bien dans le métro que dans la rue. Tout est propre. Les Jeunes se lèvent dans les transports en commun pour laisser s'asseoir les personnes âgées, personne ne joue des coudes ou parle fort. L'ambiance? Les gens sont graves et sérieux. Les ukrainiens sont inquiets et ils ont quelques raisons de l'être. Pourtant ils sourient pour la française qui aime les photographier et toujours ils demandent : "Qu'est-ce que l'on dit de la guerre en France?". Je n'ose pas leur avouer que l'on en dit plus grand chose.

La jeunesse à Kiev
La Révolution de Maiden : l'espoir. La guerre du Donbass : désespoir

La révolution de Maiden, qui a coûté plus d'une centaine de morts dans la population civile, a laissé des traces indélébiles.  Elle a ouvert une fenêtre sur la démocratie et paraphée  la fin d'un régime corrompu. Apparemment en 2013,  c' était déjà trop tard. Le mal était fait. Les oligarques avaient déjà affamé les populations d'ouvriers travaillant sur les sites industriels qu'ils avaient pu racheter à bas prix. Ils ont pu et peuvent encore en tirer des profits indécents  grâce à une main d'oeuvre  maintenue dans un état d'exrême pauvreté. Le gouvernement ukrainien a laissé faire. Maintenant le "petit peuple" se révolte espérant de Moscou une aide à une vie meilleurs. Le pot de terre contre le pot de fer. L'Ukraine n'a plus d'armée (grâce, en partie, aux européens et aux américains qui  ont promis  assistance en cas de conflit en échange de la dénucléarisation)... Dimanche les tous jeunes, qui sont parti sur le front sans avoir jamais tenu une arme, viennent en permission et arpentent la place Maiden avec leur famille, l'air triste et un peu perdu. Les photos en noir et blanc sur la place  sont celles d'Ukrainiens qui étaient présents lors de la révolution en 2013. Ils donnent leur image pour signifier : "Nous étions là pour résister et nous résisterons encore". Mais avec quels moyens?

L'opéra de Kiev

Concert hommage à Tchaïkovsky.   Des extraits de ses opéras, et la symphonie pathétique en 2ème partie. Magnifique. Tchaikovsky adorait l'opéra de Kiev où  il a dirigé plusieurs fois ses nouvelles créations. D'après lui, la salle, les choeurs, les costumes... étaient meilleurs qu'en Russie. On comprend  l'intérêt des ukrainiens pour ce compositeur. Veronica n'était jamais allée à l'Opéra de Kiev, alors que sa maman (qui a grandi à Kiev) avait  assisté dans ce même théâtre à 15 représentations d'"Eugène Onéguine". Elle était ravie. Il a fallu quelques fois que je la pousse du coude, lorsqu'elle se mettait à chantonner les airs qu'elle connaissait (un bon nombre). Une surprise beaucoup de jeunes à l'opéra  (dans les églises aussi).

Le bazar, caviar à volonté

Le bazar central (Bessarabia) est une merveille et n'a rien d'un bazar. Je n'ai pas craqué pour le caviar (que j'ai pu goûter), le prix m"a paru exhorbitant (400 grivni =16euros). Je n'ai pas osé. c'est le tiers du SMIC ici.

Le rituel de la poste


Chaque semaine une petite carte avec une photo prise au polaroïd pour Pt'it Pom. C'est le contrat. Une année  à gambader de par le monde ? ok,  mais des images.  Je sais qu'elles s'alignent dans la cuisine et  commencent à faire un petit décor . Pourtant l'affaire n'est pas simple: il n'y a pas vraiment une culture de la carte postale dans les pays de l'est. Je les déniche dans les brocantes ou chez les hôtes qui m'accueillent et qui fouillent dans leurs boîtes. Dans les musées aussi.  Les gens qui prennent la photo sont surpris par le petit bout de carton qui leur saute à la figure.. Les photos ne sont pas toujours très réussies, mais c'est rigolo.


Merci les "dievotchki"

"Dievotchki", ce sont "les filles" en russe. C'est comme cela que Vika appelle ces amies de longue date. C'est grâce à elles que nous avons eu un hôtel pas cher et d'excellent confort tout près du métro, et des entrées gratuites pour l'opéra (alors qu'à la caisse c'était complet). J'ai eu droit à une visite guidée dans Kiev par de vraies professionnelles (Evguenia et Olga sont architectes-designer).
Les tanks sur la place : plus qu'une attraction ou un terrain de jeu pour les enfants, un signe fort, l'Ukraine est en guerre.

L'0rient -Express?

