10 février. La marchroutka c'est un minibus qui fait la navette entre Irkoust et Listvianka. Pour la prendre, Il faut se rendre au marché. Sur le parking, les chauffeurs attendent que le véhicule soit plein pour partir. Il faut environ 1h 1/4 pour faire le trajet. Le coût du billet est de 120 roubles. Le véhicule du jour est plutôt du syle corbillard recyclé. Une constante pour toutes les marchroutka, l'absence d'amortisseurs, une pièce qu'il semble inutile de changer puisqu'il faudrait renouveler l'opération tout de suite derrière. La conduite est rapide et sportive. Lorsque le bus décolle sur un dos d'âne, les jeunes filles poussent des cris comme sur les manèges, les vieux se taisent car ils sont habitués à souffrir en silence (je suis dans quelle catégorie?).
Au petit matin des effluves de poisson frit au bord du lac. Tous les revendeurs s'activent. Je n'ai pas encore goûté, cela viendra peut-être.
Sur le lac, on marche, on glisse, on patine, on trottine... Le plus impressionnant, ce sont les luges accrochées derrière les voitures, avec des enfant hilares. Rien dans le ciel.
Lorsque j'ai tourné dans la rue, au coin de l'impasse dans laquelle je m'étais faufilée, j'ai entendue une sorte de détonation, comme un coup de fulsil très proche. Je me suis retournée, nos regards se sont croisés et nous avons ri ensemble. A mon avis l'affaire n'est pas gagnée (le propriétaire du véhicule m'a précisé qu'il avait tout fait de ses propres mains). cette "oeuvre" me fait penser aux machines de Tinguely : beaucoup de moyens pour de tous petits résultats. Je me sens très proche d'eux.
Bien sûr une envie irrésistible d'y retourner. J'ai choisi pour cette journée le trail du Baïkal conseillé dans tous les guides. Le temps est magnifique. Inutile de dire que je n'ai aucun équipement particulier. Les vêtements techniques, ce n'est pas mon truc. Une petite inquiétude cependant : j'ai peur qu'il n'y ait foule, les français débarquent par charter à Irkoust (la chute du rouble et l'attrait du Baïkal). Galina ne sait plus où donner de la tête.
Au fond le lac et les montagnes enneigées.
Je n'ai pas réfléchi, le trail c'est l'été ! Il ne me reste plus qu'à faire demi tour. Je m'allonge dans la neige pour profiter du silence. Pas un souffle, pas un son, c'est étrange. Et d'un seul coup, un déclic : je ne vois rien dans cette forêt, mais eux ils me voient. La-haut sur les flancs de la colline, ils ne voient même que ça : une silhouette étendue au milieu du chemin. Qui? Mais les ours bien sûr. Oh la la ! l'histoire finit là, Rainette déchiquetée dans la neige. Je me souviens des conseils de Jérôme ; courir, enlever ses vêtements un à un pour distraire leur attention. Enfin tout un scénario, comme une gamine. On comprend que je ne traîne pas et rentre au village. Là je me renseigne : les ours il y en a ? C'est dangereux de se promener seule dans la forêt ? Bien sûr qu'il y en a, mais en ce moment ce n'est pas dangereux parce que "oni spiat!" (ils dorment). J'y retournerai donc, mais pas seule malgré tout, avec mon ours qui est apprivoisé.