C'est le retour. Nous avons pris les billets les moins chers (120 grivni aller-retour soit 5 euros), alors le voyage n'en finit pas. Heureusement il ya une jeunesse joyeuse dans le compartiment. On rit, on s'amuse, on discute. ça change du TGV où tout le monde a le nez sur son portable. Et  puis il y a le thé servi par les provodnitsi (contrôleuses) (6 grivni= 25 centimes d'euros). Avec Vika nous avons déplié la carte de la Sibérie que j'avais trouvée (avec difficulté) à Kiev. J'étais déjà dans l'ambiance

Retour à Poltava

kalinana 40 -appartement 35.

rien n' a changé, les chats sont toujours là
Pour Suzanne, les poubelles

Désolée Pierre, les poignées ne sont pas au mileu (dans la réalité elles le sont). Ces poubelles sont magnifiques dans un bel  acier. Si on avait les mêmes, nos villages seraient moins moches.

Des nouvelles du village !!!

Vous êtes tous beaux dans nos montagnes. Que d'oxygène ! Non Caroline, le café n'a aucun goût chez les autres,  il y a bien longtemps que je n'en bois plus ! Le prochain ce sera aux Cévennes bien sûr avec vous tous ! Et le prochain tour en vélo ?  Avec ma vie citadine j'en aurais bien besoin.

Merci, merci  les amis.

Merci Caroline, ma princesse, pour les jambière tricotées avec amour. Elles sont bien arrivées à Kalinina 40 ap. 36 et seront du plus bel effet sur le Transsibérien (je les mets aussi en brassière pour lire le soir!)

Portraits

Une petite série de portraits ukrainiens. La mémoire et la modernité.

les babouchki Marina, Vika et Liouba

Marina est née en 1937 dans une famille juive. Alors qu'elle avait 10 mois son père a  été arrêté puis fusillé un mois après et sa mère, pianiste concertiste, "déplacée" au Kazakstan où elle a continué à jouer dans les théâtres. Elle a été confiée à sa tante à Poltava. Elle a pu retrouver toutes les informations concernant son père sur internet lorsque les archives ont été rendues publiques. Sa mère n'a jamais su. Marina a beaucoup aimé les robes de mariage de Tote et un pantalon en lainage noir de Suzanne.

Liouba était mariée à un militaire qui a été réquisitionné pour décontaminer Tchernobyl sans tenue appropriée. Il est mort un ou deux ans après. Elle a fait une grave dépression. Liouba et  Vika se sont rencontrées à l'hôpital psychiatrique. Elles sont devenues très amies et habitent dans le même quartier. En compensation du sacrifice de son mari elle ne paye que 50% des charges pour son appartement, c'est à dire chaque mois 200 grivni au lieu de 400 (8 euros au lieu de 16)

Nadia

Nadia est le "Vratch". C'est le médecin psychiatre qui a travaillé  dans l'hôpital où étaient Vika et Liouba. Son coeur a battu pendant la révolution orange et comme elle le dit elle-même, je suis une "révolutionnaire". Elle aime la vie, elle aime les gens. Nadia a quitté l'hôpital pour créer un centre d'aide pour les alcooliques et les toximanes. L'état ne l'a pas aidée, les malades n'avaient pas un sou. Il fallait pourtant payer le local et le personnel. Elle a baissé les bras. Bien qu'encore jeune elle est à la retraite et habite une merveilleuse petite maison derrière la gare où elle fait pousser des tomates, récolte les oeufs de ses poules, caline son chat et son chien  et tartine des petits biscuits avec de la crème fraîche. Elle me dit que je suis un rayon de soleil (traduction approximative)- petit rayon du crépuscule car elle, c'est midi -

Elia

Elia est venue essayer des vêtements. Elle a emporté ces deux robes et les chaussures. Et aussi,une paire de bottes palladium pour Alice, sa petite fille qui a 4 ans et demi. Elle a 22 ans et s'est mariée avec sergueï à 18 ans. Elle travaille dans une serre industrielle pour éclaircir des carottes.Il  y fait très froid en ce moment. Le salaire n'est pas toujours payé, mais on ne dit rien en Ukraine, parce que l'on est vite remplacé. , Sergueï fait son service militaire du côté d'Odessa. Les soldats ont une solde de 150 grivni (6 euros) pour leurs cigarettes et le savon. Sergueï ne fume pas alors il peut se laver. Il reviendra un mois dans un an et ira ensuite sur le front  (personne n'envisage que la guerre s'arrête). Elle habite dans un deux pièces, comme le nôtre, avec ses beaux-parents : une chambre pour les grand-parents, une chambre pour Elia et Alice.

Tamara

On ne peut pas raconter la vie de Tamara. Certaines violences sont insoutenables. Je l'ai rencontrée, il y a 3 ou 4 ans à Yssingeaux. Sont regard gris et lumineux m'avait fascinée. Aujourd'hui?  La moitié de son appartement a été vendu il y a de nombreuses années. Comment fait-on pour vendre la moitié d'un deux pièces: c'est simple: il suffit de construire un petit couloir entre les deux chambres et de partager la cuisine (minuscule) et les sanitaires avec les nouveaux propriétaires. Mais la chambre se revend, ou se loue, et les occupants ne sont pas toujours très délicats. La chambre de Tamara, ? Un canapé, une table, une chaise, une armoire, un ou deux placards et un frigidaire (il vaut mieux avoir l'oeil sur ses provisions).  pas de télévision, pas de radio. Elle n'aime que les livres (l'histoire en particulier). Pourtant il n'y en a pas de livres dans la chambre. Elle les emprunte un à un à la bibliothèque. Son esprit rapide enregistre tout et elle est imbattable pour les mots croisés. Elle a emporté le reste des vêtements et des chaussures pour les distribuer à tous ceux qu'elle aime aider. Ouf, les vêtements c'est fini. Merci Tamara. Désolée pour le bazar dans ta chambre.

Ps J'ai montré le blog à Tamara,  elle m'a donné son accord et posé très volontiers pour la photo/ La chambre pourrait être récupérée pour 6000 dollars et Tamara serait chez elle. A votre bon coeur m'sieur dames!

Nikolaï I

Nikolaï I est gardien sur la стоянкa (parking)  . Il me fait volontiers rentrer dans son bureau (une vue imprenable sur les deux longues rangées de voitures ). Il me prépare un petit café qu'il accompagne de biscuits et puis... nous bavardons. Il a un an de plus que moi . Il est aussi à la retraite. Pour compléter, il travaille sur le parking à un rythme qui lui convient bien : 24h de service et 3 jours de repos. Pendant les 24h, il ne faut pas s'endormir et, la nuit, arpenter la grande allée, dans le froid  avec le flingue sous le bras.Il gagne 1300 grivni (40 euros) par mois ce qui lui double sa retraite. Il regrette l'ex union soviétique, l'époque où tout le monde parlait la même langue.; L'époque où, au service militaire il partageait la même chambrée avec les ousbeks, les tatares, les russes... c'était sympa.  On pouvait aussi voyager.  Un billet de train pour Moscou  coûtait 10 roubles  (salaire 250 roubles). Je viens de payer mon billet pour Moscou 1500 grivni soit 60 euros. . La  guerre il ne la comprend pas, ou plutôt, il ne l'admet pas.

Nikolaï II, maître bottier

Je suis allée faire réparer mes bottes chez NikolaÏ. Elles prenaient l'eau et comme dans le quartier il y a un peu d'asphalte entre les flaques c'est très inconfortable. C'est un petit kiosque qui doit faire environ 6m². On rentre par la porte latérale et on fait la causette. Il y a toujours quelqu'un , ça rentre,  ça sort. Derrière le rideau où sont stockées les chaussures il y a de  la vodka et du chocolat. Nikolaï répart tout, même les sacs en tissu- plastique archi usés auxquels il manque une anse et des semelles que l'on ne ramasserait pas d'une poubelle. Sa femme vit en Allemagne avec ses filles et lui habite avec son fils qui ramasse la feraille et les bouteilles dans les poubelles pour se faire quelques sous.

Svieta, un rayon de lumière

Svieta (lumière en russe)  tient le kiosque de cigarettes. Je m'étonnais de la voir chaque fois que je passais, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit (la nuit tombe à 4h chez nous alors qu'il est 3h en France). Nous avons fait connaissance. Elle travaille de 7h du matin à 9h du soir tous les jours dimanche compris. Elle gagne 3000 grivni (120 euros). Elle est veuve et élève seule son fils (qui n'est pas bien dans sa tête, il a 24ans).  Je lui ai demandé quand elle trouvait le temps de faire des courses. Quelles courses ?  Dans les petits kiosques à côté il y a du pain, des saucisses et des babouchkas avec quelques pots de légumes. Elle me dit avec un sourire "mais je n'achète rien". Elle a toujours le sourire.



Anatolia

Nous sommes allés au cimetière avec Anatolia.(la voiture c'était une bonne idée!)  Sa femme a été renversée par une moto il y a 4 ou 5 ans.  Le cimetière est loin de la ville et il  n'y a pas d'autobus. Après,  Il nous a invité à déjeuner chez lui. Sa nièce avait préparé le repas et nous avons bu du très bon vin ukrainien. Il m'a récité des vers de Paul Eluard (en russe), parlé de  Françoise Sagan et de  Simenon.. Sur la tombe, il y a son portrait à côté de celui de sa femme et c'est très émouvant de voir la haute silhouette noire dans un face à face silencieux avec sa propre image scellée dans le granit. A Zvornik dans le cimetière vide j'avais eu une impression morbide: les vivants sont déjà morts. Ici c'est tout le contraire, Anatolia est avec sa femme au delà de la mort, on est dans  le domaine de la  métaphysique.

Rouslana, artiste peintre
Le cadeau de Rouslana
Ania

Je croyais que c'était fini avec les vêtements. Non pas tout à fait. Le jeunes couple qui vit dans la chambre mitoyenne chez Tamara (elle a enfin de gentils voisins) a pioché dans le carton. Ania a beaucoup aimé les chaussures, le tee shirt noir et la robe d'été. Elle veut être professeur d'école, elle est en première année à l'université il lui en reste 5 à faire. J'ai oublié de demander combien gagne une "Institutrice". Je vais me renseigner et vous tiens au courant. Ania a 19 ans.

Bogdan

D'après Tamara, Bogdan  est absolument ravi de son anorak. Il n'aurait jamais pu s'en offrir un. Il lave des voitures et a pris sa journée pour pouvoir poser pour  la photograhie. Il a commencé des études de "construteur" (je ne sais pas ce que c'est) et n'a pas pu continuer pour des raisons financières. Il a le sourire du prince charmant et un regard bleu très doux.

Une inconnue

L'histoire se lit sur les corps.  Beaucoup marchent difficilement appuyés sur une canne. Il y a aussi ceux que l'on ne voit pas parce qu'ils sont dans leur lit. Le col du fémur ça ne se répare pas en Ukraine . On fait avec. Il n'y a pas d'infirmières à domicile, alors la famille, les voisins se mobilisent. Enfin on se débrouille.

Les filles du bateau

Il en manque une. Elle est tombée à la mer?  C'est vrai qu'elle n'était pas très douée pour les manoeuvres. Mais non ce n'est pas Noël en Ukraine, ni en Russie d'ailleurs. Le Noël russe(orthodoxe) est calé sur l'ancien calendrier . C'est donc le 7 janvier. Les enfants sont encore à l'école toute cette semaine et moi je fais mes valises pour Moscou. Un autre ange sur mon chemin  : Laure. Elle, part en vacances en France et me prête, au centre de Moscou, son appartement pour une semaine. C'est encore le réseau des filles du plateau : Jacqueline de Faye sur Lignon que nous avons rencontrée pour la fête de la poésie au mois d'aoùt. Je vous embrasse.

(Françoise ta nouvelle coupe te va très bien. Moi aussi je suis passée chez le coiffeur, c'est un peu moins bien, mais pas mal non plus, et pour 70 grivni soit 3 euros, il n'y a rien à dire, il paraît que l'on m'a vu venir, parce que j'étais française !)

Lorena, the red dress is gone back to the "Roumanie"  page.

5 commentaires

alcina

J'atterris à Kiev mardi prochain ....

  • il y a 9 ans
Dominique

Peccata

Un grand bonjour à Veronica. Nous serons heureux de la revoir aux Estables.
M.Cécile.

  • il y a 9 ans

Michele

Le soleil brille toujours sur la Haute-Loire . On a changé de région, désormais nous ne sommes plus auvergnats, on a changer de président de région, l'avenir est plus qu'incertain…
J'espérais quelques vidéos. Est-ce qu'on en verra ou est-ce que c'est trop compliqué ?

  • il y a 9 ans

Sonka

Bonjour Rainette, je découvre avec plaisir votre voyage... Quelques petits éclaircissements tout d'abord : bazar signifie marché, et n'a donc pas besoin d'être désordonné pour porter ce nom. Un konstruktor, a priori, c'est un ingénieur, du moins l'une des spécialités d'ingénierie. Quant à Nikolaï qui regrette la perestroïka, est-ce que ce ne serait pas plutôt l'avant-perestroïka qu'il regrette ? Car à part aux nouveaux riches qu'elle a enfantés, la perestroïka n'a généralement pas laissé de bons souvenirs à beaucoup de monde...
Sinon, quelle chance vous avez eu de faire un voyage si riche en rencontres diverses et variées ! Ce n'est que là, je crois, qu'on touche à la réalité d'un pays. Merci d'avoir partagé cela. Je vais poursuivre ma lecture de vos aventures dès que le travail m'en laissera un peu le temps.

  • il y a 9 ans
nicole

Rainette

Tout à fait d'accord pour la perestroïka. C'est vraiment une erreur.Merci de l'avoir souligné. Il s'agit de l'ex union soviétique . Je rectifie tout de suite.

  • il y a 9 ans